La filière des distributeurs indépendants menacée par le malus en mars 2020
La filière de la distribution automobile indépendante est en alerte : lundi 27 janvier, ces professionnels de l’automobile se sont rendus compte d’une réalité qui risque bien de venir perturber leur business. Comme chacun le sait, une nouvelle grille du malus, basée sur les niveaux d’émission de CO2 selon le cycle WLTP, sera mise en place en France, a priori le 1er mars 2020. A noter toutefois que le décret entérinant cette date n’a pas encore été publié et que des rumeurs bruissent sur une réelle application au 1er juillet 2020. Quoi qu'il en soit, rappelons que la mise en place de cette nouvelle grille de malus était conditionnée à la mise en œuvre du certificat de conformité électronique (e-CoC), ce qui a d’ailleurs provoqué plusieurs reculs de son application.
Or, seuls les véhicules neufs qu’un constructeur destine au marché français disposeront d’un e-CoC, alors que les autres Etats membres, à l’exception des Pays-Bas, ne se sont pas encore attelés à une tâche apparemment périlleuse. Résultat, tous les véhicules neufs acquis dans un autre Etat membre de l’Union européenne, que le constructeur ne destinait pas au marché français, ne disposeront pas d'e-CoC. Impossible donc à ce moment de disposer, du moins automatiquement, du grammage en CO2 et donc d’établir le montant du malus. Une contrainte technique au niveau du SIV qui pourrait coûter très cher aux importateurs.
Une grille de malus salée
A partir du 1er mars, ces véhicules ne disposant pas d’e-CoC seront ainsi taxés selon une grille du malus basée sur la puissance administrative, pénalisante par rapport à la grille créée à partir des niveaux de CO2. (voir tableau ci-dessous). Alors que, pour autant, ceux-ci ont bien été homologués WLTP et disposent d’un CoC, mais papier, sur lequel le taux d’émissions en CO2 est bel et bien indiqué. A noter également que les véhicules en provenance d’un autre Etat membre et ayant été immatriculés dans cet Etat seraient également soumis à un malus sur la base de leur puissance fiscale. Un vrai problème sachant que ces acteurs alternatifs, qu’ils soient mandataires ou négociants, achètent une très grande majorité, voire la totalité, de leurs véhicules dans les pays européens avoisinants.
Une différence de traitement qui fait bondir les professionnels et leurs représentants, dont la FNA. Elle dénonce une démarche anti-concurrentielle et le non-respect de la loi de finances qui fait reposer son système de taxation sur le CO2. « La question informatique ne peut pas venir modifier la loi et la loi dit que malus est basé sur le CO2 », souligne Aliou Sow, secrétaire général de la FNA.
Pour illustrer son propos, la FNA prend exemple d’un Renault Kadjar diesel de 115 ch à 135 g/km CO2, selon le cycle WLTP. S’il s’agit d’un véhicule national immatriculé pour la première fois en France à partir du 1er mars 2020, il ne paiera pas de malus, puisque le seuil de déclenchement a été fixé à 138 g/km. En revanche, cette même configuration de véhicule en provenance d'un autre Etat membre de l'UE verra son malus atteindre 3 125 euros. De quoi effectivement donner des sueurs froides aux importateurs qui font du prix attractif leur argument principal. Et le problème ne risque pas d’être résolu de sitôt puisque la mise en place généralisée du système d’e-CoC à travers l’Europe n’est pas prévue avant… 2026.
« Ce serait de la folie »
« Si cela passait tel quel, ce serait de la folie, résume David Rairolles, directeur des activités chez VPN Autos. Le même véhicule, fabriqué au même endroit, commercialisé dans le même territoire, aurait donc une fiscalité différente selon qu'il dispose d’un certificat papier ou électronique…Il est donc légitime que nous agitions le drapeau rouge, le système n’est pas réaliste car anti-concurrentiel. Mais nous avons déjà eu des précédents de ce genre et nous espérons que le gouvernement adaptera le système. »
« D’aucuns vont sans doute penser que nous souhaitons privilégier l’importation, mais ce n’est pas la question, la fiscalité doit être neutre, renchérit Aliou Sow. Nous nous sommes toujours battus sur ces problématiques, comme celle de la fraude à la TVA, afin de créer une filière régulée et saine. »
Une réunion avec les professionnels du secteur, dont des spécialistes de l'approvisionnement, a eu lieu en présence de représentants du gouvernement, dans l'optique de trouver une solution à cet épineux problème. Trois pistes sont envisagées pour pallier cette lacune de gestion des véhicules importés : inciter les constructeurs à déclarer au titre d’un e-Coc leur production destinée à l’Europe, donc, harmoniser avant l’heure la procédure ce certificat électronique. La deuxième option envisagée consisterait à laisser la responsabilité, en toute confiance, aux professionnels, de renseigner le niveau de CO2 des véhicules sur l’interface SIV ou encore, passer par la plateforme ANTS, fournir le Coc papier qui permettra ensuite à l’administration, grâce au niveau de CO2 indiqué, d’établir le niveau de taxation.
Les professionnels et la FNA espèrent une clarification rapide de la situation, en restaurant l’égalité de traitement. Sans quoi, l’organisation professionnelle a fait savoir qu’elle serait contrainte de saisir les autorités nationales, ainsi que les institutions européennes afin de réclamer le respect des principes fondamentaux du droit de la concurrence et de la libre circulation des marchandises.
Grille de taxation des véhicules importés au 1er mars 2020 :