Distribution : Cinq ans de perdus. Deux ans à perdre ?
...intérêt à des changements radicaux… Réflexions.
La Commission européenne a publié, le 28 mai dernier, son rapport d'évaluation sur l'application du règlement 1400/02. Il en ressort, en particulier que l'objectif "Renforcer la concurrence entre les concessionnaires d'une même marque en encourageant la diversité des modes de distribution" n'a pas été atteint. Ce n'est pas une surprise, puisque la concurrence intra marque ne plait ni aux constructeurs, ni aux concessionnaires. Mais est-on bien certains qu'il y a lieu de s'en réjouir ? Le Cecra, par exemple, avec l'esprit de l'escalier qui le caractérise, a l'air de s'en inquiéter (depuis mars dernier seulement !), parce que les conclusions de la Commission semblent conduire à une suppression des règlements d'exemption spécifiques à l'automobile, c'est-à-dire à une intégration du secteur automobile dans le règlement 2790/99, qui concerne la distribution de toutes les autres branches. Pour les concessionnaires, cela pourrait être une catastrophe, bien que le 2790/99 arrive lui aussi à échéance le 31 mai 2010, et puisse donc, dans sa nouvelle version, être édulcoré par rapport à ce qu'on y lit aujourd'hui, notamment en ce qui concerne l'obligation de non-concurrence. Cet aspect étant en réalité le moins inquiétant, nous prendrons un peu de champ, pour aborder le sujet de fond, qui est la sclérose de la distribution automobile.
Ce qui n'a pas marché
Il n'y a pas eu d'ouvertures de nouveaux points de vente de la part des concessionnaires, sinon très marginalement. Et les ventes de marques concurrentes dans le même salon d'exposition n'ont pas décollé. Bref, ni les constructeurs, ni les concessionnaires, n'ont su ou voulu saisir les opportunités qui leur étaient offertes par le règlement 1400/02. Ce constat d'échec, que d'aucuns pourraient considérer comme une victoire, puisque, n'est-ce pas, "l'automobile n'est pas un produit comme les autres", n'est en fait que le symptôme de l'incapacité du secteur à évoluer en matière de distribution. Il n'y a pas eu de nouveaux points de vente pour deux raisons : d'une part, les concessionnaires qui auraient pu les ouvrir ont eu peur de se fâcher avec les constructeurs ; d'autre part, ils se sont heurtés à des critères qualitatifs trop onéreux, contre lesquels ils n'ont d'ailleurs jamais protesté, pour la bonne (?) et simple raison que ces mêmes critères les protégeaient du "free riding" de leurs collègues représentant la même marque. Les mêmes concessionnaires n'ont pas osé, non plus, vendre des marques concurrentes dans le même salon, toujours pour ne fâcher personne, mais aussi parce que le dogme "une marque, un réseau" est encore respecté par toutes les parties prenantes.
Ouvrir le système à de nouveaux entrants
Il reste deux ans pour changer la donne. Il est théoriquement possible, mais très improbable, que les rares concessionnaires effectivement dotés d'esprit d'entreprise puissent à eux seuls faire évoluer le système de distribution vers la diversification. On peut aussi rêver qu'un constructeur ou l'autre relance la concurrence intra-marque et accepte en même temps le défi du multimarquisme. Il est malheureusement vraisemblable que rien de tout cela ne se produise. Or, le paradoxe de la distribution automobile est que tous auraient intérêt à une évolution radicale, mais que tous ou presque agissent en sens inverse. Les constructeurs, par exemple, auraient intérêt à mettre en concurrence plusieurs types d'entreprises de distribution, en laissant le marché sélectionner les plus efficaces. Les concessionnaires, quant à eux, n'ont d'autre choix rationnel que le multimarquisme pour assurer la rentabilité et la pérennité de leurs affaires. Mais ni les uns ni les autres ne bougent. Autrement dit, le système de distribution de l'automobile, constructeurs et concessionnaires confondus, ne génère pas sa propre évolution. Il continuera donc à sévir, en conservant ses caractéristiques antiéconomiques. A moins que l'on n'aille vers une libéralisation totale du marché, en supprimant toute hypothèse de sélectivité qualitative ou quantitative pour l'automobile, ce qui permettrait à de nouveaux entrants d'introduire sur le marché de nouveaux types d'entreprises de distribution. Après tout, s'il existait des consommateurs désireux d'acheter leur prochaine Rolls Royce chez un hard discounter, pourquoi ne devrait-il pas y avoir un hard discounter autorisé à vendre des Rolls Royce ?
Photo : Le dogme "une marque, un réseau" à la peau dure… Du coup, la concurrence intra-marque et le vrai multimarquisme ne décollent pas.
Ernest Ferrari, Consultant
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