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Garantie VO : Enjeux sans frontières

Publié le 22 avril 2013

Par Benoît Landré
11 min de lecture
Au côté de leurs clients concessionnaires et marchands, sur le terrain, les spécialistes de la garantie automobile se doivent également de traverser les frontières pour accompagner les projets de développements des constructeurs automobiles. Dès lors, une autre organisation et de nouveaux produits s’imposent. Explications.

Déjà si difficile à déterminer sur le seul marché hexagonal, la question du leadership sur le marché de la garantie mécanique se révèle encore plus complexe à identifier à l’échelle de l’Europe. Est-elle réellement pertinente, d’ailleurs ? Et sur quelle base la définir ? Rattachés à de grands groupes aux multiples activités, les principaux acteurs de la garantie ne nourrissent pas nécessairement les mêmes ambitions et affichent des stratégies différentes, selon leur organisation, les cibles qu’ils souhaitent toucher, la nature de leurs produits… Si certains acteurs tels que CarGarantie, Icare, Mapfre et The Warranty Group, peuvent revendiquer une position dominante sur leur marché historique ou domestique, aucun acteur à l’heure actuelle ne peut légitimement se prévaloir d’une position de leader à l’échelle européenne, faute de position homogène d’un marché à un autre. Acteur référent en Allemagne, CarGarantie jouit d’une position plus confidentielle en France. “Nous ne sommes pas encore en France un acteur représentatif en volume mais nous avons encore une belle marge de progression”, admet Laurent Geffard, directeur général de CarGarantie Ouest Europe. Relativement dominant en France, Icare affiche une présence plus discrète et moins homogène sur les autres marchés. En atteste un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros dans l’Hexagone, contre 22 millions d’euros hors France. “Il existe effectivement des concurrents locaux forts mais pas de prestataire qui domine le marché européen à ce jour. La finalité n’est pas tant pour Opteven d’être premier ou deuxième mais d’apporter le meilleur service et de pouvoir proposer une prestation globale à un client présent dans plusieurs pays”, affirme Albert Etienne, directeur général d’Opteven, qui travaille sur la création prochaine d’un centre paneuropéen de gestion de la garantie, basé à Lyon, avec du personnel issu de chaque pays concerné, afin d’accompagner les ambitions du groupe sur le Vieux Continent.

Un taux d’équipement en garantie mécanique très hétérogène en Europe

Bien qu’incomplète, l’étude Finaccord, réalisée en 2011, a permis de mettre en lumière certaines tendances sur le marché de la garantie en Europe. Ainsi, elle estime à 3,2 milliards d’euros le volume de garantie mécanique automobile en Europe, dont 1/3 porte sur le VN et 2/3 sur le VO. L’étude fait également ressortir, ou confirme, que le taux d’équipement en garantie mécanique est très disparate selon les marchés. Proportionnellement au parc automobile, il apparaît ainsi que la Suisse et l’Autriche sont les deux marchés où le taux de pénétration de la garantie mécanique est le plus élevé. A l’opposé, le taux d’équipement est très faible en Ukraine, voire même en Russie, bien que certains acteurs y aient développé des activités ces dernières années. “La France, la Grande Bretagne et l’Allemagne font partie des marchés matures sur cette activité, devant l’Espagne ou l’Italie”, ajoute Albert Etienne. Selon Anthony Fienberg, directeur général de The Warranty Group pour la France, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, la conjoncture économique n’a pas forcément entraîné une baisse de la demande des clients en produits de garantie. “On pourrait légitimement penser que la crise et la baisse des ventes automobiles en Europe impactent les ventes de produits de garanties, mais c’est précisément dans ce contexte qu’il faut mettre un coup d’accélérateur, en insistant notamment sur la formation des vendeurs. Quelle que soit la situation, si le vendeur est bon, le client prendra l’extension de garantie. Malheureusement, une telle opportunité n’a pas été saisie en Espagne et au Portugal. Ils ont pris peur, ils n’ont pas été proactifs et se sont renfermés”, analyse-t-il. Les principaux spécialistes du marché, en France, ont d’ailleurs affiché des chiffres d’affaires en hausse l’an passé.

La France, 3e pays européen en chiffre d’affaires

Toujours d’après l’étude Finaccord, le chiffre d’affaires de la garantie mécanique représentait 800 millions en Allemagne, 650 millions au Royaume-Uni et 500 millions en France. “Ces données sont relativement cohérentes, même si, pour la France, le chiffre inclut certainement les extensions de garantie émanant des constructeurs”, précise Pascal Briodin, directeur général d’Icare. Implantée dans 21 pays pour la vente de garantie mécanique, la filiale d’Europ Assistance opère via 13 plates-formes en Europe. “Notre développement répond à deux approches commerciales complémentaires. Une première approche par pays, plutôt indépendante des contrats internationaux, et qui implique d’adapter son offre de produits au contexte du pays, de disposer d’une plate-forme de mécaniciens, d’une force commerciale terrain et d’un système d’information intégré. La seconde consiste à accompagner nos clients, constructeurs mais aussi organismes de crédit, dans le développement de la garantie mécanique sur les marchés où ils sont implantés”, distingue Pascal Briodin.

Le rayonnement international : un avantage concurrentiel ?

En effet, certains acteurs ont choisi de concentrer leur énergie et leurs ressources sur un marché donné, avec une force commerciale dédiée qui cible les distributeurs, les marchands VO, les organismes de financement ou encore les particuliers, sans nourrir de velléités auprès des constructeurs sur un périmètre plus global. “Nous nous appuyons sur le réseau de Gras Savoye en Italie, en Espagne ou en Angleterre pour la vente de garanties panne mécanique. Et cette organisation nous suffit amplement. Quelles sont les cibles commerciales, les prospects qui se soucient réellement du positionnement européen ou international de tel ou tel acteur ? Cet argument n’est pas si pertinent, juge Pierre Rivoire, directeur général de NSA Gras Savoye. Nous attaquons en direct les particuliers sur le marché français, c’est notre cheval de bataille.” En revanche, cet argument se révèle plus percutant dès lors qu’il s’agit d’accompagner les projets des constructeurs. Alors que le déploiement ou le redéploiement des labels de marque se dessinent de plus en plus à l’échelle européenne, les spécialistes de la garantie mécanique se structurent et s’organisent afin d’accompagner cette mutation. Leur expansion européenne reste en partie dictée par les constructeurs. “Cette vision européenne des constructeurs et ce souhait de s’appuyer sur un prestataire unique sont aujourd’hui un des moteurs de notre croissance, confirme Albert Etienne. En revanche, à très court terme, il n’est pas prévu de déployer une présence commerciale en direct sur les marchés ciblés”. Détenue par le fonds d’investissement Finadvance, la société Opteven, aujourd’hui implantée en France et en Italie, ajoutera en mai un nouveau constructeur à son portefeuille et travaille pour être davantage positionnée sur les appels d’offres européens.

Vers une internationalisation des appels d’offres ?

Sur la période 2012/13, CarGarantie a conclu plusieurs accords-cadres portant sur 10 pays et 8 marques différentes. “Nous accompagnons, par exemple, le programme Volvo Selekt qui est implanté dans plus de 10 pays. Cette capacité de déployer un programme simultanément sur plusieurs marchés, grâce à nos structures, mais aussi nos compétences et notre savoir-faire sont une vraie carte de visite”, affirme Laurent Geffard. Le plus souvent, les appels d’offres des constructeurs sont renouvelés tous les trois ans, avec parfois des consultations annuelles. “Qu’est-ce qui motive aujourd’hui un constructeur lors qu’il lance un appel d’offres international ? C’est l’harmonisation de ses garanties, le pilotage centralisé de programmes de garantie qui peuvent par ailleurs être adaptés aux besoins de chaque pays et un reporting unifié. Autant d’arguments qui permettent d’améliorer la visibilité du constructeur sur son activité garantie et d’optimiser les coûts”, rappelle Pascal Briodin. Certains acteurs, tels que JH Capital Group, Toyota, Opel ou Volkswagen, ont formulé des appels d’offres internationaux, dépassant le seul cadre européen. “Mais il ne s’agit pas encore d’une tendance qui se généralise. En revanche, nous devons être armés et structurés pour apporter une réponse internationale”, insiste le directeur général d’Icare. Europ Assistance, qui a repris Icare en 2004 afin de renforcer son activité garantie panne mécanique à l’international, est implanté en Turquie depuis 2011, en Inde et en Russie depuis 2012, et entrevoit également des projets en Chine et au Brésil. Les pays émergents rentrent logiquement dans le champ de réflexion des sociétés spécialisées.

Proposer des produits adaptés aux caractéristiques du marché

Ce désir d’harmonisation affiché par les constructeurs dans le cadre de leur programme occasion, qui se manifeste aux yeux du consommateur final à travers la signalétique, la promesse clients…, ne peut cependant occulter la physionomie de chaque marché. C’est en effet toute la difficulté de cette activité : s’adapter aux problématiques des pays, qui peuvent différer selon le profil du parc automobile, des habitudes de consommation des clients finaux, de la pénétration des organismes de crédits, de l’appétence et de la maturité des distributeurs pour la vente de produits de financement, de garantie ou d’assistance. “Les problématiques sont également légales, car le cadre juridique diffère selon les pays, mais aussi humaines ou encore informatiques”, précise Albert Etienne. “Nous pouvons imaginer de fixer un cap, de contribuer à définir avec les constructeurs une orientation, un positionnement pour leurs programmes mais il est fondamental de tenir compte des besoins de chaque pays. L’identité du programme de garantie peut ainsi être commune aux différents pays mais cela ne signifie pas que le contenu dans chaque pays soit nécessairement identique. Ainsi, sur les labels occasion que nous connaissons, il y a des variations en termes de couverture d’un pays à un autre, admet Pascal Briodin. Compte tenu de l’hétérogénéité des marchés, un programme de garantie unique ne fonctionnerait pas, ce serait même probablement contre-productif”.

Anthony Fienberg, dont le groupe accompagne les marques Toyota et Fiat en Europe sur l’extension de garantie, soulève une autre problématique : “C’est aussi la culture du constructeur qui va déterminer la stratégie à adopter. Dès le départ, quand nous discutons avec une marque, nous lui demandons quelle est sa position sur les marchés. Chez Toyota, avec qui nous sommes partenaires depuis douze ans, c’est le siège qui définit le cadre pour l’ensemble de l’Europe. A l’opposé, Fiat définit des approches taillées et adaptées à chaque marché. C’est plus complexe et plus long, mais cela répond plus précisément aux besoins et aux spécificités locales.” Les clés pour pénétrer un marché sont chaque fois différentes et impliquent des stratégies, des produits distincts. Autant de développements qui expliquent la difficulté d’afficher des performances équivalentes sur l’ensemble des marchés. “Nous créons une dizaine de produits de garantie par semaine. Nous nous appuyons sur une équipe de onze Product Managers qui créent des produits à la demande du commerce. Derrière la simplicité apparente des offres, qui restent relativement classiques, se dresse cependant une certaine complexité qui tient aux fiscalités et aux normes de chaque pays”, confirme Laurent Geffard.

La Suisse, un marché à part

Comme le dévoile l’étude Finaccord, la Suisse et l’Autriche sont les deux marchés européens où le taux d’équipements en produits de garantie est le plus important. “Avec Fiat Suisse, nous avoisinons les 20 000 garanties VN et VO par an, ce qui est énorme pour un marché de cette taille, informe Anthony Fienberg. Cela fait partie de la mentalité et de la culture des Suisses d’avoir l’esprit tranquille. Il est fréquent de leur voir proposer une troisième garantie, voire même quatre ou cinq. Mais ils sont très exigeants et attendent des garanties très étendues.” “La Suisse est un cas à part car la majorité des marques proposent une offre packagée incluant une garantie longue durée et l’entretien. Je crois que c’est unique en Europe. Les acheteurs suisses sont prêts à payer le prix pour avoir une qualité de service élevée supplémentaire, c’est une différenciation forte à laquelle le Suisse est sensible. Il existe une contrainte de pouvoir d’achat qui freine ce type de développement en France. Même si cela était accepté culturellement, la marche est trop haute financièrement”, observe pour sa part Laurent Geffard. Entre les marchés qui plébiscitent l’auto-garantie, ceux qui privilégient les formules packagées, incluant de l’entretien, de l’assistance, du financement, ou les produits sur mesure avec des niveaux de couverture plus ou moins élevés, les mœurs sont bien ancrées. “En Allemagne, les concessionnaires ont pris l’habitude de commercialiser des extensions de garantie avec une assurance automobile classique. Un constructeur y propose d’ailleurs, depuis janvier, un produit novateur en ce qu’il inclut de l’entretien dans le prix de vente VN. C’est très astucieux et représente plusieurs avantages. Le point de vente est certain de voir revenir le client en après-vente, la valeur résiduelle du véhicule vendu augmente car le suivi des entretiens est assuré et le réseau vend plus de pièces non-obligatoires, car le client est déjà sur place dans l’atelier”, juge Anthony Fienberg.

Le particulier, la cible insaisissable

Le marché hexagonal comporte aussi ses spécificités, dont l’une tient dans le profil des vendeurs de VO : les transactions de voitures d’occasion entre particuliers en France pèsent plus de 60 % du marché. Une caractéristique que ne peuvent pas ignorer les opérateurs, qui affirment unanimement que le potentiel de croissance est encore notable en France. “Même si la pénétration des labels occasion des constructeurs progresse, le marché hexagonal est encore loin d’être saturé et regorge de potentiels de croissance. Par exemple, auprès des groupes de distribution, qui, à l’instar de certains labels, s’intéressent aux voitures d’occasion de 5 ans et plus, véhicules qui répondent à une vraie demande des clients et pour lesquels les sociétés de garantie et de services peuvent développer des offres adaptées. Nous accumulons également de l’expérience sur le web, via nos partenariats avec AutoScout24, Ouest France Auto ou cartegriseminute.fr, mais nous n’avons pas trouvé la formule magique”, observe Pascal Briodin. Personne ne l’a d’ailleurs vraiment trouvée à ce jour.

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