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Le Superéthanol E 85 tarde à s’imposer en France

Publié le 6 décembre 2010

Par Armindo Dias
5 min de lecture
Des barrières doivent encore être levées afin d’assister à un véritable décollage de ce carburant en France. C’est en tout cas ce qu’ont tenu à faire savoir un certain nombre de professionnels au cours d’une matinée-débat organisée par la Collective du Bioéthanol.
De gauche à droite : Noël Lamoratta (Renault), Vincent Muller (Siplec - E.Leclerc), Jean-François Loiseau (AGPB-AGPM), Bruno Hot (SNPAA), Pascal Barthélémy (IFP).

L’histoire de l’œuf et de la poule. Voilà comment peut être résumé le faible développement du Superéthanol E 85 en France (ce carburant contient de l’éthanol jusqu’à 85 % et de l’essence jusqu’à 15 %). En effet, des constructeurs automobiles et des distributeurs de carburant s’accusent mutuellement de ne rien faire - ou si peu - pour accroître son déploiement au quatre coins de l’Hexagone. Renault et Leclerc semblaient en tout cas sur cette longueur d’onde lors d’une matinée-débat organisée par la Collective du Bioéthanol et réunie sous l’intitulée “Premières Rencontres du Bioéthanol” (elle avait pour thématique “Le bioéthanol, comment aujourd’hui ? Pourquoi demain ?”). Renault a ainsi tenu à faire savoir qu’il ne pouvait pas constamment faire de “l’archéologie technologique”, à savoir travailler sur des solutions qui ne seront peut-être pas pérennes (un certain nombre d’adaptations techniques et technologiques sont nécessaires pour rendre un véhicule compatible avec le Superéthanol E 85, quasiment tous les véhicules mis en circulation à partir de l’année 2000 étant compatibles avec le SP 95-E10, un carburant qui intègre de l’éthanol jusqu’à 10 %). “En France, il y a seulement 320 stations-service qui distribuent ce carburant et seulement un peu plus de 12 000 véhicules qui y roulent au Superéthanol E 85”, a déclaré Noël Lamoratta, chef de mission synthèse client chez Renault, ce responsable ayant rappelé au préalable que la marque arrivait en tête des ventes de véhicules GPL et véhicules compatibles au Superéthanol E 85 dans l’Hexagone. “Nous pouvons donc dire merci à la Suède”, a poursuivi Noël Lamorrata. Et pour cause : selon lui, 18 % des ventes y impliquent des véhicules dits Flex Fuel, modèles roulant indifféremment au SP 95, au SP 95-E10 et au Superéthanol E 85. A ses yeux, ils rencontrent beaucoup plus de succès que chez nous en raison à la fois d’une offre plus pléthorique, d’un gain à la pompe plus conséquent, d’une incitation fiscale vraiment intéressante et enfin et surtout d’un vrai réseau de distribution de bioéthanol. Et c’est là que l’histoire de l’œuf et de la poule intervient. Les distributeurs de carburant estiment qu’ils ne peuvent pas commencer à déployer des stations-service distribuant du Superéthanol E 85 tant que les constructeurs ne proposeront pas plus de véhicules Flex Fuel.

“Nous ne pourrons pas nous passer du Superéthanol E 85”

“Nos adhérents ne voudront jamais installer ce type de pompes tant que les constructeurs automobiles ne permettront pas aux consommateurs d’accéder à un plus vaste choix de véhicules Flex Fuel”, a ainsi affirmé Vincent Muller, responsable du département énergie de la Siplec, la société d’importation pétrolière de l’enseigne de grande distribution E. Leclerc. Résultat : certains acteurs de la filière biocarburant estiment aujourd’hui qu’il serait peut-être opportun de mettre en place des aides à l’achat pour ce type de véhicules (elles ont déjà fait leur preuve avec d’autres énergies, notamment le GPL). “Nous ne pourrons pas nous passer du Superéthanol E 85 si nous voulons atteindre l’objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans la consommation de carburant dans la filière transport à l’horizon 2020”, a aussi tenu à faire savoir Bruno Hot, président du Syndicat National des Producteurs d’Alcool Agricole ou SNPAA. Il avait au préalable estimé que le SP 95-E10 deviendrait le carburant de référence en France à l’horizon 2013. Bref, le bioéthanol est loin d’avoir perdu la bataille contre les énergies fossiles. “Je suis optimiste pour la filière, a même déclaré Charles de Courson, député de la Marne et vice-président de la commission des Finances, de l’Economie générale et du Contrôle budgétaire. A ce jour, il n’y a pas véritablement de substitut au moteur thermique et le moteur électrique ne va pas le substituer de sitôt.” Stéphane Demilly, son collègue de la Somme, et par ailleurs président du Groupe d’études sur les biocarburants à l’Assemblée nationale, a estimé lui que les biocarburants n’avaient perdu que la première manche, considérant aussi que les constructeurs français devraient faire preuve d’un peu plus de volontarisme en la matière, à l’instar des groupes Saab et Ford. “Je suis aussi pour l’éligibilité des véhicules Flex Fuel au bonus écologique et pour que les stations-service qui s’équipent de pompes distribuant du Superéthanol E 85 puissent être éligibles aux certificats d’économies d’énergie ou CEE”, a également indiqué Stéphane Demilly.

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ZOOM - L’intérêt est là

78 % Français sont prêts à utiliser des biocarburants si cet usage n’implique ni changement de véhicule ni modification de moteur. Ils estiment en outre à 70 % que la production de bioéthanol à partir de productions agricoles françaises peut devenir un atout pour l’économie nationale. Seulement voilà. S’ils considèrent à 70 % que la production de bioéthanol permet au pays de réduire sa dépendance vis-à-vis du pétrole, à 68 % que le développement de cette énergie doit devenir une priorité en matière d’environnement et à 65 % que son usage ne se développe pas suffisamment en France, ils ne sont que 56 % à envisager un achat de véhicule Flex Fuel (23 % y sont tout à fait prêts et 33 % plutôt prêts). Une méconnaissance de l’avantage économique de ce type de véhicules semble surtout expliquer cette réticence, selon le sondage. Pour preuve : les sondés sont 43 % à ne pas savoir s’il y a un différentiel de prix à la pompe entre le Superéthanol E 85 et le SP 95 (13 % estiment que le Superéthanol E 85 est moins cher et 27 % qu’il est plus cher). Au final, rien d’étonnant donc si les sondés considèrent à 62 % qu’il convient de moins taxer le bioéthanol afin de pousser les gens à en “consommer” et à moins nuire à l’environnement.
(D’après un sondage réalisé par l’institut Ipsos pour le compte de la Collective du Bioéthanol).

 

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