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Distribution

Un distributeur sous influence

Publié le 10 mai 2011

Par David Paques
9 min de lecture
Du pavé parisien aux confins franciliens, Antoine Orlandi a bâti ses affaires, au sens propre, comme au figuré, avec une vision familiale du commerce et une certaine fraîcheur poétique.

Naître dans les années 50 dans le quartier latin à Paris et grandir à Saint-Germain-des-Prés sous l’influence des artistes et des intellectuels de la Rive Gauche n’est pas forcément le terreau le plus évident pour une carrière dans l’automobile. De surcroît quand on est davantage rompu aux rames du métro qu’à l’envers des capots. Fils d’immigrants italiens, Antoine Orlandi, né entre l’Odéon et la Sorbonne, n’a pourtant pas donné dans le culturel. Quoique sa passion de l’archéologie, romaine notamment - origines familiales obligent - aurait pu l’y amener naturellement. Le “titi parisien”, comme il se définit lui-même, s’est tracé une autre voie. Une route qui, en 1978, l’a amené à ouvrir une concession automobile, là où un oncle visionnaire avait su percevoir le potentiel de terrains en devenir en y achetant des terres, puis en y ouvrant un garage. Son 2e, après le rachat du fameux “Paris-Deauville”, établissement connu des parisiens qui s’exilaient en Normandie le temps d’un week-end, à une époque où l’autoroute A13 s’arrêtait quelques kilomètres, à peine, après les faubourgs de la capitale. “Question de patrimoine”, Antoine Orlandi a plongé. Puis s’est fait piquer par l’auto, se remémorant les files d’attente de véhicules devant la pompe à essence de son oncle le vendredi soir, tout en gardant son ouverture et sa fraîcheur d’esprit acquise entre Lipp et Flore. Profil atypique. Parcours singulier, presque à la marge même, dans une distribution automobile où la teinte du distributeur s’efface peu à peu derrière la clairvoyance de l’investisseur.

Entre modernité et tradition

Chez Buchelay Automobiles, la concession Opel qu’a créée Antoine Orlandi à Mantes-la-Jolie, la marque de fabrique du patron des lieux est connue, appréciée même. Un corpus de valeurs made in PME. Chaque matin, après avoir posé son sac, Antoine Orlandi fait le tour des bureaux et des postes pour saluer ses équipes. Il promène sa silhouette paternaliste de l’atelier au showroom, au milieu duquel trône son bureau, portes ouvertes à toute heure. Il y reçoit clients et employés. Discute, transige et organise avec la légitimité du chef de file parti de zéro, ou presque. Peu de turnover dans les équipes. Les effectifs sont stables, polyvalents et adhèrent à la griffe du distributeur. “Nous travaillons un peu à l’ancienne”, consent Antoine Orlandi, qui oscille en permanence entre tradition et modernité, jonglant par exemple entre les fiches clients en papier et les mailings, entretenant ses outils de travail tout en en développant de nouveaux. Là encore, une marque de fabrique. Une façon de faire qui lui a valu la reconnaissance de son premier partenaire constructeur. Car côté résultats, le distributeur francilien accumule aussi les succès. Cinq fois, l’affaire a été élue meilleure concession Opel de France aux Masters organisés par la marque au blitz. Preuve que si le destin automobile d’Antoine Orlandi n’avait rien de déterminé, il est bel et bien devenu une évidence.

Une nouvelle fois premier au classement des marques importées sur la zone avec 5 % de pénétration, en 2010, devant Ford, Toyota et Volkswagen, le distributeur n’en tire pas de fierté particulière. Pourtant, la performance est de taille, lorsque l’on sait qu’à quelques mètres de là, la succursale Renault truste entre 35 et 40 % du marché et que les marques françaises représentent, à elles trois, environ 70 % d’un marché toute marque évalué à 5 500 unités. Dans ces conditions, afficher un taux de fidélisation de 80 % est particulièrement remarquable. “C’est grâce à l’intérêt que nous portons au client, notamment à l’après-vente, car j’estime que c’est là que commence la vente d’un véhicule”, explique Antoine Orlandi. A la réception après-vente, les conseillers ont par exemple pour mot d’ordre de recevoir la clientèle comme dans un grand hôtel. Avec respect et savoir vivre. Un protocole à mi-chemin entre le SBAM (sourire, bonjour, au revoir, monsieur) et le SBAM + de Gérard Mulliez * et l’intérêt démesuré des grooms de palace new-yorkais (une ville que le distributeur affectionne particulièrement). Une éducation et un respect qui s’apprennent ou se rattrapent aujourd’hui sur le banc des écoles automobiles, mais qui demeurent naturels dans nombre d’affaires familiales.
La présence du chef d’entreprise n’y est pas étrangère. Omniprésent, Antoine Orlandi cultive cette vision traditionnelle du commerce en frisant parfois l’omniscience. Lui-même reconnaît qu’il a eu une fâcheuse tendance à occuper tous les terrains, voire de ne pas déléguer. La meilleure preuve est d’ailleurs assez récente.

Distributeur et architecte

En 2005, le distributeur souhaite en effet développer ses affaires en prenant une nouvelle marque sur la zone. Naturellement, le déploiement de Chevrolet dans l’Hexagone lui paraît être une opportunité. Mais à quelques encablures de son affaire Opel, un opérateur de l’ère Daewoo s’est déjà positionné. La réflexion ne va donc pas plus loin. Et c’est par une ancienne figure d’Opel que la solution va apparaître. Passé à la direction de Kia Motors France (2004-2007), Dominique Person convainc Antoine Orlandi de prendre le virage coréen. Banco. L’opérateur plonge. Avec prudence, tout d’abord. En aménageant une structure en Algeco et un showroom où tenaient difficilement trois véhicules. Une discrétion pour les débuts du partenariat avec Kia, qui va rapidement se muer en conviction. Deux ans après le début des activités avec la marque coréenne, les prévisions évoquées avec la direction d’alors se réalisent. L’affaire oscille entre 115 et 130 VN par exercice. Antoine Orlandi va donc investir “dans le dur”.

“Nous n’avions pas beaucoup de terrain. C’était une vraie contrainte”, se souvient Antoine Orlandi. La surface en question, dont la superficie atteint 3 000 m2, doit accueillir une structure couverte de 1 000 m2 au sol avec un cap fixé par l’opérateur : “Donner une autre vision de l’automobile au client”. Un architecte travaille sur le projet et fournit des propositions. Mais cela ne convient pas. L’opérateur n’est pas satisfait. “Je ne voulais pas d’une boîte à chaussure classique comme on en voit partout”, explique Antoine Orlandi. Ce dernier va donc prendre les choses en main. A commencer par le crayon. Mettant à profit les compétences acquises lors de sa première vie - il fut responsable des plans de charpentes pour les plates-formes pétrolières de Technip jusqu’à l’âge de 28 ans - pour dessiner les contours de sa future concession. Il esquisse, élabore, peaufine. Il tourne autour de sa vision elliptique, insiste sur son désir de lumière zénithale et naturelle, et prend des partis pris qui vont à l’encontre d’une construction simple et rapide. Surtout pour les artisans locaux avec lesquels il a choisi de travailler. La durée des travaux sera d’ailleurs longue. Très longue même, pour l’opérateur, sorti exténué de l’expérience. Pendant des mois, ce dernier a en effet multiplié les casquettes. Tantôt le chef couvert par celle du distributeur, tantôt par le casque du maître d’ouvrage, Antoine Orlandi jongle entre les affaires courantes et la conduite des travaux. Cette année-là, il est même intronisé président du groupement des concessionnaires Opel. Alors, quand la “soucoupe” sort de terre en mars 2010, après près de deux ans de travaux, le distributeur savoure. La marque aussi. Le président D.J Im, de Kia Motors France en loue volontiers l’aspect. D’autres, méfiants, en relèvent l’audace.

De Saint-Germain-des-Prés à Saint Germain en Laye

Antoine Orlandi affiche aujourd’hui un contrat de 150 VN avec Kia, mais il évalue le potentiel de la marque coréenne à 250 unités dans les trois ans. Une belle progression qui semble toutefois trop modeste pour offrir un retour sur investissement rapide à l’opérateur, qui a précisément investi 2 millions d’euros dans la structure. Le distributeur francilien en est conscient. Mais quel est le problème ? “Aujourd’hui, le jeu n’en vaut pas encore la chandelle. Mais cela la vaudra”, précise le distributeur, dont la réflexion et la patience sont une nouvelle fois à la marge. Car c’est en effet sur 20 ans qu’il entend amortir l’investissement engagé dans cette affaire. Une durée exceptionnellement longue, qui n’entame ni l’optimisme, ni la confiance du chef d’entreprise. “Il y a 33 ans, lorsque j’ai pris le panneau Opel, la marque ne pesait que 1,5 % du marché”, philosophe le patron. “Je me suis fait un peu plaisir”, consent-il toutefois. Un aveu qui ferait presque passer le distributeur pour un extra-terrestre. Amusant, pour quelqu’un qui vient de construire une soucoupe. Qu’importe. Ce dernier voit plus loin. Sa vision du commerce automobile et son plaisir ont un coût. Fussent-ils à l’opposé des posologies financières. L’enfant de la rue Mouffetard n’en a cure. Il conserve sa vision familiale des affaires. D’ailleurs, il vogue déjà vers de nouveaux projets. Il y a quelques semaines, Antoine Orlandi a ainsi bouclé l’acquisition du site Opel, Suzuki de Chambourcy (78) et profité de l’opération pour y installer le panneau Chevrolet. Un clin d’œil sympathique. Environ quarante ans après avoir quitté Saint-Germain-des-Prés, il s’installe à quelques mètres de Saint-Germain-en-Laye. “C’est une nouvelle histoire”, sourit l’opérateur. C’est d’ailleurs son fils Karl, 34 ans, qui en écrira sans doute les lignes.

*Le fondateur des magasins Auchan.

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ZOOM

La structure Kia de Mantes

Pas totalement finalisée, la structure Kia inaugurée l’an dernier fonctionne. Elle prend son rythme de croisière. Deux vendeurs travaillent au sein de l’affaire. Le premier, responsable de la marque, est également en charge du marketing du groupe. Le deuxième, officie également de l’autre côté de la route nationale, dans le showroom Opel. Dans quelques semaines, un 3e vendeur sera recruté pour soutenir l’accroissement d’activités. Même chose à l’atelier, jusque-là situé avec celui de l’affaire Opel. Avec un parc roulant d’environ 1 000 Kia sur la zone, l’activité frémit. “Nous comptons désormais 2 ou 3 entrées par jour”, confie le distributeur. Bientôt, quatre ponts viendront donc garnir l’atelier de la concession Kia. Un meuble fait sur mesure prendra également prochainement place sous la coupole du showroom. Il y a quelques semaines de cela, le maître des lieux a également fait l’acquisition d’une parcelle de terrain mitoyenne. Ce qui lui permettra d’offrir à son activité VO une exposition à la hauteur de cette nouvelle structure. Le distributeur prévoit que l’affaire tournera à plein début 2012.

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FOCUS

Le groupe Orlandi en 2011

• Création : 1978
• Nombre de sites 3
• Implantations : Mantes-la-Jolie, Chambourcy (78)
• Marques représentées : Opel, Chevrolet, Kia, Suzuki
• Volume VN : 1 370 dont 900 Opel, 150 Chevrolet, 150 Kia, 120 Suzuki

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