...marque de fabrique et vogue de succès en succès. Un dynamisme remarqué qui lui a valu d'être récemment sollicité pour être la voix du réseau français. Modernité.
Son goût immodéré de la toilette et de l'élégance matérielle ne suffit pas à en faire un dandy. Son hyperactivité permanente le rend en revanche clairement Doody friendly*. iMac sur le bureau, iPhone dans la poche, iPad dans la main, Jérôme Muzzupapa est en alerte. Jamais totalement déconnecté, rarement injoignable, l'entrepreneur est constamment sur la brèche. Alternant entre la résolution des problèmes exceptionnels ou quotidiens, la bonne marche des affaires et les projets en cours, le distributeur ne goûte que très peu à l'inactivité. Pressé ? Non. A 27 ans, Jérôme Muzzupapa est un homme chargé, affairé, mais lucide sur le temps du commerce. A peine use-t-il des technologies de son époque pour tenter d'apprivoiser la montre et parfois se jouer d'elle. "Je vais vite. Tout ce qui peut m'aider à gagner du temps et à communiquer plus clairement et plus rapidement, je l'utilise", reconnaît-il. Dans son bureau, dans le showroom ou l'atelier, l'opérateur promène sa silhouette avec l'énergie de son âge et le style de son temps. Fan de mode, son allure tranche résolument avec l'image traditionnelle du concessionnaire automobile. Elle est en revanche révélatrice du tempérament du jeune dirigeant et de sa vision des affaires. Une question de style. Bousculer les codes, déplacer les frontières, s'inspirer pour performer. Dépoussiérer le commerce automobile, en somme.
Président du Conseil national à 27 ans
Certains pourraient être méfiants, d'autres ne pas lui accorder de crédit, voire fustiger la posture, l'apparence ou même la jeunesse du maître des lieux. Le "Petit Muzzu", comme on l'appelle, n'a pourtant rien d'un adolescent jouant avec les jeux de son père. Le vélo est à sa taille. Entré dans le groupe en 2004 en prenant la gestion du site de Draguignan, alors qu'il n'a que 21 ans, Jérôme Muzzupapa a su apprendre, mais aussi apporter. "Quand on est le fils de, on ne prend pas sa place de manière aussi naturelle qu'on peut le croire. Il faut la mériter vis-à-vis de son père, de ses équipes et de son constructeur", raconte-t-il, comme si son intronisation filiale le gênait. Pourtant, il fera rapidement ses preuves, de toutes parts. En 2006, il prend les rênes du groupe, puis est nommé secrétaire du Conseil national des distributeurs Volkswagen, avant de devenir son président en début d'année 2010. Une reconnaissance de ses pairs pour le moins rapide pour ce profil singulier, à défaut d'être atypique. Ni issu de la promotion interne, ni chassé chez la concurrence, le jeune diplômé a choisi sa voie avec enthousiasme. "Souvent, les jeunes qui sortent d'écoles de commerce ne veulent pas faire carrière dans des PME. La plupart du temps, ils se trompent". Lui ne semble pas regretter son choix. Il est épanoui. Il avance même plein de certitudes et d'assurance. Ceux qui travaillent à ses côtés peuvent en témoigner.
Lorsqu'on grandit dans le hall d'une concession, le risque de ne plus voir les anomalies du quotidien apparaît pourtant conséquent. Pas pour lui. Attentif, Jérôme Muzzupapa a les yeux partout. Sur la bonne tenue et l'organisation des espaces de travail, comme sur les comptes de résultat. "Je délègue autant que mon père, mais de manière différente. J'ai beaucoup plus de reporting et de technologie à ma disposition que lui n'en avait", précise-t-il.
"De l'envie et de l'enthousiasme"
Toujours en quête d'amélioration, il laisse parler ce que certains pourraient qualifier de zèle. D'autres parleront de manies, de rigueur outrancière ou d'hyperactivité harassante, pour justifier leur difficulté à suivre la cadence. Dès ses débuts, il a su faire fi des persifleurs pour imprimer son rythme et sa marque de fabrique. "Quand je suis arrivé, j'ai dû changer une partie de l'équipe. Non pas pour des raisons de compétences, mais parce que ma manière de fonctionner était radicalement différente et qu'ils ne pouvaient pas suivre. C'était la guerre", se souvient-il. Aujourd'hui, l'équipe sur laquelle s'appuie son système est résolument jeune. Le chef des ventes Volkswagen a 30 ans, celui d'Audi en a 40, tout comme le responsable VO. Et ce n'est pas tant l'âge de ses cadres que leur profil qui semble tenir au cœur du directeur. Pour compléter son vivier de vendeurs dédiés à Audi, il vient par exemple de recruter un visiteur médical. "Je veux de l'envie et de l'enthousiasme", se justifie-t-il. "Côté savoir-faire, pas de problème. Mais pour le savoir être… Nous avons un manque de compétences à ce niveau. Vendre une voiture à 38 000 euros et recevoir les clients comme dans un petit garage, ce n'est pas possible. C'est une culture d'entreprise que je veux instituer à tous les niveaux", explique-t-il. Alors que l'un de ses chefs d'ateliers s'apprête à partir à la retraite, l'entrepreneur s'interroge donc naturellement sur la future recrue. "Je ne souhaite pas prendre un parcours classique. J'aimerais placer un chef de vente VN à sa place pour bénéficier de ses compétences de management, ou prendre un jeune qui sort d'école de commerce".
Jérôme Muzzupapa cultive sa différence, sans dogmatisme aucun. Sa seule doctrine est la quête d'efficience. Son unique culte : celui du résultat. Un leitmotiv qui pourrait même tourner à l'obsession. Alors que son affaire de Puget-sur-Argens affiche un taux de couverture des frais fixes par l'après-vente de 105 % et celle de Draguignan de 113 %, l'investisseur estime, par exemple, être loin du compte. "Je ne suis pas bon. On doit faire mieux. Les temps barémés sont de plus en plus serrés. Cela nous coûte de plus en plus cher d'effectuer des réparations dans le temps indiqué par le constructeur. De ce fait, nous cherchons à regagner ça ailleurs. Sur les temps de pause cigarettes, par exemple. Nous avons organisé ces pauses pour gagner en productivité, décalé l'arrivée du conseiller client pour une meilleure organisation, revu la facturation pour que l'ensemble soit plus fluide. Désormais, chaque OR qui passe est contresigné par le chef d'atelier si on fait une erreur. Je veux savoir pourquoi on perd du temps", argue-t-il.
Un bénévolat très prenant
L'exigence quotidienne du jeune entrepreneur est conséquente. Il le sait. Mais ses collaborateurs adhèrent. Parce qu'il sait les motiver, à l'instar de ce système de rémunération original des vendeurs, mais aussi parce que son implication convainc les plus sceptiques. Jérôme Muzzupapa ne s'octroie aucun salaire, ni aucun dividende, alors que ses fonctions l'occupent à plein temps et même davantage. "Je travaille pour la gloire", sourit-il. Ses revenus viennent, en effet, d'ailleurs (SCI familiale) et l'opérateur tient à son principe. Ainsi, l'intégralité du résultat net est réinvestie dans les affaires. Les employés le savent et cela force leur respect. Et aujourd'hui, l'évolution du groupe et le succès qu'il rencontre plaident pour lui.
En 2006, lorsque le "Petit Muzzu" prend le business de Carepolis en main, le groupe familial reste sur un chiffre d'affaires (2005) de 34,7 millions d'euros. L'an dernier, celui-ci s'est porté à 48,2 millions d'euros, affichant ainsi une croissance de 38 % en 4 exercices. Dans le même temps, ses ventes VN ont progressé de 40 % pour atteindre 1 011 unités l'an dernier. Cette année, les contrats du groupe atteignent même 1 350 VN, dont 900 Volkswagen et 305 Audi. Depuis 2005, le résultat net de SMVA (Puget-sur-Argens) a, quant à lui, progressé de 160 % à 800 000 euros, et celui d'Auto Festival (Draguignan) de 55 %. Le groupe Carepolis fait désormais partie des 10 affaires du réseau français à afficher une profitabilité supérieure à 3 % de son chiffre d'affaires. Pourtant, là encore, le distributeur ne s'en satisfait pas. "J'estime que nous devons faire mieux", assure Jérôme Muzzupapa. "Potentiellement, il me manque 400 000 euros de résultat net. Une parfaite exploitation de notre outil doit nous permettre d'atteindre 4 % de profitabilité", insiste-t-il. La concurrence pourrait le juger prétentieux, ambitieux, exigeant, voire monomaniaque ou déraisonnablement obstiné. Lui s'en moque. L'étonnant recul qu'il a su acquérir l'aide à être factuel. Il aime à scruter les tableaux de bord en permanence, trouver la faille, puis à imaginer des leviers de croissance. Un jeu, une passion du métier, plutôt qu'une aveugle et malsaine minutie tyrannique. Par nature, Jérôme Muzzupapa ne laisse donc rien au hasard. "Avoir tous les voyants au vert, c'est un travail de fou", consent-il. "Mais j'aime ça. Mon métier, c'est ma vie. Mes amis me le font d'ailleurs souvent remarquer. Mais on n'obtient pas de tels résultats tout seul", tient-il à préciser. "Aujourd'hui, on a le meilleur constructeur du monde. Sa stratégie, ses produits et son organisation nous facilitent la tâche. Nous pouvons ainsi capitaliser plus aisément sur la qualité de nos emplacements et la performance de nos équipes", détaille le distributeur.
"Il faut parfois être précurseur"
Innover, sortir le commerce automobile du carcan qui bride ses possibilités, le délester de traditions contre-productives… Qu'importent les regards. Pour l'opérateur, "profits" et "rentabilité" ne sont pas des gros maux. Surtout quand ceux-ci sont au seul bénéfice de l'entreprise. Alors le jeune patron continue de panser et de fortifier ses affaires avec sa propre méthode. Il accélère même. Car s'il reconnaît, à ses débuts, avoir usé de sa pharmacopée de manière homéopathique, sa posologie devient plus forte à mesure que sa légitimité grandit. Il n'hésite plus à montrer ses certitudes. Mais toujours, il s'appuie sur des faits, des études, des analyses, des expériences passées, des projections chiffrées. Son désir actuel : ouvrir ses concessions le samedi. Il y travaille, entre autres choses. Car, rayon projets, le dirigeant a de quoi faire. Il vient d'en achever un avec l'ouverture d'une nouvelle concession Audi à 20 mètres à peine du showroom Volkswagen dont les véhicules de la marque aux anneaux viennent de sortir. Cette structure "neutrinale" Audi, dont l'investissement de 1,5 million d'euros (hors terrain) a été autofinancé à hauteur de 33 %, est, là encore, l'occasion d'expérimenter de nouvelles idées. Dans ce nouveau site, une salle de réunion a, par exemple, été aménagée. Celle-ci sera à disposition de tous, gracieusement. Pas besoin d'être client. Il suffit de réserver. L'idée étant de faire découvrir l'univers de marque. "Il faut créer du passage, du mouvement. Faire des choses qu'on ne voit pas ailleurs. Il faut parfois être précurseur", insiste Jérôme Muzzupapa. Original, en tout cas. Ce qui ne l'empêche pas de s'ouvrir aussi aux idées qui viennent de l'extérieur. Des autres secteurs, mais aussi de son constructeur. "Je suis dans tous les process de la marque. Dès qu'elle sort un test et qu'il lui faut un pilote, je me porte candidat. Comme pour le Coaching RSE (Retail Sellers Excellence). L'un de nos collaborateurs a révélé des compétences managériales grâce à ce système. Je l'utilise donc désormais partout", détaille-t-il.
Rien n'est superflu. Son objectif reste le même : l'efficience. Et cela pour toutes les choses dans lesquelles l'homme s'engage. Dans ses responsabilités locales, comme dans sa mission nationale. "Je veux faire avancer mes affaires, le réseau et la marque", assure-t-il. Ses récentes rencontres avec la direction allemande du constructeur, dans le cadre de la présidence du Conseil national, n'ont rien changé à son discours. Pas même à ses méthodes ou à ses habitudes vestimentaires. Le réseau Volkswagen a décidément une voix qui détonne. Le message est passé. De là à ce que le "Doodisme" gagne Wolfsburg…
* Le Doodisme est un mouvement apparu en 2007, sous l'impulsion d'un certain John Dodelande, rassemblant des jeunes entrepreneurs, férus de mode, et qui se reconnaissent dans des valeurs d'action.