"Bien que la concentration de la distribution ne soit pas encore une tendance lourde, le phénomène est bel et bien amorcé"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quel premier bilan dressez-vous de l’activité sur votre marché au 1er semestre ?
YVES VALOR. Le 1er semestre s’est caractérisé par une accidentologie en baisse, ce qui s’explique par le fait que l’hiver ait été clément et que le temps ait été très beau à partir d’avril. Par conséquent, nous sommes sur une tendance de - 6 à - 7 % d’activité alors que, sans ces éléments inattendus, nous tablions plutôt sur - 3 %. Cette baisse concerne l’ensemble du marché si on se réfère aux chiffres validés par les apporteurs d’affaires. A notre niveau, nous avons pu compenser ce retrait par la solidité des accords-cadres de Five Star.
JA. Dès lors, quelles prévisions faites-vous pour l’exercice 2011 ?
YV. Nous estimons que le recul de l’activité pourra être contenu aux alentours de - 4, - 5 %, sauf si le temps reste au beau fixe et si la répression routière continue à s’accentuer, faisant diminuer les vitesses moyennes et, par extension, les accrochages.
JA. Fin juin, lors du colloque réparation-collision organisé sur Planète Auto, plusieurs analystes ont à nouveau stigmatisé le nombre trop élevé de réseaux indépendants de carrossiers. Même si c’est un vieux serpent de mer, pensez-vous que l’évolution de ce secteur passe par un phénomène de concentration ?
YV. Il y a beaucoup de réseaux, c’est un fait… On en recense 16, c’est beaucoup, trop sans doute… Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la stratégie des apporteurs d’affaires est de faire leurs courses dans différents réseaux et non pas d’en privilégier deux ou trois. Ils travaillent ainsi avec un pool d’environ 1 500 carrossiers de haut niveau, mais répartis dans plusieurs réseaux. Il faut donc en tenir compte, mais je pense toutefois qu’un processus de concentration est à venir. Pour Five Star, il n’y a guère d’inquiétude, car la taille critique, au-dessus de 400 ateliers, est atteinte et la qualité est de surcroît très homogène.
JA. La nécessité de s’unir pour faire contrepoids face aux donneurs d’ordre apparaît difficile à mettre en œuvre entre les grands réseaux, surtout que les maisons mères sont des concurrentes directes, qu’en pensez-vous ?
YV. Il est clair qu’il est difficile d’imaginer des accords entre Five Star, l’AD, ou Axial, par exemple… Mais la concentration touchera d’abord des réseaux moins installés. Par ailleurs, suivant l’évolution structurelle du marché et l’évolution de certains paramètres, d’autres ajustements de business models seront peut-être envisageables à l’avenir.
JA. La concentration est aussi évoquée depuis quelques années au niveau de la distribution, le phénomène a-t-il vraiment commencé ?
YV. Oui, depuis un an environ, cela commence, effectivement, à se mettre en place. On le constate notamment par les rachats au moment des recherches de repreneurs. Au sein de notre marque, vous avez par exemple des plates-formes de distribution qui réalisent entre 4 à 5 millions d’euros d’achats. Le phénomène va aller s’accentuant, car les distributeurs ont désormais besoin d’une certaine assise financière pour peser dans les négociations et assurer une bonne qualité de services aux carrossiers. Bref, bien que nous ne soyons pas encore en présence d’une tendance lourde aujourd’hui, elle est bel et bien amorcée.
JA. Comment adaptez-vous votre stratégie à des clients de plus en plus spécialisés ou typifiés, notamment entre l’après-vente constructeurs et les indépendants ?
YV. Nous avions récemment réorganisé notre groupe pour répondre à cette nouvelle donne du marché. Vous avez donc, d’une part, une structure groupe DPC et, d’autre part, des structures de marques. Disons que les fonctions support tri-marque gèrent les grands comptes constructeurs ainsi que les assurances et les flottes à l’échelle nationale. En revanche, chaque marque possède sa force de vente qui poursuit son animation commerciale au local, dans un souci de proximité et de personnalisation. Il est en effet essentiel d’avoir un relais pour connaître les représentants des donneurs d’ordre au niveau local, les directeurs régionaux des constructeurs, les concessionnaires, les agents, etc. Par exemple, le “programme Axa” est relayé au quotidien par nos équipes terrain pour les carrossiers Five Star et d’autres clients.
JA. Avez-vous renouvelé vos équipes pour vous adapter à cette nouvelle organisation qui induit aussi de nouvelles compétences ?
YV. Nous n’avons pas eu besoin de renouveler nos équipes de fond en comble car la valeur de nos “anciens” n’était pas du tout remise en cause. Il y a simplement eu une évolution des méthodes de travail et de la formation, car tout est beaucoup plus formalisé et informatisé qu’auparavant. Nous nous appuyons désormais sur une équipe de 9 commerciaux, chacun devant gérer des chiffres d’affaires et des zones plus importants qu’avant. Pour revenir à votre question, en revanche, quand nous devons embaucher, nous nous ouvrons aujourd’hui à des profils différents, que l’on ne trouvait pas forcément dans nos équipes il y a quelques années. La difficulté réside dans l’aptitude à mener des négociations avec des profils de clients très variés. On ne saurait fonctionner de la même façon avec un artisan et avec un acheteur intégré dans une grande plaque de concessions, par exemple. On peut parler de professionnalisation dans l’approche commerciale, mais la dimension humaine demeure capitale dans notre secteur.
JA. Venons-en à Cromax Pro, quel premier bilan dressez-vous de ce lancement, sachant que ces produits ont déjà été introduits sur d’autres marchés avant la France ?
YV. Cromax Pro a en effet été lancé en Amérique du Nord dès 2008, mais sous l’effet de la crise, son déploiement mondial a ensuite été différé. En Europe, nous avons débuté en Allemagne, puis au Royaume-Uni et enfin en France, pays qui reste le premier marché européen pour la marque DuPont Refinish. Il faut bien comprendre que Cromax Pro est un complément de gamme qui ne s’adresse pas à tous les types de carrosseries. Cromax Pro est une déclinaison sophistiquée de Cromax purement axée sur l’amélioration de la productivité. Nous visons donc des clients A ou A+ très sollicités par les apporteurs d’affaires et captant beaucoup de volume. Bien utilisé, Cromax Pro permet à ces structures de sortir un véhicule supplémentaire par jour, soit un gain pouvant aller jusqu’à une journée de travail par semaine.
JA. Ces produits sont aussi plus onéreux, n’est-ce pas ?
YV. C’est toujours la même équation : ces produits sont plus onéreux au litre, mais ils sont largement amortis et rentabilisés s’ils sont bien utilisés. Et comme je l’indiquais, cela concerne des carrosseries traitant des volumes importants et fonctionnant en flux tendus. Nous ne préconisons pas Cromax Pro à tous les ateliers. En revanche, dans certains cas de figure, cela peut permettre de faire l’économie d’une seconde cabine de peinture, l’intérêt financier est donc significatif. En outre, j’ajoute que Cromax Pro, issu de nos derniers développements technologiques, présente une justesse colorimétrique irréprochable, quelle que soit la manière de peindre. Contrairement aux produits de génération 2, le résultat dépend moins de la technique des peintres. Cela peut donc se transformer en atout organisationnel, car un suppléant du peintre peut réaliser ces opérations sans risque de perte de temps de reprise et de retouches.
JA. Combien de clients comptez-vous en Cromax Pro ?
YV. Comme je le disais, ce sont nos clients A et A+, et nous avons aussi des objectifs de conquête chez des marques concurrentes, avec entre deux et trois cibles par région. Concrètement, sur 44 distributeurs, entre 30 et 35 seront installés en Cromax Pro à fin 2011. Et nous recenserons environ 200 carrossiers en Cromax Pro. C’est un succès, d’autant que nous ne cherchons pas à aller plus vite que la musique car nous devons tenir compte de la capacité des usines du groupe en amont et, ensuite, de la formation nécessaire pour exploiter au mieux la cohabitation de deux lignes complémentaires dans l’atelier.
JA. A quelle date est programmée l’extension du complément de gamme Cromax Pro ?
YV. Nous avons débuté par les bases, mais les vernis et les sous-couches vont bientôt arriver sur le marché, vraisemblablement début 2012. Toutefois, j’insiste sur le fait que Cromax Pro est naturellement compatible avec Cromax. Cette évolution va dans le bon sens car elle traduit une approche mondiale en stricte adéquation avec la stratégie des constructeurs, de plus en plus worldwide. Face à des modèles à vocation mondiale, nous avons immédiatement la bonne réponse colorimétrique disponible, ce qui nous permet d’économiser le temps des ajustements. Et nos clients en profitent.
JA. Vous mettez volontiers en avant des arguments de vente technologiques : est-ce encore possible de faire la différence sur ce volet entre grands majors de la peinture ?
YV. La technologie est de très bon niveau chez tous les grands fabricants de peinture, c’est indéniable. Mais il existe des petites différences, plus ténues que par le passé, dont il faut savoir tirer profit. Notre groupe est ainsi au top niveau sur l’hydrodiluable, puisque nous en sommes déjà à la troisième génération. Cependant, pour se démarquer de la concurrence, ce sont vraiment les services qui comptent. C’est dans ce domaine qu’il faut se positionner aux avant-postes. D’où l’importance névralgique du bon choix des distributeurs, de la capacité d’influence sur les apporteurs d’affaires et du relais local de cette démarche. J’insiste encore sur ce dernier point, qui est capital pour les distributeurs, les meilleurs l’ont d’ailleurs déjà intégré, comme pour nos équipes terrain.
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