Pour un groupe de pression multimarque
...pression transversal qui conduise la bataille du multimarquisme.
La liberté d'établissement actée le premier octobre va déblayer le terrain de pas mal d'obstacles au commerce multimarque. Mais, comme on le sait, il en subsiste encore plusieurs. Au-delà de ceux qu'on a déjà évoqués sur ces pages (le salon Arlequin ou le problème de la revente d'une affaire multimarque, par exemple), il en reste un essentiel : les constructeurs continuent aujourd'hui de refuser d'autoriser un lieu d'établissement principal, même si tous les critères requis sont respectés. Un exemple : un concessionnaire de la marque X voudrait obtenir le droit de distribuer la marque Y. Le constructeur Y, même en supposant que les critères qualitatifs soient respectés à la lettre (sélectivité qualitative) et que le nombre maximum de concessionnaires Y ne soit pas encore atteint (sélectivité quantitative), peut refuser d'accepter comme lieu d'établissement principal celui où est déjà commercialisée la marque X, pour peu qu'il soit satisfait de sa capillarité sur cette zone de chalandise. Inversement, si le constructeur Y, qui souffre lui d'une faible capillarité, accepte le lieu d'établissement principal proposé par le candidat, alors la marque X n'a d'autre choix que d'accepter l'arrivée d'un concurrent. Ce multimarquisme bancal doit-il être corrigé ? Sans doute serait-ce souhaitable pour tous les acteurs du marché. Pour y parvenir, en 2010 ou avant, un groupe de pression spécifique semble indispensable.
Quelques arguments
Nous ne reviendrons pas en détail sur deux évidences : le commerce multimarque est un élément essentiel de la concurrence en faveur des consommateurs. C'est aussi la seule vraie garantie d'indépendance des réseaux. C'est en outre, et quoi qu'elle en ait, pour l'industrie, la seule voie conduisant à une réduction forte des coûts de commercialisation, à travers la sélection compétitive des entreprises de distribution. Les concentrations monomarque forcées sont, en revanche, l'inverse de ce qu'il faudrait faire : elles donnent naissance, entre autres, à des hyper structures dans lesquelles il y a de la place pour trois marques, mais où il n'y en a qu'une. Rentabiliser ce type d'entreprise antédiluvienne (le déluge étant représenté par la faiblesse structurelle de la demande, qu'on connaît depuis… 1993) tient du miracle. Celui-ci se faisant rare, on tend à subventionner les concessions plus qu'à laisser jouer la concurrence, quitte à se plaindre ensuite de la faiblesse des marges commerciales. Les concessionnaires multimarques, eux, sont le plus souvent à la pointe du progrès mais c'est une pointe émoussée. Les reliquats de l'ancien commerce, dont celui qu'on a évoqué dans le premier paragraphe, se traduisent par un frein aux économies d'échelle des entreprises multimarques, quand il ne s'agit pas d'une abolition pure et simple d'icelles : plusieurs salons alors qu'on pourrait en avoir un seul ; des personnels en surnombre ; des frais généraux excessifs… on pourrait continuer.
Pourquoi un groupe de pression spécifique ?
Il y a, c'est vrai, les organisations existantes, qui vont des groupements de concessionnaires au Cecra, en passant par le CNPA, etc. Mais les problématiques du multimarquisme risquent de végéter encore au second plan, alors même qu'elles devraient occuper le devant de la scène, si personne ne s'occupe de la question sans la noyer dans les mille revendications de la profession. Il ne s'agit pas de bonne ou mauvaise volonté de la part de qui que ce soit, mais d'un phénomène typique des avant-gardes, toujours minoritaires par définition. Celles-ci n'obtiennent rien tant qu'on essaie de concilier l'inconciliable. En clair, une grande majorité de concessionnaires préférerait que les choses retournassent au statu quo ante, bref, à la vieille distribution. Les organisations qui les représentent doivent les suivre, en attendant qu'ils évoluent. Et les raisons du commerce multimarque "peuvent attendre". Or, si les concessionnaires multimarques ne constituent pas forcément un monolithe, ils ont des revendications communes à avancer, qui les différencient en positif de tous les autres. S'ils veulent avancer tout en continuant à participer aux groupements traditionnels, ce qui est souhaitable, il leur faut au moins constituer un Groupe de pression transversal qui conduise la bataille du multimarquisme à la fois au sein des groupements et vis-à-vis d'interlocuteurs tels que la Commission européenne et l'Acea. L'alternative s'appelle "chacun pour soi."
Ernest Ferrari, Consultant
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