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Constructeurs

Les usines automobiles bientôt en panne de pièces venant de Chine ?

Publié le 7 février 2020

Par Christophe Jaussaud
5 min de lecture
L'épidémie de Coronavirus se fait également sentir dans les usines hors de Chine. Après que Hyundai, Toyota, Volkswagen et FCA ont suspendu la production de certains sites, les équipementiers de la Fiev s'inquiètent des décisions qui seront prises, par l'OMS, le 10 février 2020.
La gigantesque usine Hyundai d'Ulsan, capable de produire 1,4 million de véhicules par an, est à l'arrêt faute de composants chinois.

 


En Corée du Sud, le plus grand centre de production automobile du monde est à l'arrêt : Hyundai y a cessé ses opérations, victime de l'épidémie du coronavirus qui paralyse les usines chinoises au risque de déstabiliser des chaînes de production à travers tout le globe. Hyundai peut produire 1,4 million de véhicules par an sur son complexe géant d'Ulsan, situé sur la côte pour faciliter les importations de pièces détachées et l'exportation de voitures.

 

Mais ce ballet industriel s'est grippé lorsque l'épidémie de pneumonie virale a conduit la Chine à prolonger la fermeture de ses usines au-delà des congés du Nouvel an. Beaucoup ne rouvriront pas avant le 10 février et peut-être même au-delà. "Nous ne pouvons pas dire que nous vivons un drame actuellement car tous les ans, durant le Nouvel an chinois, les usines ferment et nous sommes habitués à anticiper cette période", explique Christian Janson, vice-président de la Fiev en charge de la communication mais aussi président de Sedepa, un équipementier d'accessoires automobiles qui possède des filiales à Hong Kong et Shanghai. 

 

Ce fin connaisseur du marché chinois nous explique ainsi que "chaque année, à partir du mois de novembre, une surproduction est prévue dans les usines afin de stocker des produits qui permettront aux clients constructeurs ou autre équipementiers de faire la jonction jusqu'au début du mois de mars. Si les usines redémarrent la semaine prochaine, tout se passera bien mais le souci est que personne ne sait exactement ce qui va se passer." Bref l'ensemble de l'appareil productif chinois, et par voie de conséquence l’industrie mondiale se retrouve suspendue aux annonces du 10 février qui viendront de l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) et du gouvernement chinois. Généralement un stock tampon de six semaines est préparé mais si la pandémie se poursuit (Air France a notamment stoppé tous ses vols vers Pekin et Shanghai jusqu'au 15 mars), l'industrie automobile pourrait bien être à l'arrêt. 

 

D’ores et déjà le manque se fait sentir. Ainsi, Hyundai a vu se tarir son approvisionnement en composants de câblage électronique, principalement produits en Chine. Le cinquième constructeur mondial a annoncé, mardi 4 février, suspendre toute sa production dans ses usines en Corée du Sud, mettant au chômage technique quelque 25 000 employés. 

 

C'est le premier exemple de grande ampleur de l'impact de l'épidémie sur l'industrie hors de Chine. Une interruption de production en Corée du Sud pendant cinq jours pourrait coûter à Hyundai l'équivalent de 450 millions d'euros, selon des estimations. Hyundai n'est pas seul concerné dans le pays : sa filiale Kia a suspendu l'activité de trois usines lundi, et la branche sud-coréenne du français Renault envisage d'arrêter la semaine prochaine son usine de Pusan (sud-est). "Les entreprises sud-coréennes dépendent cruellement de la Chine pour leurs pièces détachées. Problème : il suffit d'une pièce manquante pour ne plus rien pouvoir faire", observe Cheong In-kyo, économiste à l'université sud-coréenne d'Inha.

 

L'Europe bientôt en manque de pièces ?

 

Loin de l'Asie, des répercussions sont aussi attendues. L'italo-américain FCA pourrait stopper la production d'une de ses usines européennes faute de composants venant de Chine, a déclaré son patron Mike Manley au Financial Times. "L'industrie manufacturière chinoise est cruciale pour les chaînes de production automobiles. Tout ralentissement ou interruption dans la fabrication d'un composant (...) peut provoquer des engorgements et arrêts d'usines dans des pays comme la Corée, le Japon, l'Iran ou la Tanzanie", observent les analystes de Fitch Solutions. L'impact est particulièrement marqué en Asie, où la production est à flux extrêmement tendus.

 

Aux Etats-Unis, les répercussions seront retardées mais il pourrait y avoir un impact indirect sur les pièces détachées venant d'autres pays et comportant des composants chinois, redoute Kristin Dziczek, du Centre de recherche sur l'automobile d'Ann Arbor. Constructeurs et équipementiers "réfléchissent à la manière de s'adapter. Mais il n'y a pas de capacités de production de la taille de celles de la Chine qui seraient inemployées quelque part pour combler les pénuries", observe-t-elle. Un précédent existe : l'industrie automobile mondiale avait souffert en 2011, après l'arrêt -suite à la catastrophe de Fukushima- de l'unique usine de Renesas Electronics, un groupe japonais dominant alors 50 % du marché planétaire des systèmes électroniques de contrôle des freins et moteurs.

 

Multiplier les approvisionnements

 

Depuis, les chaînes de production se sont davantage diversifiées. Néanmoins, "le risque est grand d'avoir un seul fournisseur dans un seul endroit pour une pièce donnée", souligne Ferdinand Dudenhoeffer, du centre de recherche automobile de l'université de Duisbourg-Essen. La norme est "d'avoir au moins deux fournisseurs" et les sous-traitants sont d'ordinaire dans la même région que les usines de production, ajoute-t-il. Les perturbations devraient s'étendre au-delà de l'automobile, prédit Cheong In-kyo.

 

La Chine est le principal exportateur de biens du globe : les exportations cumulées de Chine continentale et Hong Kong dépassaient l'an dernier 450 milliards de dollars vers les Etats-Unis, 150 milliards vers le Japon, et 110 milliards vers la Corée ou le Vietnam. "La Chine fait partie intégrante des chaînes manufacturières, elle pèse un cinquième de la production manufacturière mondiale", rappelle Mark Zandi, économiste de Moody's Analytics. 

Avec Catherine Leroy et AFP

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