Eveho à l'assaut de l'univers digital des revendeurs d'occasion
Quand il s'agit de marier l'automobile et les outils digitaux, Armand Faure en connait un rayon. La dizaine d'années qu'il compte à la tête d'Autowebbb en atteste. Son agence de communication a accompagné avec succès bon nombre d'écuries de courses parmi les plus prestigieuses, sur les circuits pour participer à la construction de leur image en dehors des pistes, qu'elles soient d'asphalte ou de terre. Sur le parcours, il y a eu des déconvenues aussi. On se souvient qu'au début de la décennie 2010, le Bordelais avait lancé Social VO, une solution qui aspirait à engager les distributeurs de véhicules d'occasion sur les réseaux sociaux pour attirer des potentiels clients. Comme tant d'autres, ce programme a achevé sa carrière au cimetière des idées arrivées trop tôt dans l'histoire.
Pourtant, Armand Faure s'est accroché au concept, celui de la virtualisation des commerçants. Dès les premiers mots échangés avec le dirigeant, son intime conviction se révèle sans détour. "Depuis cinq ans, nous travaillons sur un projet de digitalisation des distributeurs, amorce-t-il. Il nous a fallu plus de trois ans pour le développer et lui donner toute la dimension que nous souhaitions". "Nous" comprend Armand Faure et ses associés, Alban Combaud et Nathan Guigui, respectivement les cautions techniques et financières de cette nouvelle société baptisée Eveho.
Derrière cette dénomination, il y a donc une entité juridique et surtout une marque à promouvoir auprès de la filière de distribution des véhicules d'occasion, en France. "Nous pensons que le secteur est arrivé à maturité pour comprendre et s'approprier des outils de grande ampleur", analyse Armand Faure. Le hasard de la crise sanitaire va amplifier l'intérêt que peuvent porter ses cibles pour la transformation comme il est désormais admis. Mais que propose concrètement l'éditeur girondin ? Une valse à trois temps fait de relations BtoB, de gestion des affaires et de définition de parcours client.
10 000 VO en 2021
Tout commence par une marketplace qui favorise les interactions entre professionnels. Eveho a construit une plateforme neutre sur laquelle se retrouveront les acteurs pour pratiquer de l'achat-vente. Un espace ouvert à tous, où il est possible de publier les véhicules disponibles à la transaction. Le dirigeant rapporte que parmi les premiers partenaires, il compte EDP. Des discussions ont été entamées avec des opérateurs tels que VPN, Imexso, Appro ou encore Saint Herblain, qui outre le fait d'être utilisateurs sont appelés à devenir des fournisseurs. "Nous négocions avec des enseignes majeures, mais notre ambition reste bien de démocratiser l'audience en frappant à la porte des plus modestes, ceux ceux qui ont besoin d'émerger et ceux qui peinent à s'approvisionner", se positionne Armand Faure. Preuve en est de cet esprit de conquête, puisqu'il adopte le modèle économique dit du "freemium".
L'inscription, suivie de la consultation, la publication de VO depuis un DMS et la réservation simplifiée sont donc gratuites, mais les possibilités restent limitées. L'unique utilisateur (par compte créé) ne peut éditer et archiver que 5 devis. Pour commencer à en faire un outil du quotidien, il faudra débourser 29 euros HT par mois. Alors Eveho lève les restrictions d'accès à la place de marché, ne fixe plus de quotas de devis et met à disposition son API pour interfacer les systèmes. Le professionnel peut notamment s'approprier 10 VO d'un tiers, à afficher directement sur son propore site internet.
La démocratisation se heurte à quelques réflexes fâcheux, mais naturels en somme. Certains partenaires imposent à Eveho de régler une note pour profiter de leur flux de stock. Ce qui ne serait pas sans conséquence sur l'équilibre financier du concept. Armand Faure en fait toutefois peu de cas. Il sait que la plupart verra un intérêt à s'engager dans ce carrefour d'audience pour accroître la visbilité. "Notre réflexion porte davantage sur la création, avec nos partenaires, de flux plus exclusifs pour des clients qui payeraient pour y avoir accès en VIP", imagine-t-il la prochaine étape, alors qu'il vise un périmètre de plus de 10 000 VO en base permanente d'ici 2021.
Un CRM intégré
La possibilité de diffusion et d'édition de devis engendre, par conséquent, la réception de leads pour les professionnels qui s'inscrivent sur Eveho. Là, intervient le troisième niveau de service rendu par la plateforme. Contre un abonnement mensuel de 59 euros HT, la dimension change puisque la start-up construit un univers digital pour le client de sorte à lui permettre une véritable gestion commerciale. Cela comprend un site internet tourné vers le VO hébergé par Eveho qui canalise les prospects dans un parcours digital. Pour ce qui est de la marketplace, les produits soumis en BtoB peuvent peuvent alors venir de deux passerelles DMS distinctes et, en retour, le souscrivant profite de manière illimitée des flux des fournisseurs partenaires.
Cette prestation tend à accompagner les distributeurs ayant des complexités d'organisation ou étant à la recherche de moyens modernes. Et la progression rapide dans les points de vente des acteurs tels que SpiderVO, Autocerfa et Tec3H pour ne citer qu'eux, prouve que le niveau de demande reste élevé. Faut-il encore justifier d'une pertinence. Pour parfaire le mécanisme et apporter la démonstration du savoir-faire, Eveho a démarré un pilote au sein d'une plaque locale qui comprend 25 forces de vente et un stock permanent de 150 à 200 VO pour un total de près de 1 800 livraisons à l'année. "Nous les aidons comme un outil de CRM", présent Armand Faure.
Module d'e-commerce BtoC
Eveho propose donc un tunnel de conversion complet. Le pack de troisième niveau permettant aux professionnels de disposer d'un module de commerce BtoC en ligne (avec règlement des acomptes), d'un tableau de bord et des interfaces de gestions des frais annexes (transport, documents administratifs…). Pour le Bordelais, Eveho arrive au bon moment : "les distributeurs sont surstockés et vont de voir procéder à des opérations massives, nous venons en support d'optimisation de l'efficacité". Un dispositif qui peut cependant encore être complété, comme il y pense.
Pour le moment, en effet, Eveho ne prévoit rien en ce qui concerne les reprises de véhicules. Il faut d'abord mesurer l'accueil et affiner en fonction des attentes des utilisateurs. Mais après 5 ans à plancher sur le projet, Armand Faure se montre sûr de la réponse qu'il apporte au marché. La page web de l'éditeur indique cependant que des solutions de transport, de gestion de l'e-réputation, de captation à 360 degrés et de financement sont à l'étude. Le cofondateur ne cache pas son désir de faire appel à des contributions extérieures au besoin. Les convoyeurs ne manqueront pas de saisir l'opportunité.
En matière de financement, il aurait notamment un intérêt à travailler avec une start-up telle que Finnocar, dont l'agilité correspond certainement à ses impératifs et sa logique modulaire. Cependant, si la société lyonnaise semble toute désignée, reste à savoir si son ambition de lancer aussi une marketplace agnostique, dès le mois de juin, ne grippera pas le rouage, compliquant leur rapprochement. Une affaire à suivre.
Pour la petite anecdote, Eveho aurait pu voir le jour dans un autre cadre. En effet, au début de l'histoire, Armand Faure a soumis cette solution à un groupe de distribution sortant de terre. "Nous l'avons démarché pour lever 1 million d'euros et lui livrer sur un plateau. Ils ont poliment refusé. Finalement, ils ont dépensé le double pour simplement accoucher d'un parcours digital". Faisant le constat que les concessionnaires sont à la recherche d'innovations que les constructeurs ne parviennent pas à leur offrir mais accueillent volontiers dans leurs réseaux, les cofondateurs d'Eveho pensent qu'une partie de leur activité se réalisera sous les panneaux de marque, maintenant que le drapeau vert est agité et que la course aux volumes peut reprendre.