S'abonner

Stellantis donne le départ de sa grande offensive dans l'hydrogène

Publié le 14 juin 2022

Par Damien Chalon
9 min de lecture
Le groupe Stellantis nous a conviés à prendre le volant de ses premiers utilitaires fonctionnant à l’hydrogène. Le début d'une offensive qui passera aussi par les grands fourgons en 2024 et par les États-Unis avec RAM à compter de 2025.
Les fourgons à hydrogène du groupe Stellantis sont disponibles à la commande.

C’est à Rüsselsheim, dans le fief allemand d’Opel, que le groupe Stellantis prépare et transforme au compte-goutte ses premiers utilitaires légers roulant à l’hydrogène. Les véhicules en question sont le Peugeot e-Expert Hydrogen, le Citroën ë-Jumpy Hydrogen et l’Opel Vivaro-e Hydrogen.

 

Opel Special Vehicles est aux manettes des opérations. Depuis fin 2021, cette unité spéciale réunissant 70 salariés est à l’œuvre pour donner vie à ces modèles. Chaque transformation nécessite 60 heures de travail, pour un rythme de production de 20 véhicules par semaine.

 

"Nous sommes encore en phase d’apprentissage", confie Christian Maugy, project manager de l’écosystème hydrogène de Stellantis.

 

A ce stade des opérations, les véhicules arrivent directement de l’usine de Hordain, en France, en versions électriques. La première étape vise donc à retirer la batterie pour placer, sur les mêmes points de fixation, les trois réservoirs de 700 bars fournis par Faurecia pouvant contenir 4,4 kg d’hydrogène.

 

Les grands fourgons en 2024

 

Les autres étapes consistent à installer tout le système de propulsion hydrogène, dont la pile à combustible signée Symbio, ainsi que la batterie de 10,5 kWh venant prendre place sous les sièges. Quant à la batterie d’origine, elle repart à Hordain.

 

Le processus à propos de cette batterie peut paraître, à juste titre, un peu lourd. Mais Christian Maugy s’en explique : "Cela est lié au fait que nous procédons à deux homologations, l’une pour le véhicule électrique, l’autre ensuite pour le véhicule à hydrogène". Lorsque la cadence sera plus élevée, la façon de procéder pourrait évoluer.

 

La capacité utiles des véhicules sont inchangées par rapport aux versions électriques.

 

La cadence justement. L’objectif pour 2022 est de produire 1 000 véhicules, idem en 2023. Une production qui sera diffusée en Allemagne et en France, les deux seuls pays visés à ce stade. "Il s’agit des pays les plus avancés dans l’hydrogène, que ce soit sur les dispositifs d’aides et sur le nombre de stations. L’Allemagne disposera bientôt de 200 stations, contre 50 pour la France mais des centaines de projets vont voir le jour d’ici un an ou deux", explique Anne Masson, project manager Hydrogen.

 

La feuille de route de Stellantis est des plus ambitieuses puisque, dès 2024, la production grimpera à 10 000 unités par an. Une montée en régime liée à l’ouverture de nouveaux pays, notamment l’Autriche, les Pays-Bas et éventuellement l’Italie, ainsi qu’au lancement de nouveaux modèles.

 

116 000 euros HT

 

D’ici deux ans, les grands fourgons du groupe –Peugeot Boxer, Citroën Jumper, Opel Movano et Fiat Ducato – seront déclinés en versions hydrogènes. Il faudra également compter sur la présence au catalogue du Fiat e-Scudo Hydrogen. La production devrait être de 50/50 entre les deux tailles de fourgons.

 

Puis, à compter de 2025, la production dépassera les 10 000 unités annuelles, sans plus de précisions sur les ambitions exactes. Une montée en régime qui sera notamment liée au lancement de la technologie hydrogène aux États-Unis sur des pickup RAM.

 

Mais revenons à nos moutons avec les produits du moment. Les premiers Peugeot e-Expert Hydrogen, Citroën ë-Jumpy Hydrogen et Opel Vivaro-e Hydrogen sont dès à présent disponibles à la commande. Le prix catalogue risque de faire tourner quelques têtes : 116 000 euros HT pour les versions L2 et 116 700 euros HT pour les versions L3.

 

Bonus, prime à la conversion, aides Ademe

 

Pierre Garnier, vice-président du sujet hydrogène en charges des ventes et du marketing, tient toutefois à rassurer les futurs clients. "Nous proposons tout d’abord une remise unique de 15,7 %, ce qui nous amène à moins de 98 000 euros. Il faut ensuite déduire le bonus écologique de 5 000 euros et, lorsque le client est éligible, la prime à la conversion de 9 000 euros. Mais le plus gros des aides vient de l’Ademe", détaille-t-il.

 

Le processus administratif pour bénéficier de ces aides est d’une complexité saisissante, surtout si on le compare au dispositif allemand qui se résume en une aide unique de plus de 60 000 euros. Les aides Ademe sont liées à un écosystème territorial voulant entre autres que les acheteurs déclarent dans quelle station hydrogène bas carbone leurs véhicules seront approvisionnés. 

 

Ces subventions sont également liées à la taille des entreprises. Elles s’élèvent au final à 23 800 euros pour les sociétés de plus de 150 salariés, à 30 600 euros pour celles employant entre 50 et 150 salariés, et enfin à 37 400 euros pour les moins de 50 salariés. Fort heureusement, Stellantis a déblayé le terrain pour ses futurs clients et est en mesure de les accompagner.

 

Le réseau prend les commandes

 

Reste maintenant à trouver les acheteurs. Les contacts sont déjà établis. "Nous avons commencé les démarches l’an dernier en cherchant les premiers clients pouvant être intéressés par l’hydrogène, confie Pierre Garnier. Nous avons filtré tous les grands comptes que nous avons en France et en Allemagne et nous leur avons proposés le produit et la technologie pour voir s’ils y étaient sensibles et potentiellement intéressés". Depuis le 1er juin 2022, le réseau de distribution est également en mesure de prendre des commandes, les vendeurs ayant été formés en ce sens.

 

Le plein d'hydrogène s'effectue en trois minutes.

 

"Nous avons un bon volant de clients potentiels, ce qui doit nous permettre d’écouler largement notre production pour 2022. L'objectif est maintenant de signer les bons de commande, que ce soit en achat ou en leasing. Nous avons également de gros deals possibles de plusieurs milliers de véhicules", assure Pierre Garnier. Le dirigeant ajoute que la production cumulée pourrait monter à 3 000 unités sur 2022 et 2023, contre 2 000 prévues, en cas de forte demande.

 

Rappelons au passage que les premiers clients ayant été livrés sont Suez pour le Citroën ë-Jumpy Hydrogen, Watèa pour le Peugeot e-Expert Hydrogen et Miele pour l’Opel Vivaro-e Hydrogen.

 

A lire aussi : Hyvia lance la production de sa pile à combustible à Flins

 

Pour convaincre les futurs acheteurs, un véhicule d’essai sera très prochainement disponible. La clé, l’élément déclencheur, passera par la prise en main. Ce que nous avons d’ailleurs pu faire. Sans surprise, ces fourgons à hydrogène se conduisent de la même manière que les versions 100 % électriques dont ils sont dérivés.

 

Cela signifie qu’ils ne se conduisent pas pied au plancher. Rouler en électrique ou en hydrogène impose un état d’esprit adapté. Quoi qu’il en soit, l’accélération n’est pas foudroyante avec un 0 à 100 km/h réalisé en 15 secondes, pour une vitesse de pointe de 110 km/h. Le moteur de 136 ch assure un couple maximal de 260 Nm. La vivacité est moindre si l’on opte pour les modes Eco ou Normal.

 

400 km d'autonomie

 

Évidemment, le sujet n’est pas là. Le vrai enjeu porte sur l’autonomie, qui atteint 400 km. Un matelas confortable pour assurer des trajets plus longs qu’en électrique, d’autant plus que le plein d’hydrogène ne prend que trois minutes. Les réservoirs contribuent à hauteur de 350 km, les 50 km restants étant procurés par la batterie de 10,5 kWh. Cette dernière est rechargeable en une heure via une wallbox. Il est également possible de lui fournir de l’énergie au freinage et à la décélération en activant le mode Brake.

 

L'autonomie s'élève à 400 km grâce aux réservoirs d'hydrogène et à la batterie de 10,5 kWh.

 

Au niveau du fonctionnement, les rôles sont répartis différemment en fonction des situations. Au démarrage et à petite vitesse, la batterie haute-tension seule fournit au moteur électrique la puissance nécessaire à la traction. A vitesse stabilisée, la pile à combustible fournit l’énergie directement au moteur électrique, alors que dans les phases d’accélération, de dépassement ou en côte, la pile à combustible et la batterie haute-tension sont associées pour fournir ensemble l’énergie au moteur électrique. Évidemment, cela se fait sans émission de CO2, quand bien même un pot d’échappement en plastique est greffé au véhicule, mais celui-ci ne rejette que de la vapeur d’eau.

 

A lire aussi : HysetCo va ouvrir une nouvelle station hydrogène à Paris

 

Côté pratique, les versions L2 (4 959 mm de long) disposent de 5,3 m3 de volume de chargement, contre 6,1 m3 pour les versions L3 (5 306 mm). La charge utile est en revanche identique, 1 000 kg, tout comme la capacité de remorquage, elle aussi de 1 000 kg. Le passage à l’hydrogène n’a pas d’impact sur le potentiel de ces véhicules.

 

Reste donc maintenant à convaincre les entreprises au plus vite, sachant que les régions et les opérateurs qui ont installé des stations de production et d’alimentation d’hydrogène sont également dans l’attente de clients. La révolution hydrogène n’en est qu’à ses débuts. Stellantis sera d’ailleurs rejoint rapidement dans ce domaine par Hyvia, la filiale de Renault, avec un Master H2-Tech décliné en plusieurs versions.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Laisser un commentaire

cross-circle