La crise, la profession automobile et les “non-acheteurs” de voitures neuves
L'enjeu…
D'abord, le jeu en vaut-il la chandelle (laquelle ne vaut d'ailleurs pas grand-chose) ? le monde est en train de le démontrer. Dès qu'un pays sort de la misère, l'aspiration à l'automobile explose dans sa population. On commence par des VO, puis, dès que possible, on passe aux VN. Cela s'est passé en Europe Centrale à partir de la fin des années 80, en Chine aujourd'hui, et partout ailleurs. C'est aussi ce qui s'est passé dans les marchés matures, avec les voitures low cost : dès qu'ils ont pu le faire, des dizaines de milliers d'acheteurs de VO sont passés aux VN. Ils avaient enfin trouvé une offre correspondant à leurs attentes et à leur budget. D'où le théorème ci après. "Tout consommateur potentiel d'automobiles est prêt à devenir un acheteur de véhicules neufs, si deux conditions sont réunies : une offre de modèles adéquate et un prix accessible." Corollaire : "S'il ne l'a pas encore fait, c'est parce que les professionnels de l'automobile n'ont pas su s'adresser à lui." Nous plaisantons à peine. Et même pas du tout, si on considère qu'il se vend en France, hors crise, deux millions de voitures neuves et trois fois plus de voitures d'occasion. Avec une offre qui ne serait pas limitée à quelques modèles low cost, il est vraisemblable que plusieurs centaines de milliers de clients VO passeraient au VN. En France. Il faudrait s'en occuper, mais, n'est-ce pas, on a autre chose à faire…
Vers une nouvelle stratégie de l'offre
La profession est tout occupée à soigner la "satisfaction" de ses clients habituels, lesquels en ont d'ailleurs un peu marre qu'on leur propose tout et n'importe quoi en matière de modèles : à quand le premier cross over Berline Premium - Camion poubelle ? En ce qui concerne les non-acheteurs (repentis), on connaît un peu certaines catégories de clients actuels de voitures low cost, et sans doute personne d'autre. Or, même si un non-acheteur se définit "en creux", par ce qu'il ne fait pas, il n'est pas du tout impossible d'aller y voir de plus près : les crises doivent stimuler la recherche de solutions nouvelles, sinon quelle est leur utilité ? Nous pensons par ailleurs qu'il n'y a pas que des clients potentiels des low cost parmi les non-acheteurs actuels. Certains d'entre eux refusent les modèles actuels pour des raisons qui n'ont pas grand-chose à voir avec leur situation économique : nous en connaissons tous dans notre entourage, et il serait imprudent de les considérer comme des marginaux. Ne serait-ce que parce que l'apparition d'une gamme correspondant à leurs attentes drainerait vers elle une partie des consommateurs habituels d'autres modèles, comme cela s'est produit par accident avec les premiers monospaces. En un mot, c'est toute la stratégie de l'offre qui devra être remise en cause le jour où on voudra s'occuper sérieusement des non-acheteurs. Mais comme on ne saurait définir en vase clos des modèles nouveaux, sauf à vouloir persévérer dans les erreurs d'hier, il va falloir interroger l'oracle. Celui qui n'achète pas de voiture neuve.
Ernest Ferrari, consultant
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