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Constructeurs

De trendy à trumpy, Elon Musk va-t-il se brûler les ailes en politique ?

Publié le 4 novembre 2024

Par Nabil Bourassi
6 min de lecture
Le fondateur de Tesla s'est lancé dans une intense campagne de soutien à Donald Trump qui lui a promis des responsabilités dans son administration en cas de victoire. Pour atteindre la Maison-Blanche, Elon Musk use (et abuse) de son influence et de sa fortune, mais également de ses entreprises, ignorant les risques de conflits d'intérêts et de sanctions.
Elon Musk Donald Trump
Elon Musk soutient activement Donald Trump dans sa campagne électorale. ©X

Où s’arrêtera le flamboyant et imprévisible Elon Musk ? Le Sud-Africain, débarqué aux États-Unis en 1995, aura marqué son siècle. Ce fou d’innovation a réussi presque partout où il a entrepris. Son premier succès : Paypal, devenu incontournable dans les paiements en ligne. Ensuite, il se lance dans l’aérospatiale avec SpaceX et parvient à faire mieux que la Nasa, ou plus récemment encore, en remplaçant une navette de Boeing qui n’était plus capable de ramener des astronautes sur terre.

 

Et puis évidemment Tesla. Un véritable pari sur une technologie sur laquelle bien peu de gens pariaient jusqu’à récemment. Il "disrupte" le marché et met l’électrique à la mode. 

 

Le soutien aveugle des marchés

 

À chaque fois, c’est son verbatim qui finance. Car Elon Musk sait faire rêver et le marché lui donne carte blanche. Tesla enchaîne les levées de fonds sans la moindre promesse de rentabilité à court terme. La Bourse lui pardonne tout : les objectifs non tenus, les défauts de production, jusqu’aux manipulations de marché qui lui coûteront pourtant des amendes par la SEC, le gendarme de la Bourse américaine.

 

Elon Musk est une star absolue, un gourou qui fédère autour de lui tous les investisseurs qui croient en sa vision avant-gardiste sur le marché de demain. Ils sont prêts à acheter n’importe quoi, y compris des lance-flammes, et rêvent désormais d’aller sur Mars, comme il l’a promis. 

 

Cette ferveur va créer une communauté qui s’équipera en Tesla tout simplement par adhésion au personnage, bien plus qu’aux qualités intrinsèques (et réelles) du véhicule.

 

Musk, génie et libertarien

 

Car, pour être juste, Tesla n’est pas seulement une voiture électrique innovante et bien rodée. C’est aussi le premier laboratoire du SDV (Software defined véhicle). Ce concept est la nouvelle frontière de la chaîne de valeur automobile. Tous les constructeurs se sont jetés la tête la première dans ce thème, en y consacrant des milliards et des milliards de dollars pour rattraper leur retard. En vain, pour le moment.

Un génie ce Musk ! Mais ce dernier est convaincu de porter une vision, un projet de société qui dépasse la seule sphère industrielle. Ce libertarien revendiqué est frustré de voir la société américaine s’enfermer dans sa bureaucratie et dans un carcan institutionnel qui bride, selon lui, l’innovation. Il ne supporte plus la régulation de la SEC. Il honnit la fiscalité qu’il juge confiscatoire. Il dénonce la modération de la parole publique qui n’est rien d’autre qu’une censure contraire aux valeurs de liberté absolue qu’il défend. Enfin, il s'est ému de l'offensive de l'administration Biden qui a intenté plusieurs procédures antitrust contre des entreprises de la Silicon Valley comme Google.

 

Le wokisme, nouveau combat

 

Mais c’est un événement personnel qui fait définitivement basculer Elon Musk à droite de l’échiquier politique, l’éloignant définitivement du soutien qu’il avait apporté à Joe Biden contre Donald Trump en 2020. L’annonce par un de ses nombreux enfants (12) de changer son sexe a déclenché un nouveau combat. Il devient alors un adversaire viscéral du wokisme, ce mouvement né aux États-Unis et qui bouscule les normes hiérarchisées de genre et de race. Pour Elon Musk, cette décision "contre-nature" de son enfant est l’effet d’une propagande LGBT encouragée par le système scolaire.

 

Il a d’ailleurs blâmé la Californie pour sa politique particulièrement ouverte sur ce sujet. Cet été, l’État le plus riche des États-Unis où sont nées la plupart de ses entreprises, a adopté une loi qui protège les personnes transgenres, y compris à l’école.

 

Elon Musk a qualifié cette décision de "goutte d’eau qui fait déborder le vase". "J’ai clairement fait savoir au gouverneur Newsom, il y a environ un an, que des lois de cette nature forceraient les familles et les entreprises à quitter la Californie pour protéger leurs enfants", a-t-il écrit. Dès le mois de juillet 2024, il annonce que SpaceX et X (anciennement Twitter) déménageraient au Texas. Ils rejoignent ainsi Tesla qui avait également quitté la Californie en 2021, déjà sur fond de conflit avec le gouvernement de Californie contre lequel il pestait en raison des mesures sanitaires prises contre la Covid-19. 

 

Twitter, un réseau social au service de sa cause

 

Mais c’est bien le rachat spectaculaire de Twitter qui a incarné la trumpisation d’Elon Musk. Le multimilliardaire n’a pas hésité à casser sa tirelire (44 milliards de dollars) pour s’emparer du média social et en faire un véritable instrument au service de ses causes. Dès le rachat confirmé (aux forceps), Elon Musk licencie la quasi-totalité des modérateurs et rétablit les comptes fermés de personnalités controversées, dont Donald Trump, l’ancien président américain. 

 

Twitter, rebaptisé X (qui était le premier nom de Paypal) est ainsi devenu le premier porte-voix des Républicains mais aussi des fake news s’attirant les foudres de la Commission européenne. Elon Musk est d’ailleurs extrêmement actif sur le réseau social, n’hésitant pas à diffuser et à relayer des montages incriminant Kamala Harris, la candidate démocrate, opposante de Donald Trump lors de la prochaine élection présidentielle américaine. 

 

Il devient ainsi l’un des plus grands promoteurs de la campagne de Donald Trump. Récemment, il a offert une loterie d’un million de dollars par jour à chaque signataire d’une pétition pro-Trump qui résiderait dans les swing states (ces quelques États où se joue une grande partie de l’issue du scrutin). Cette initiative frôle allégrement les limites de la loi, sans les franchir. 

 

Conflit d'intérêt en vue

 

Donald Trump, toujours plus provocateur, a déjà indiqué qu’il était prêt à donner des responsabilités à "son ami" Elon Musk. Il prendrait la tête d’une commission qui proposera des réformes de l’administration américaine. Il s’en donnerait alors à cœur joie pour revoir ces fameux carcans institutionnels et de régulation qui freinent tant l’innovation. Ce faisant, au pays de la séparation des pouvoirs, Donald Trump et Elon Musk créeraient un conflit d’intérêts sans précédent, puisque ce dernier détiendrait un pouvoir sur les instances qui sont censées réguler ses entreprises.

 

A lire aussi : En cas de victoire, Donald Trump prêt à accueillir Elon Musk dans son administration

 

Une victoire de Donald Trump donnerait des ailes à un Elon Musk qui n’a jamais cessé de s’en sentir pousser. Mais au vu des sondages extrêmement serrés entre Kamala Harris et Donald Trump, le scrutin du 5 novembre se jouera presque à pile ou face. D’ailleurs, Elon Musk a pleinement conscience de l’enjeu car, en cas de victoire démocrate, il a reconnu : "je serais foutu". 

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