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Distribution

"Trop de concessions et pas assez d’entrepreneurs"

Publié le 29 avril 2005

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
La distribution telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, malgré la concentration forcée, est déphasée par rapport aux exigences de rentabilité. Il y a, dans les réseaux, trop de concessions et pas assez d'entrepreneurs pour les diriger. C'est le fruit empoisonné d'un siècle d'immobilisme...
La distribution telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, malgré la concentration forcée, est déphasée par rapport aux exigences de rentabilité. Il y a, dans les réseaux, trop de concessions et pas assez d'entrepreneurs pour les diriger. C'est le fruit empoisonné d'un siècle d'immobilisme...

...protectionniste : le dynamisme de la demande faisait la part belle à tous (ou presque) ceux qui avaient la chance d'être concessionnaires d'une marque moyennement attrayante. L'esprit d'entreprise des intéressés était une option tout compte fait assez superflue. L'outil de distribution dont on a hérité est donc, malgré les regroupements forcés mis en œuvre par plusieurs constructeurs, déphasé par rapport aux exigences actuelles de rentabilité de l'industrie… et des concessions. Depuis quelque temps, en effet, tout change : il est essentiel de distribuer efficacement les véhicules et d'abattre en même temps les coûts de distribution. On y parviendra difficilement en continuant à appliquer des remèdes archaïques. Et si la solution résidait dans une politique proactive de la concurrence ? Ceux qui, parmi les concessionnaires, sont des entrepreneurs, y ont intérêt ; les constructeurs aussi, quoi qu'ils en pensent.

Une nouvelle concentration des réseaux nous attend

Si on examine la situation sans complaisance, on perçoit assez vite l'impasse dans laquelle se trouvent les réseaux et les constructeurs. Les constructeurs sont contraints d'assurer la rentabilité de leurs réseaux de marque en les subventionnant, parce que chaque marque veut "son" réseau : là où les investissements effectués, les coûts supportés et la qualité des structures dédiées justifieraient de vendre trois gammes de modèles, il n'y en a qu'une. La rentabilité moyenne d'une vente VN s'améliorera-t-elle au point de compenser cette anémie constitutionnelle des réseaux pléthoriques, allégeant du même coup le fardeau des constructeurs ? La stagnation de la demande ayant entraîné une surenchère promotionnelle au rendement stable ou décroissant, accompagnée d'un emballement inefficace de l'offre de nouveaux modèles, on voit mal une issue satisfaisante dans le cadre des politiques traditionnelles. Qu'on le veuille ou non, l'accroissement de la pression concurrentielle aura pour effet de réduire le nombre des affaires ; une nouvelle concentration des réseaux nous attend. Dans de telles circonstances, les constructeurs et les concessionnaires ont la possibilité d'intervenir sur plusieurs plans, pour que chacun puisse équitablement tenter sa chance.

Piloter l'évolution des réseaux vers plus de professionnalisme

On connaît les variables sur lesquelles les constructeurs, d'une part, et les concessionnaires, de l'autre, peuvent intervenir. Les premiers peuvent faire glisser le curseur des critères qualitatifs vers le haut ou vers le bas, choisir la densité de leurs réseaux, mettre en place un ou plusieurs niveaux commerciaux (par exemple, un ou plusieurs niveaux de revendeurs agréés, en plus des distributeurs et de leurs succursales éventuelles). Quant aux concessionnaires, ils peuvent accéder au commerce multimarque, sous-traiter l'après-vente, ouvrir des succursales de vente (à partir du 1er octobre prochain), acquérir l'affaire d'un collègue représentant la même marque. L'ensemble de ces degrés de liberté donne à chaque marque une capacité extrême de s'adapter au terrain. Il est possible, par exemple, de laisser à chaque concessionnaire la faculté d'organiser et de dimensionner son entreprise comme il l'entend. C'est sans doute la meilleure façon de faire émerger les entrepreneurs et de "piloter" l'évolution des réseaux vers plus de professionnalisme et plus d'efficacité. Bien entendu, nous sommes ici très loin du modèle unique d'entreprise de distribution. Mais il faut, précisément, éviter toute ambiguïté : on ne sort pas vainqueur d'un marché caractérisé par un accroissement de la concurrence en jouant contre la concurrence, avec ou sans subventions. Je suis personnellement convaincu du fait qu'un constructeur tirera le plus grand profit, dans tous les sens du terme, d'une mise en concurrence des concessionnaires qui représentent sa marque et que, parmi les concessionnaires, les entrepreneurs authentiques s'en trouveront fort bien. Comme il est bon de ne pas oublier les consommateurs, je voudrais aussi rappeler qu'eux seuls décideront du sort des entreprises de distribution. Donc, "à vos marques…" dans le respect de la transparence la plus absolue : il est sans doute possible d'expliquer sereinement de nouvelles règles du jeu aux distributeurs, en partant de la constatation que le statu quo est indéfendable. Et en précisant que l'alternative consisterait à être dominé par les événements, sans avoir eu l'opportunité de s'armer pour y faire face.

Ernest Ferrari, Consultant

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