"Pour ZF, le rachat de TRW constitue une fantastique opportunité"
JOURNAL DE L'AUTOMOBILE. N'est-ce pas un peu frustrant de partir maintenant, et de ne pas voir ce qui va se passer après le rachat de TRW ?
ALOIS LUDWIG. Personne ne sait véritablement ce qui va se passer. Et il est exact que j'aimerais encore rester 5 ans pour assister à cette mutation. Mais vous savez, je pars en début d'année prochaine, à 66 ans, et je laisse les rênes à Helmut Ernst qui a toute ma confiance. Toutefois, je resterai disponible si l'on a besoin de moi, car il est vrai que j'ai déjà mené plusieurs fusions ou acquisitions dans le groupe. De plus, je reste très attaché à ZF, à qui je dois beaucoup.
JA. Comment ZF en est-il arrivé à racheter TRW ?
AL. Il y a deux ans, nous avons lancé le plan "ZF 2025", qui déterminait quelle taille critique devrait représenter le groupe pour assurer sa croissance future. Les acquisitions faisaient clairement partie de la feuille de route, mais n'oublions pas que ZF est une fondation, et donc sans actionnaires. A ce titre, les fonds nécessaires à ce type d'opération doivent émaner de l'activité propre de l'entreprise, qui nous sert également à la R&D, à la construction de nouvelles usines… Il nous a donc fallu calculer quel chiffre d'affaires serait nécessaire à l'horizon 2025 pour réaliser nos objectifs, et par-dessus tout assurer et maintenir notre indépendance. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait 40 milliards de chiffre d'affaires. Nous nous sommes par ailleurs attachés à comprendre ce qui manquait à notre portefeuille produits pour atteindre ce chiffre, en cohérence avec notre cœur de métier.
JA. Comment analysez-vous ce rachat ?
AL. Je pense que pour ZF, le rachat de TRW constitue une fantastique opportunité. Ils voulaient vendre pour grandir et rester en "première division". Pour notre part, nous souhaitions élargir notre portefeuille d'activités, le rachat faisait donc sens pour les deux parties. Bien entendu, pour des raisons légales, on ne peut en dire plus sur la stratégie future. Je pense que tout sera validé et confirmé en mars ou avril prochain. Mais on peut dire que les synergies produits sont évidentes.
JA. La concentration va-t-elle se poursuivre chez les équipementiers selon vous ?
AL. Sans aucun doute, c'est le sens de l'histoire. Pour être plus puissant, gagner du temps dans les développements, et diversifier son offre. Mais je souligne que la prudence est de rigueur dans ce type d'opération. Les études montrent que 70% des fusions-acquisitions échouent. Souvenez-vous de Mercedes, Mitsubishi et Chrysler. L'opération fut un échec, principalement parce que les dirigeants ont sous-estimé les différentes de culture de ces sociétés ou des pays… Chez ZF, nous avons maintenant l'expérience de ces initiatives avec Sachs, Lemförder… et nous serons très attentifs à l'intégration de TRW.
JA. La revente de vos parts dans ZF lenksysteme sera-t-elle un problème pour vous ?
AL. Je n'en suis pas persuadé. Nous avons monté cette JV avec Bosch en 1999 à l'avènement des directions assistées électriques dans l'Automobile, car nous ne disposions pas de l'expertise électrique et électronique pour développer ces composants. Le problème d'une JV à 50 50, c'est que personne n'étant décisionnaire, les évolutions sont lentes pour mettre tout le monde d'accord.
Avec TRW, nous retrouvons l'expertise dans les systèmes de direction, mais nous piloterons l'activité.