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Distribution

Subventionner les réseaux ou laisser agir la concurrence ?

Publié le 27 mai 2005

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
A force de compliquer les choses, les constructeurs finissent par rémunérer pour tout et n'importe quoi. C'est comme cela qu'on maintient à bout de bras un réseau pérenne, mais inefficace. Imaginons une piste d'athlétisme où quatre adversaires s'apprêtent à s'affronter sur un "cent...
A force de compliquer les choses, les constructeurs finissent par rémunérer pour tout et n'importe quoi. C'est comme cela qu'on maintient à bout de bras un réseau pérenne, mais inefficace. Imaginons une piste d'athlétisme où quatre adversaires s'apprêtent à s'affronter sur un "cent...

...mètres". Le premier, qui est potentiellement le meilleur, est en smoking, liquette empesée, nœud papillon serré et escarpins vernis ; le second, un nul depuis toujours, endosse une tenue sportive "au top" et enfile les chaussures les plus performantes du marché ; le troisième, un inconnu, feuillette le livre d'histoires drôles qu'il lira au public dès que le départ sera donné ; le quatrième, un "pro" qui s'est entraîné toute la semaine, a mis sa tenue sportive habituelle un peu délavée. A votre avis, qui va gagner ? Vous avez deviné. D'ailleurs, c'était assez facile ! Calquons à présent la typologie sommaire évoquée ci-dessus sur le monde des distributeurs d'automobiles : le premier a surinvesti dans des locaux somptueux qui l'étouffent financièrement ; le second est un cas commercial désespéré, mais c'est le champion des critères qualitatifs et autres standards dictés par la Qualité Totale ; le troisième est obnubilé par la satisfaction de la clientèle dont il attend un retour improbable ; le quatrième fait ce qu'il faut pour vendre, compte tenu des moyens dont il dispose et de la marge de liberté qui lui est concédée.

Où doit aller l'argent ?

A force de compliquer les choses, c'est-à-dire de subdiviser en cinq ou dix ruisselets les marges et les primes attribuées aux concessionnaires, les constructeurs finissent par payer tout et n'importe quoi, alors qu'il leur faudrait objectivement concentrer leurs moyens sur ce qui compte le plus : les ventes de VN. Par souci d'efficacité et donc, entre autres, de simplicité. Prenons les cas cités ci-dessus. Si la mesure de toute prime était le nombre de VN vendus, seul le quatrième distributeur aurait droit de toucher de l'argent ; il en toucherait d'ailleurs nettement plus qu'aujourd'hui, puisque les primes/subventions liées à des choses étrangères au commerce cesseraient d'exister. Voyons ce qui se passe, a contrario, lorsqu'on éparpille des ressources pour d'autres raisons que les ventes réalisées : le retour en termes de ventes supplémentaires n'est pas du tout escompté et il ne sera jamais mesurable, compte tenu des effets de conjoncture. Le constructeur concerné sacrifie donc le certain (ses propres marges actuelles) pour l'incertain et même l'improbable (des ventes en plus viendront peut-être un jour ?). Quant aux bénéficiaires de la manne, ils apprennent simplement qu'on peut bien survivre en vendant mal. C'est comme cela qu'on maintient à bout de bras un réseau inefficace. Mais stable, voire pérenne.

Eloge du court terme et de la concurrence

Le morcellement des marges offre une possibilité de survie à des entreprises de distribution qui devraient disparaître si la concurrence jouait son rôle. Ceci a un impact négatif certain sur les coûts de distribution, donc sur les résultats des constructeurs. Une politique qui privilégierait le court terme, c'est-à-dire les ventes effectives du mois en cours par exemple, aurait en revanche le mérite d'établir une hiérarchie (et un clivage) entre les affaires qui savent vendre et celles qui en sont incapables. Le retour à cette simplicité brutale du commerce serait-il si erroné qu'on l'imagine ? Non, si l'on se libère des conditionnements idéologiques nés de l'application néfaste de la Qualité Totale aux phénomènes commerciaux. La Q.T. est nécessaire et même indispensable lorsqu'on parle de produit ou de process de production. C'est un handicap si on l'applique au commerce : les clients "très satisfaits" restent libres d'acheter où ils veulent ce qui leur plaît et le respect scrupuleux des "operating standards" est un investissement qui n'influence que très marginalement la démarche d'achat des consommateurs. En fait, toutes ces belles choses négligent trois facteurs fondamentaux : l'attrait du produit, son prix d'achat et le savoir-faire du distributeur. Pour optimiser les ventes, mieux vaut privilégier le court terme et faire jouer la concurrence, y compris la concurrence intra marque, au sein des réseaux. Le commerce n'est-il pas le domaine du court terme ? Il s'agit bien, pour un commerçant, de s'adapter aux exigences du marché, aussi rapidement et aussi efficacement que possible. Sans subventions et avec la volonté d'en découdre.

Ernest Ferrari,Consultant

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