Moins de VO et plus de VN
...une singularité, parce qu'ici le vieux est rarement ancien, et encore moins antique. On peut aimer (c'est mon cas) les demeures d'autrefois et les meubles d'antan, surtout quand on ne peut pas se les offrir (c'est encore mon cas). Dans ce domaine, l'amateur renonce à l'ancien parce qu'il est trop cher. A l'inverse, et sauf exception, les véhicules d'occasion sont un choix de repli par rapport au neuf. On peut toujours trouver de bonnes fausses raisons pour le faire, l'une d'entre elles étant "l'achat intelligent", bien connu dans nos chaumières, où il côtoie le "meilleur rapport qualité/prix". Mais, enfin, la nouvelle Scénic est mieux réussie que l'ancienne, la nouvelle Classe A… surclasse la précédente, et il en est de même, "mutatis mutandis", pour tous les modèles de toutes les marques, ou presque. Alors ? Alors, le commerce automobile a, comme on dit, perdu la tramontane. A force de laisser se traîner sur les routes des objets qui ont oublié de s'arrêter chez un démolisseur, on ne réussit pas à relancer la demande VN. Mieux : pour la soutenir quelque peu, on surévalue les reprises VO. Ainsi naquit l'immobilisme perpétuel.
Une offre riche de tout en général et de lacunes en particulier
La "tarte à la crème" d'aujourd'hui consiste à affirmer que les consommateurs sont lassés d'innovations gadget, de véhicules hyper sophistiqués, etc. C'est une façon assez curieuse et passablement "politically correct" d'analyser les choses. Il y a, c'est vrai, quelques bo-bo qui affectent de souffrir de cette lassitude, surtout en public et dans les endroits trendy. Mais heureusement pour le progrès, il reste beaucoup de consommateurs qui n'ont aucune envie de renoncer à quoi que ce soit en matière d'automobile "hyper tout ce qu'on voudra". La question, en effet, n'est pas là. Ce qui se passe est moins idéologique et plus humain : l'offre s'est concentrée sur un seul macro segment de clientèle, qui est précisément celui qu'on vient d'évoquer. Avant Logan (je n'ai aucune préférence pour Renault, mais les faits sont là), personne ne s'est occupé de l'autre macro segment : celui des consommateurs contraints financièrement, qui ne trouvent pas d'offre VN économiquement à leur portée et, en même temps, correspondant à leurs nécessités en termes de nombre de passagers et de coffre à bagages, par exemple. Il y a toute une gamme de véhicules à inventer, pour tous les constructeurs qui auront envie de se mesurer à ce nouveau défi, ou plutôt à ce défi ignoré et émergent. Le résultat de cette insuffisance de l'offre VN est sur la route. Et dans les comptes des distributeurs.
Assez de miracles : des choses banales !
Le marché européen des VO ne disparaîtra pas du jour au lendemain, par le simple effet d'un élargissement de l'offre VN vers le bas. Mais, comme il faut un début à tout, disons qu'il n'y a pas beaucoup de moyens socialement acceptables de réduire de façon substantielle le nombre des VO qui persistent à occuper les chaussées au-delà du raisonnable. On pourrait, c'est entendu, rendre plus sévères les contrôles techniques, par exemple, et envoyer à la casse, par ce biais, une quantité de véhicules. Si on le faisait aujourd'hui, cela équivaudrait à une catastrophe pour un nombre important d'êtres humains qui n'ont pas la chance de pouvoir renoncer à quoi que ce soit. En fait, le prix d'achat intrinsèquement élevé des VN se répercute sur les reprises VO, puis sur les VO repris sur d'autres VO. Regardez une cote quelconque : tout est cher, y compris nombre d'épaves. Cette chaîne-là ne peut être interrompue que de deux façons : en s'attaquant au prix des VN en général (c'est-à-dire en réduisant les coûts, notamment les coûts de commercialisation) et en élargissant l'offre VN vers le bas. De proche en proche, on pourra ainsi aboutir à un assainissement du marché des véhicules d'occasion, par l'élimination d'une partie de l'offre et la réduction des prix clientèle du reste. Le tout, au profit des ventes de VN.
Ernest Ferrari