Entretien avec Franck Millet, directeur général Europe du groupe Doyen Auto
Journal de l'Automobile. Pourquoi opter pour la franchise participative ?
Franck Millet. C'est un aspect de la franchise assez nouveau et encore très peu répandu, (on pourrait citer Sport 2000). C'est un modèle qui a beaucoup de vertus puisque le franchiseur et l'entrepreneur s'engagent à participer l'un et l'autre dans la réussite de l'entreprise, un engagement concrétisé par la participation financière des deux parties. Notre ambition est de construire un réseau national, et de devenir le quatrième acteur de la distribution assez rapidement. Au plan national, cela signifie avoir 120 distributeurs qui soient totalement impliqués, "dans le concept".
JA. Combien cela coûte-t-il ?
fm. Aujourd'hui, ouvrir un magasin de taille moyenne dans notre business model, cela exige un financement important, de l'ordre de 300 000 euros. Notre apport est une participation.
JA. A quelle hauteur ?
fm. Il y a plusieurs possibilités, disons que jusqu'à la moitié, c'est raisonnable. Nous avons fixé un minimum de participation de notre part, cependant, nous avons une règle d'or, qui veut que l'entrepreneur reste majoritaire. Nous participons à la création, au capital, mais notre volonté n'est absolument pas d'être majoritaire, de nous immiscer dans la gestion quotidienne, de vouloir toucher des dividendes. Notre volonté, c'est de stabiliser un réseau sur du long terme. Pour un franchisé, cela représente une grande valeur d'entrer dans un réseau bâti pour durer et doté de règles qui exigent de sécuriser les investissements. C'est important pour les deux parties. Notre stratégie n'est surtout pas d'aller vers du succursalisme.
JA. Une forme de concession ?
fm. En beaucoup moins lourd. C'est un mode de relation moderne, efficace et qui répartit bien les rôles, chacun apporte sa contribution. Doyen apporte un back-office important, sa logistique, des produits, des outils marketing quand l'entrepreneur apporte sa capacité de management, son esprit de commerçant.
JA. Vous avez déjà 70 API, ce qui revient à convaincre 50 distributeurs en France ? En avez-vous les moyens ?
fm. Nous avons monté notre plan de financement et déterminé les investissements nécessaires pour pouvoir effectuer 50 créations d'entreprises, ce qui nous amènera aux 120 en 2013, soit en 4 ans. Nos distributeurs API "historiques" sont adhérents et libres de faire ce qu'ils souhaitent, rester comme aujourd'hui, ou, s'ils le souhaitent, prendre la franchise participative. En revanche, s'ils veulent ouvrir un nouveau point de vente, ils devront le faire dans la nouvelle formule.
JA. Est-ce que vous allez vous appuyer sur le réseau API existant pour développer la franchise participative ?
fm. Bien évidemment. Et il y a déjà des projets en cours avec des adhérents qui sont informés du projet et qui vont en profiter pour se développer. J'utilise le mot "profiter" à dessein puisqu'on vient avec une formule complète d'aide à la création d'entreprise, une formule financière qui leur permet d'envisager un développement qu'ils n'auraient pu s'offrir autrement. Ou dans des conditions plus difficiles. L'outil "franchise participative" permet aux existants d'envisager leur développement et à de nouveaux entrepreneurs d'envisager la création plus sereinement.
JA. Comment se détaille l'offre ?
fm. Notre offre est structurée autour de quatre "essentiels". La première partie, c'est la forme de collaboration que l'on vient de définir, de franchise participative. La deuxième consiste à mettre à disposition une offre pièces et services complétée d'une logistique très forte - même nos détracteurs le reconnaissent. Le troisième point, c'est ce que nous appelons l'API Box, un concept de nouveaux magasins, qui privilégie le côté commerçant, et construit autour d'une intelligence de gestion de tous les flux, dans un esprit de productivité. A l'instar de ce que nous faisons dans nos plates-formes, ce n'est pas quelque chose de statique. On construit un schéma moderne qui prend en compte les flux de personnes, d'informations etc. Et le quatrième volet, c'est l'ensemble des services à l'entrepreneur pour lequel nous avons développé un concept qui s'appelle le CMGO comme Commerce, Management, Gestion et Organisation.
JA. En quoi consiste le CMGO ?
fm. Par exemple, dans le management des hommes, nous proposons des formules de recrutement, de formation, des modules d'incentives de forces de vente, de définition de fonctions, etc. Autre exemple, dans l'organisation, nous proposons une intégration informatique complète, c'est-à-dire que nous fournissons un outil de gestion pour le grossiste qui est complètement interfacé avec ses garages, le produit étant lui-même interfacé avec Doyen et même avec certains équipementiers. Concrètement, en Belgique, nous avons une intégration qui va du garage jusqu'à l'entrepôt de Karlsruhe, pour Bosch. Et nous arrivons à livrer un client pour une pièce improbable commandée le mercredi matin, le jeudi après-midi. Côté commerce, on propose toutes les formules, les enseignes garage, les incentives de capitalisation par points. Sur ce dernier aspect, nous avons construit l'offre avec un prestataire connu, celui qui a mis au point Flying Blue, parce que nous allons chercher les savoir-faire là où ils sont, plutôt que de nous y substituer.
JA. L'entrepreneur doit-il tout prendre ou a-t-il des tiroirs ?
fm. L'entrepreneur peut profiter de tout mais, évidemment, il ne pourra pas tout faire. Il y a cependant des indispensables dont il ne peut pas faire l'économie, comme la mise en place d'une informatique de gestion compatible avec nos flux d'information.
JA. Comment sont facturés les services ?
fm. Ils sont compris dans la redevance d'enseigne. C'est un pourcentage très faible du chiffre d'affaires qui a le mérite de garantir au franchisé la bonne réalisation de ces services.
JA. Quelles sont les obligations de l'entrepreneur ?
fm. C'est un juste équilibre de droits et devoirs, cela vient naturellement parce que notre parcours avec l'entrepreneur (avant la signature des contrats) valide le fait que nous partagions les mêmes visions du business. L'application des concepts est induite par le fait que c'est la base même de ce que recherche l'entrepreneur dans une franchise : un modèle structuré et éprouvé. C'est bien sûr contractualisé, le distributeur API doit travailler l'enseigne 1 2 3 Auto, pas une enseigne concurrente, ça coule de source. L'approvisionnement doit être fait auprès de Doyen, certes, mais nous sommes rapides et à des prix compétitifs.
JA. Est-ce qu'il y a un cahier des charges pour le bâtiment, le nombre de m2, etc.
fm. Bien sûr, pour cela nous utilisons des budgets standards et à moins de construire un magasin exactement "au plan", nous sommes toujours obligés de composer avec de l'existant. Une des forces du concept, c'est d'avoir une équipe de cinq personnes qui sont capables d'adapter le projet de l'entrepreneur au concept. Il y a bien sûr des règles de merchandising, de charte graphique, ou de zones d'implantation (logiques). Nous avons cependant établi une grille de scoring du projet qui permet de l'évaluer à travers un jeu de questions sur 100 points. Cela a le mérite de poser toutes les questions qu'il faut se poser avant de se lancer, de déterminer les points faibles et les points forts. C'est un garde-fou. Nous avons également un outil de business plan dans lequel nous intègrons toutes les données, un outil informatique qui a été validé par un consultant de la Fédération de la Franchise et qui comprend le business plan à 3 ans, les bilans prévisionnels, etc. Ce qui permet à l'entrepreneur d'aller voir un banquier avec un projet sérieux, solide, compris de tous.
JA. Quel accueil, les équipementiers réservent-ils au projet ?
fm. Certains sont déjà informés et séduits par la formule, parce que l'ensemble du dispositif qui est mis en place leur garantit la bonne distribution de leurs produits. Puisque nous avons une sélection d'équipementiers sur entrepôt et que c'est notre mode de travail d'amener un certain nombre de services au distributeur pour qu'il puisse aller au garage dans les meilleures dispositions. Une bonne qualité d'écoulement des produits ne peut que les satisfaire. Ce projet s'inscrit dans un autre, plus large, de "relations fournisseurs" dont l'objectif est de pérenniser, de construire une relation à long terme. Ce n'est pas parce que nous avons notre propre marque, étudiée pour occuper un certain segment de marché et de clientèle, que nous n'allons pas tout mettre en œuvre pour développer les marques premium. Bien au contraire.
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