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Constructeurs

“Avant, il fallait éliminer son concurrent, aujourd’hui, on crée des économies d’échelles avec lui”

Publié le 27 juin 2008

Par Tanguy Merrien
8 min de lecture
Distributeur Peugeot pendant des années, Vincent Pétillon est aujourd'hui réparateur agréé niveau 1. A son arc, il a ajouté quelques cordes supplémentaires, notamment la distribution des marques Hyundai et Mazda. Et peut-être, dans un avenir proche,...

...la commercialisation de modèles électriques développés par Matra.

Pour les habitants de l'Isle Adam et ses environs, la famille Pétillon et la marque Peugeot ne font qu'un. Une association qui dure depuis 40 ans. Avec, comme dans toutes les relations, ses aléas. L'histoire a démarré en 1965 lorsque Gérard Pétillon crée son agence Peugeot et la transforme 3 ans plus tard en concession. Le site, en plein cœur de la ville, est immense avec un terrain de 13 000 m2 (dont 8 000 m2 couverts). Lorsque le dirigeant décide de partir en retraite en 1995, il passe le flambeau à l'un de ses fils qui décide, 6 ans plus tard, de tourner la page Peugeot pour réorienter sa carrière professionnelle. C'est le cadet, Vincent, qui prend alors la relève. Depuis 1991, ce dernier dirige déjà une autre concession Peugeot, implantée cette fois à Villiers le Bel, près de Sarcelles, toujours dans le Val d'Oise. En 1996, le contrat de renouvellement n'est pas signé. La concession devient agence. Vincent Pétillon décide alors de distribuer en complément les marques Hyundai et Honda jusqu'en 2001, puis Hyundai et Mazda en 2002. A l'Isle Adam, en 2004, à l'heure des renouvellements de contrats de concession, Vincent Pétillon n'adhère pas, et la concession Peugeot devient un centre de réparation agréé niveau 1. Tout le monde se rappelle des émeutes de Villiers le Bel en novembre 2007. En plein cœur de la bataille, l'agence est totalement détruite. Il n'y a plus d'activité. Un plan de licenciement doit être initié. Au total, 16 personnes sur les 21 salariés doivent partir. Les 5 personnes sont transférées sur le site de l'Isle Adam. Déterminé à ouvrir à nouveau une seconde affaire, le patron fourmille de projets. Il a déjà repéré une surface convenable, sur l'axe stratégique de la Route Nationale 1, la francilienne et la Nationale 16. L'ouverture pourrait être inaugurée à Groslay, au second semestre 2009, avec l'équipe dont il a dû se séparer, et les marques Hyundai, Mazda et Matra. Car Vincent Pétillon veut être le premier sur le créneau de la mobilité électrique. "Je pense que ce moyen de locomotion représente l'avenir du transport, en tous cas pour les petits trajets (jusqu'à 80 kilomètres par jour). Il s'agit d'une alternative écologique. Le 2 places est à 12 000 euros (avec une aide de l'Etat de 2 000 euros). Les marques européennes ne sont toujours pas prêtes à proposer un véhicule électrique. Il y a bien l'hybride Diesel chez Peugeot, mais uniquement disponible sur 408". Les volumes initiaux vont varier de quelques unités par mois, selon le dirigeant. Suggérer aux flottes, dans un premier temps, ou proposer en tant que véhicules de courtoisie, le véhicule électrique bénéficiera d'une communication massive pour "arriver à des volumes plus cohérents". Selon Vincent Pétillon, les modèles asiatiques sont plus en avance en R&D que les européens. D'où sa volonté de s'engager dans cette voie. L'écologie coûte encore cher aujourd'hui. Il s'agit même d'un surcoût pour le client. "Mais nous assistons à une mutation de la mobilité, puisque nous savons tous que les réserves en carburant seront moins accessibles dans 50 ans. De plus, le système du bonus-malus instauré par l'Etat montre déjà ses limites. Il n'y a plus de compensation du malus vers le bonus. Les caisses de l'Etat sont vides. Et puis, les constructeurs n'ont pas eu le temps de réagir. Les segments 308, 407, 607 et 807 vont mordre la poussière s'ils restent avec des rejets de CO2 élevés. L'offre ne correspondra bientôt plus à la demande…".

FOCUS

Des chiffres et des hommes

• 300 VN Peugeot
• 300 VO toutes marques
• Prévisions VN Hyundai : 100 fin 2008
• 27 salariés
• CA 2007 : 4 millions d'euros
• L'après-vente représente 66 % du CA sur véhicules Peugeot
• 12 véhicules de courtoisie.

Evolution des mentalités : des synergies sont créées pour générer des économies d'échelle

Vincent Pétillon observe également des changements dans les mentalités, des évolutions qu'il juge positives. La tendance pendant des années fut de créer des groupes automobiles afin de générer des plaques, de véritables empires financiers. "Il fallait être le plus puissant de la zone, du département, du pays… Mais peut-être se rend-on compte aujourd'hui de la vacuité de ce comportement. Certains ont d'ailleurs entamé une stratégie inverse. Neubauer par exemple a créé avec un concurrent un magasin pièces de rechange commun pour créer des économies d'échelle, et éliminer les stocks inutiles. Il y a encore 10 ans, il était impensable d'agir de la sorte. Parce qu'il y a 10 ans, il fallait éliminer son concurrent, pas travailler avec lui". Une synergie qui lui profite également, à son niveau, par la rapidité des livraisons des pièces (jusqu'à 3 fois par jour). "Nous sommes le plus gros client de Neubauer et de Vauban. Nous avons enregistré par exemple 400 000 euros d'achats de pièces sur 5 mois. Nous réalisons en après-vente entre 15 et 20 entrées par jour". Le patron envisage de faire évoluer son affaire selon les critères souhaités par Peugeot (Blue Box). "Il faudra inévitablement réduire la surface du bâtiment, car cela ne correspond plus aux attentes du client. Et puis, je pense également qu'il faut leur proposer plusieurs marques, afin de répondre à leurs besoins. Implanter 2 voire 3 marques sur le même site, me paraît tout à fait pertinent…". Un souhait qui ne semble pas plaire à Peugeot, mais la rentabilité du site est ainsi plus rapide. Il est également moins soumis aux contraintes d'une seule marque, donc moins vulnérable. Les marques asiatiques sont un vrai choix stratégique pour Vincent Pétillon. En 1996, Hyundai était peu voire pas du tout connue. "Mais elle reste encore moins chère de 30 % par rapport aux marques européennes avec des standards de qualité élevés. En parallèle des généralistes, les marques exotiques ont aussi des propositions pertinentes, en termes de tarifs et de modèles. D'une manière générale, j'estime qu'en proposant plusieurs marques, j'assure au client un service après-vente optimisé, et vous savez que le SAV est aujourd'hui le cœur de notre activité. Je propose également de la proximité afin de conserver la clientèle locale".

Perte de la relation commerciale avec le constructeur

Il se livre depuis quelques années une véritable bataille de la réparation. Devant la politique commerciale offensive des centres-autos - et la région n'en manque pas - Vincent Pétillon reste serein. Selon lui, les belles années des centres-autos sont bientôt terminées. "Aujourd'hui, le parc Peugeot de véhicules multiplexés est âgé de 7 ans. Les centres-autos vont entrer dans une phase difficile car, hormis le lecteur du code défaut, ils ne possèdent pas les outils nécessaires pour effectuer une réparation complète en bonne et due forme. Les clients de la marque devront ainsi revenir dans le réseau. Et concernant Hyundai, les pièces ne sont pas ou très peu disponibles sur le marché indépendant".

Au milieu de la bataille, un constat. Celui de la baisse réelle du pouvoir d'achat des consommateurs. Depuis 1 an, avec une accentuation depuis 6 mois. Sachant qu'une facture moyenne atteint facilement 300 euros en réparation, la gêne de certain est compréhensible. Les paiements échelonnés sont pratiques courants, bientôt un système de paiement en 3 fois par carte bleue sera instauré. Et les choses devraient aller de mal en pis. "L'automobile va devenir un luxe dans le contexte actuel. Regardez les prix à la pompe. Nous allons tous réfléchir à deux fois avant de prendre notre véhicule pour le moindre parcours. Le poste carburant va freiner l'utilisation du véhicule et rallonger d'autant son entretien. Rouler va coûter cher. Nous avons l'obligation de penser autrement notre mobilité". Il est vrai que la société actuelle est basée sur le Tout Voiture, avec un véhicule pour chaque membre du foyer. Un état de fait qui devrait changer. Mais, paradoxalement, la voiture représentera toujours un outil d'évasion, le prix de la liberté. "Nous sommes dans un système en bout de course. Les clients sont volatils en termes de marques mais restent toujours fidèles au service de proximité, dans une entreprise si possible à taille humaine. Il faut plusieurs années à cette dernière pour s'implanter durablement, se faire connaître, conquérir le client et obtenir son estime". Son seul regret ? L'évolution trop standardisée des marques, en particulier Peugeot, et la perte du lien commercial, la dilution de la relation humaine entre le constructeur et son réseau. "Nous achetons leurs véhicules et leurs pièces, nous sommes leurs clients, mais le lien qui nous unissait disparaît au profit d'une relation uniquement basée sur de l'administratif, des fiches à remplir… Un état de fait dommageable dans la mesure où nous allons dans la même voie". Une standardisation qui, à son goût, a tendu la relation avec un réseau déjà sous pression. Une tension qui devrait encore s'accentuer, notamment avec les difficultés économiques que peuvent rencontrer tant les consommateurs que les affaires elles-mêmes…

Photo : Vincent Pétillon, dirigeant multimarques Peugeot et Hyundai.

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