Entretien avec Anne Chick, responsable du Salon Autoparts Fair, Hong Kong Trade Development Council.
...organisateur, qui se retrouve face à la très célèbre foire de Canton, en Chine Continentale, connue des acheteurs du monde entier.
Journal de l'Automobile. Racontez-nous la genèse du Salon Autoparts Fair
Anne Chick. Le cahier des charges était relativement simple. Quel que soit le secteur, le HKTDC a pour mission de trouver des vecteurs de développement de l'export à Hong Kong. Après le Salon de la mode, lancé en 1970, ou encore du jouet, il s'est avéré, plus récemment, que la pièce auto renferme un bon potentiel pour les industriels locaux. C'est pourquoi nous avons créé ce Salon. Nous avons discuté avec les professionnels hong kongais, pour connaître un peu mieux leur métier, quels étaient leurs clients, leurs principaux pays d'exportation… Là, nous avons appris que le marché automobile chinois se situe au quatrième rang mondial, et qu'il va même bientôt passer en 3e position, supplantant l'Allemagne ! Les raisons principales sont évidemment sa population colossale, qui pointe actuellement à quasiment 1,3 milliard de personnes. Le pouvoir d'achat de ces masses populaires augmente, la demande explose et l'auto ne fait pas exception. D'où l'intérêt de constituer un Salon dédié à la pièce auto, car qui dit auto dit naturellement pièce…
Quant à la date, elle s'est imposée d'elle seule. Nous avons choisi avril, car c'est un gros mois de sourcing (approvisionnement) en Asie. Il y a notamment beaucoup de Salons à Hong Kong, mais surtout la Foire de Canton, en Chine Continentale. Les acheteurs du monde entier viennent pour ça, et nous profitons de leur venue pour les attirer à HK. Notre statut de première édition ne nous permettant pas forcément de fédérer les acheteurs de manière automatique.
JA. Comment s'organise l'exposition ?
AC. Attention, encore une fois, c'est une première édition, avec tout ce que cela suppose. Autoparts Fair est encore confidentiel. Nous avons obtenu la confiance de 254 exposants, venus principalement de Hong Kong, Mainland (Chine Continentale), Taiwan et Thaïlande. Nous avons deux ou trois allemands mais c'est très symbolique. Néanmoins, nous croyons beaucoup au potentiel du Salon dans les 5 prochaines années. Dans le domaine automobile, les hong kongais sont très fiables et font du travail de qualité. De nombreux industriels locaux fournissent d'ailleurs des constructeurs en première monte.
JA. Hong Kong compte-t-elle beaucoup d'industriels de l'automobile ?
AC. Oui beaucoup. Mais soyons clairs. En général, le siège social de la société reste à Hong Kong, mais il n'y a quasiment plus d'usine sur place. Les sites de production sont évidemment en Chine continentale, où la main d'œuvre, l'implantation… sont beaucoup moins chères. Mais cet état de fait est valable pour l'électronique ou le jouet, autant que pour l'automobile.
JA. Mais si toutes les entreprises sont situées dans Mainland, pourquoi faire le Salon à Hong Kong ?
AC. Les usines sont souvent basées en Chine continentale c'est vrai. Mais le design, le contrôle qualité, le marketing, bref, le cerveau des sociétés reste basé à HK. Les professionnels du monde entier viennent ici pour faire du business. Ils sont habitués à la sensibilité internationale de cette métropole. Par ailleurs, notre système légal est bien établi, ce qui n'est pas le cas en Chine. Le système de taxation est très simple à Hong Kong. Il n'y a que deux produits taxés ici, les cigarettes et l'alcool. Tout est donc plus simple administrativement. Par ailleurs, aucun visa n'est exigé pour entrer sur le territoire, ce qui facilite grandement les déplacements imprévus.
JA. Pourtant, Shanghai se développe beaucoup ces dernières années par rapport à HK. Par exemple, cela ne vous effraie-t-il pas qu'Automechanika ait choisi cette ville pour tenir Salon dans les prochaines années ?
AC. Il faut faire bien attention quand on parle de Shanghai. C'est vrai qu'en 10 ans, Shanghai s'est développée de manière exponentielle. C'est fascinant.
Mais comme ils partent de zéro, il est logique que leur développement prenne des tournures d'explosion ! N'oublions pas toutefois que derrière le faste des immenses buildings, il subsiste beaucoup de problèmes, notamment dans les domaines de la propriété intellectuelle, du système légal, de la logistique, des infrastructures. La langue est un autre véritable souci. Quoiqu'on en dise, en Chine Continentale, on ne parle pas anglais.
Cela dit, nous ne négligeons pas du tout le potentiel de la Chine. C'est un vrai challenge pour Hong Kong, mais à long terme.
JA. Pourquoi le Salon Autoparts Fair est-il combiné avec le Salon du packaging ?
AC. C'est certain que les synergies entre les deux secteurs ne sont pas évidentes ! Mais je ne pense pas que ce soit dérangeant pour les exposants de l'un ou l'autre des deux secteurs. Les Salons sont clairement identifiés et relativement séparés. Nous avons fait cela parce qu'il nous était impossible de vendre l'espace en totalité sur le seul secteur automobile en avril dernier. Vous savez, la concurrence est rude ! Il y a déjà beaucoup de Salon de pièces auto dans Mainland. Nous avons veillé à la qualité des exposants, pour qu'ils correspondent parfaitement à la typologie de visiteurs que nous attendions. Pour nous, il serait pire de voir des visiteurs mécontents que de déplorer des allées vides.
JA. Vous disiez que HK conserve les cerveaux… Pourtant, les problèmes majeurs de la Chine à l'international viennent de la qualité des produits. Que répondez-vous à cela ?
AC. Vous avez raison. Quand on voit "made in China", sur un produit, on a tendance à être méfiant. Paradoxalement, aujourd'hui, tout est "made in China". On ne peut pas passer à côté ! Ça s'est donc forcément amélioré. La concurrence est la clé de cette progression. Elle s'est tellement exacerbée que, même en Chine, les industriels se sont vus obligés de proposer de meilleurs produits, car ils risquaient de perdre des marchés. La qualité est donc devenue une question de survie pour certains ! Par ailleurs, à Hong Kong précisément, les compagnies respectent mieux les attentes qualitatives de leurs clients étrangers, simplement parce qu'ils ont appris à connaître les pratiques et les doléances, souvent différentes des Etats-Unis, du Japon ou des Européens.
Mais je ne nie pas l'évidence. Nous souffrons du fait que le "made in China" englobe aussi bien la Chine que Hong Kong.
En Chine continentale, le mode de travail n'est évidemment pas le même. Là-bas, on trouve des "manufactures domestiques", c'est-à-dire des gens qui travaillent chez eux, en famille, à 10 personnes dans leur salon ! Dans ce cas, évidemment, le contrôle qualité est proche de zéro.
JA. Cela fait-il du tort à Hong Kong ?
AC. Ces mini usines fabriquent des produits low cost. Mais après tout, on sait ce qu'on achète quand on traite avec eux. En Europe, vous avez des magasins qui vendent ce genre de produit. Et le client sait à quoi s'en tenir. Les sociétés hong kongaises ne se battent pas contre eux à cause de la piètre qualité justement. Elles préfèrent fournir des produits plus chers, et de meilleur niveau, pour d'autres canaux de distribution. Elles ont compris que la qualité était importante. Le concurrent le plus sérieux serait plutôt l'Inde actuellement. Leur progression sur les marchés de tous les secteurs industriels est bien plus inquiétante que celle de Shanghai…
JA. On dit que si Hong Kong et la Chine progressent aussi bien, c'est grâce à l'Etat, qui pratique le dumping à l'international
AC. Ce n'est absolument pas vrai et pas possible. On a dit cela pour la fabrication de chaussures. Mais si cela avait été le cas, les fabricants de jouets auraient, eux aussi, demandé des aides, puis le secteur de l'électronique s'y serait mis et que sais-je encore ? Vous, les occidentaux, n'arrivez pas à comprendre qu'on puisse livrer des chaussures à 2 euros la paire. Mais réfléchissez. Regardez les conditions dans lesquelles elles sont fabriquées. Souvent il n'y a même pas d'usine ! Les gens travaillent dans leur propre maison ! La mère, le père, les grands parents… et même les enfants ! A la main, avec des outils très archaïques, jour et nuit ! Alors évidemment, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, mais les prix défient toute concurrence, sans aucune aide de l'Etat !
Propos recueillis
par Frédéric Richard
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.