Entretien avec Christophe Decultot, General manager division auto de Honda Motor Europe.
...Vous enregistrez actuellement des baisses de vente importantes depuis le début de l'année. Vous attendiez-vous à une période si difficile ?
Christophe Decultot. Il est vrai qu'après quatre années de progression importantes, dont l'année 2007 qui a battu tous les records, 2008 ne se présente pas sous les meilleurs auspices, avec - 13 % sur les six premiers mois. Contrairement à l'Italie ou l'Espagne, en France, le marché est pourtant globalement stable. En fait, il est artificiellement soutenu par l'explosion du segment A et la bonne tenue du B. Pour les constructeurs disposant d'une belle offre sur ces segments, la contre-performance est moins visible. Chez nous, le CR-V, qui réalisait un tiers de nos ventes, s'est écroulé de 30 %. L'impact sur nos résultats est donc immédiat.
JA. Est-ce la responsabilité exclusive du malus écologique ?
cd. En grande partie oui, mais en ce qui concerne le CR-V, il faut bien aussi considérer que le segment SUV a chuté de 50 %. Ce type de véhicule commence à devenir politiquement incorrect, car supposé encombrant, gênant, polluant, et j'en passe. Il faut peut-être redonner une nouvelle image aux SUV, avec un look moins typé 4x4, moins baroudeur et plus familial. Mais il ne faut pas oublier que les autres constructeurs présents sur ce marché souffrent également. Ils compensent néanmoins peut-être mieux avec le reste de leur gamme.
JA. Quel impact ces résultats mitigés auront sur vos objectifs et sur la rentabilité du réseau ?
cd. Difficile à dire aujourd'hui, car nous entrons, pour le deuxième semestre, dans une période de lancement de produits à volumes, avec lesquels nous pouvons nous refaire. C'est le cas de la nouvelle Jazz par exemple, mais aussi de l'Accord, récemment lancée, et de sa déclinaison en Tourer, sur laquelle nous fondons les plus grands espoirs. C'est un véhicule important car cher et à marge plus importante, donc directement impactant sur la rentabilité du réseau. Néanmoins, nous avons revu les objectifs du réseau de 10 % sur les 6 premiers mois. Mais nos concessionnaires ne se sont pas énormément plaints, car ils ont eu de belles années de progression auparavant. Leur rentabilité est de 1,5 % sur le premier trimestre, alors qu'elle était de 1,9 % l'an dernier. De toute façon, nous tentons de les soutenir avec des opérations commerciales comme sur le CR-V par exemple.
JA. Est-ce que ces difficultés remettent en cause la stratégie de développement de Honda en France ?
cd. Pas du tout. Nous sommes aujourd'hui à 90 points de vente et visons toujours les 130 à raison de 10 à 15 ouvertures annuelles. Il s'agit d'un plan raisonnable à trois ans, car Honda fonctionne toujours en exclusivité de marque. Nous visons quelques open-points bien sûr, mais nous souhaitons aussi renforcer des grandes métropoles à fort potentiel comme Lille ou Lyon. Nous avons également des armes à développer, comme les ventes à société par exemple. Elles culminent actuellement à 10 %, alors que nos produits ont de très beaux atouts, que ce soit en termes de coût d'entretien, ou même de valeur résiduelle. Les modèles hybrides, la Civic et la future compacte, devraient aussi intéresser de plus en plus les entreprises, qui profitent ainsi d'incitations fiscales et d'une image environnementale indéniable.
JA. Où en est votre programme hybride ?
cd. Nous avons réalisé de belles performances avec la Civic Hybride, dont les ventes ont doublé, à environ 1 500 unités. A l'inverse des SUV cette fois, on constate un véritable engouement pour ce type de véhicule. Il est également possible que nous bénéficions de l'effet "première alternative à la Prius". Par ailleurs, la clientèle se diversifie grandement. Le client écolo et avisé se voit aujourd'hui rejoint par des acheteurs plus "populaires", attirés par le bonus écologique, par le problème de la hausse des tarifs de carburant… Enfin, nous présentons au Mondial de Paris notre prototype de futur hybride compact familial à cinq places. Commercialisé normalement vers février 2009, ce véhicule émargera à moins de 20 000 euros et sera donc un modèle à volumes. Nous avons pour ambition claire de démocratiser la motorisation hybride.
Données de Cadrage
A l'issue de l'année fiscale 2007, Honda Motor Company affichait un total de ventes mondiales de 3 652 000 unités, en progression de 7,5 %. Sur son marché domestique, en dépit d'une conjoncture délicate, Honda a essentiellement réussi à se maintenir grâce aux mini-cars (+ 16,8 %). L'Amérique du Nord demeure bien entendu le premier marché du groupe avec 1 788 000 immatriculations, dont 1 529 000 aux Etats-Unis (+ 2,8 %). Takeo Fukui, président de Honda, a d'ailleurs confirmé que la nouvelle usine automobile située en Indiana, pour une capacité de production de 200 000 unités par an, et le nouveau site de production de moteurs au Canada seraient opérationnels à la fin de l'année. En Europe, la marque a aussi progressé, portée par le trident Civic/Jazz/CR-V et récoltant les fruits de ses efforts sur le Diesel. Par ailleurs, il convient de souligner que Honda se développe fortement au sein des BRIC. Ainsi, dans la zone Europe, la Russie apparaît désormais parmi les principaux marchés de la marque. Au Brésil, Honda a enregistré une croissance de 18 %, à 67 000 véhicules, tandis qu'elle passait un cap dans son implantation en Inde (+ 40,3 %, à 60 000 unités). Enfin, en Chine, via Guangzhou Honda Automobile et DongFeng Honda Automobile, le groupe a vendu 323 000 voitures (+ 25,9 %).
Au 1er trimestre 2008 (année fiscale soit avril-mai-juin), Honda a continué à progresser à l'échelle mondiale (962 000 ventes, pour + 1,7 %), malgré la crise frappant les Etats-Unis. Par conséquent, Takeo Fukui maintient ses prévisions, et notamment l'objectif de tutoyer les 4 millions de véhicules vendus sur cet exercice fiscal. En outre, il confirme le Plan 2010 qui comporte un important volet environnemental. Honda s'engage à réduire ses émissions de CO2 de 10 %, tant au niveau des produits qu'à celui des sites de production. Parallèlement, l'offre hybride sera renforcée pour s'articuler autour de quatre modèles qui devraient représenter, dans un premier temps, environ 500 000 ventes par an. Enfin, Honda a validé cette année le déploiement de sa solution Fuel-Cell, par le biais de la FCX-Clarity lancée dans de minis tests pilotes au Japon et aux Etats-Unis. Sachant que le groupe ne néglige par ailleurs ni le gaz naturel ni les solutions éthanol, il apparaît bien armé pour relever le défi écologique actuellement proposé à l'industrie automobile.
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