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Constructeurs

Daihatsu dans une voie de garage

Publié le 21 avril 2011

Par David Paques
6 min de lecture
Dans moins de deux ans, la marque nippone ne sera plus commercialisée en Europe. Toyota, son actionnaire, en a décidé ainsi. Tantôt désorientés, tantôt lucides, les distributeurs français espèrent encore quelques mois de commerce avant de se muer, définitivement, en réparateurs.
Jean-Claude Debard, président de Daihatsu France.

Alors qu’il y a quelques semaines de cela, une grande partie des distributeurs touchaient leurs étrennes, récompensant des résultats 2010 en phase avec leurs objectifs commerciaux, les partenaires du réseau Daihatsu, eux, recevaient leur lettre de résiliation. C’était exactement dans les derniers jours de janvier, moins de quinze jours après l’annonce faite par le constructeur qu’il quitterait les marchés du vieux continent d’ici le 1er février 2013. Une communication “surprise” pour certains, “le point d’orgue de signes avant-coureurs”, pour d’autres. “Comme le manque de communication, le flou sur les livraisons, la fin des primes d’objectifs…”, précise l’un d’entre eux. Le 17 janvier dernier, le groupe Frey, importateur de la marque en France, réunissait ainsi les 79 investisseurs du réseau hexagonal pour leur détailler un plan de sortie, censé préparer les mois qui viennent et les deux exercices commerciaux incertains qui s’annoncent.

Une Charade dans les tiroirs

“Nous n’avons pas commandé de véhicules depuis l’an dernier”, confie un distributeur, un brin résigné. L’importateur, lui, rassure. “Nous ne sommes pas à l’arrêt. Pour être en conformité avec la loi au 1er janvier, il nous fallait immatriculer tous nos véhicules Euro IV avant le 31 décembre. Ce qui a fait mécaniquement grimper nos performances de décembre 2010 (N.D.L.R. : + 69,9 % à 311 VN), mais aussi baisser celles de ce début d’année (N.D.L.R. : 18 immatriculations à fin février). Dans les faits, début janvier, il y avait plus de 500 VN dans le réseau. A fin mars, 237 d’entre eux ont été vendus”, explique Jean-Claude Debard, président de Daihatsu France.

Le business du réseau reste plus que jamais fonction de la capacité du constructeur à lui fournir des véhicules aux normes. Euro V, en l’occurrence. “Ils vont arriver”, insiste Jean-Claude Debard. Avec Sirion et Terios, notamment, mais aussi et surtout avec la Charade. Une Toyota Yaris type 2, rebadgée Daihatsu, avec une face avant quelque peu remodelée. Celle-ci débarquera à la fin du mois de juin. Les distributeurs semblent s’en réjouir, mais la plupart s’interrogent. “Si nous avons encore une fois un positionnement tarifaire qui ne nous permet pas d’être compétitifs, notamment face à la future Yaris, cela ne servira à rien”, prévient un autre. La Charade s’affichera entre 9 000 et 11 000 euros.

L’importateur, qui espère écouler 700 VN cette année, entend voir ses distributeurs immatriculer 300 Charade. Sans doute échaudé par les annonces passées, le réseau, lui, attend de voir. “Il y a encore trois ans, on nous laissait entendre que les produits allaient arriver et que les performances viendraient avec. Cela n’a pas été le cas, alors que nous avions adapté nos structures pour que cela fonctionne. Depuis, nous n’avons fait que reculer”, raconte un investisseur. “Nous n’avions plus envie de faire les efforts pour développer la marque”, confesse un autre, pour expliquer la spirale négative vécue par la marque ces deux dernières années. Alors nombreux sont les concessionnaires à attendre de voir l’énigme Charade se lever.

Un parc roulant de 15 900 véhicules à entretenir

Aujourd’hui, les distributeurs Daihatsu oscillent entre regret et pragmatisme. Car la grande majorité des partenaires apprécient réellement les produits, soulignant à ce titre “un niveau de qualité rare”, ou encore “des véhicules d’une remarquable fiabilité”, tout en stigmatisant l’incapacité du constructeur à communiquer sur le sujet. Tous sont désormais réalistes, notamment parce que le réseau ne compte plus de distributeur exclusif. “C’est une marque de complément pour tout le monde”, ose un concessionnaire. Et c’est précisément la raison pour laquelle l’arrêt de la commercialisation ne devrait pas entraîner de conséquences dramatiques pour le réseau. “Cela ne rapporte rien, mais cela ne nous coûte pas grand-chose non plus”, ajoute un distributeur, pointant justement la faiblesse de l’activité après-vente. L’an dernier, le chiffre d’affaire PR cumulé du réseau a en effet culminé à 2 millions d’euros.

“Daihatsu est un bonheur en termes de coûts de garantie. A tel point que quelques semaines avant l’annonce, nous songions à faire un coup en garantissant les véhicules 10 ans. Aujourd’hui, ça n’a plus de sens”, confie Jean-Claude Debard. Effectivement. Mais cela n’empêchera pas le constructeur de continuer à livrer les pièces de rechange à ses opérateurs européens. “Daihatsu est très respectueux des clients et de ses engagements. Ils nous ont donné la garantie qu’ils assureraient leur rôle logistique et d’entretien au minimum jusqu’en 2025”, détaille Jean-Claude Debard. De quoi rassurer les 15 900 propriétaires de véhicules Daihatsu en France. “Nous n’avons aucune crainte sur le sujet. Il y a une grande confiance en la marque et en l’importateur”, confie d’ailleurs un opérateur.

Et après ?

A partir du 1er février 2013, de nouveaux contrats de réparateurs entreront en vigueur. Mais combien voudront poursuivre l’aventure ? Le groupe Frey se montre résolument optimiste sur la question. “Je pense que 90 % des partenaires actuels continueront. Ils ont déjà l’outillage et l’exploitation ne demande pas d’investissement colossal”, explique Jean-Claude Debard, qui cherche à éclaircir l’avenir de ses opérateurs. “C’est aussi mon métier que de trouver des solutions pour mes distributeurs”, poursuit-il.

Justement, rayon solutions, la question chinoise vient naturellement à l’esprit de certains. Notamment parce qu’en Allemagne, Landwind aurait déjà contacté quelques distributeurs Daihatsu. Alors pourquoi pas une manœuvre comparable en France ? “Si une marque chinoise veut intégrer notre marché en s’appuyant sur un réseau de distribution important, en tant qu’importateur, c’est par nous qu’elle devra passer. Mais je n’y crois pas un instant. Les constructeurs chinois ont déjà fort à faire sur leur marché domestique et leurs véhicules ne correspondent pas, pour l’heure, aux attentes de nos clients et ne sont pas conformes aux législations en vigueur”, détaille Jean-Claude Debard, qui préfère, lui, s’appuyer sur le portefeuille du groupe Frey. Sur les panneaux Ssangyong, Subaru et Hyundai précisément. “Partout où cela sera possible, nous allons donc proposer aux partenaires Daihatsu de prendre un panneau d’une marque que nous importons. Cela sera fonction de la capacité financière des distributeurs”, explique le président de Daihatsu France, avant d’évoquer une alternative que pas un concessionnaire n’a imaginée. “Il n’est pas dit que Daihatsu ne revienne pas”.

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