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Distribution

Adieu, mon beau critère…

Publié le 5 décembre 2003

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Il est temps que l'industrie automobile choisisse la voie des baisses de prix substantielles et continues. Dans ce schéma, les critères qualitatifs onéreux constituent un handicap pour les distributeurs monomarques. Au chapitre des erreurs commercialement néfastes, on ne...
Il est temps que l'industrie automobile choisisse la voie des baisses de prix substantielles et continues. Dans ce schéma, les critères qualitatifs onéreux constituent un handicap pour les distributeurs monomarques. Au chapitre des erreurs commercialement néfastes, on ne...

...saurait oublier "l'abus caractérisé et répétitif de critères qualitatifs onéreux". Il faut bien reconnaître que la tentation est grande d'oublier toute retenue. Car plusieurs (dé)raisons se conjuguent pour pousser les constructeurs dans ce sens. Tout d'abord, il y a la peur du lendemain, qui conduit à vouloir faire survivre le passé, à tout prix : quelle meilleure défense que des critères qualitatifs dissuasifs pour tout nouvel entrant ? Et puis, il y a la fameuse politique du "brand" qui, défiant la maturité croissante des consommateurs, veut que ceux-ci soient encore hypersensibles à la suridentification des façades, des ateliers, des salons d'exposition, à l'épaisseur des tapis ou à la qualité des meubles de bureau des vendeurs. Il y a enfin, il faut bien le dire, la pression exercée sur les constructeurs par une partie des réseaux en place qui, craignant la concurrence, voudraient bien l'effacer à coups de critères. Où tout cela pourra-t-il conduire le petit monde du commerce et de la réparation automobile ? Pas très loin.

Demande, prix et critères

Il était une fois l'Eldorado ; les crises de la demande étaient passagères, les prix de vente des produits automobiles augmentaient, parfois plus vite que l'inflation… Vint cependant l'an de disgrâce 1993 (1992 pour la Grande-Bretagne) ; afin de contrer la crise, il a fallu stimuler la demande, parfois au moyen de quelques baisses de prix, mais essentiellement par la promotion, par la multiplication des nouveaux modèles, par le renouvellement accéléré des gammes de la part des constructeurs. Aujourd'hui, cette politique promo/produit n'est plus suffisante et la demande en Europe stagne depuis plusieurs années. Pour répondre aux exigences du marché il est temps, à




CURRICULUM VITAE

Ernest Ferrari, consultant

Diplômé d'HEC, Ernest Ferrari débute sa carrière chez Renault en 1970, puis la poursuit dans le groupe Fiat à partir de 1981. Il sera successivement directeur marketing pour l'Italie des marques Fiat et Lancia, directeur du marketing tous pays (1984), directeur des ventes Europe (1986), directeur export monde de Fiat et Lancia (y compris l'Europe), directeur de la division Lancia (1990), directeur des marchés extérieurs (hors Italie) pour les marques Fiat, Lancia et Alfa Romeo (1992), adjoint au directeur commercial.
En 1993, il revient chez Renault. Il y sera directeur Europe du Nord (14 pays), directeur marketing monde (1994 à 1997) puis conseiller du président Louis Schweitzer (1998).
notre avis, que l'industrie automobile choisisse, sans aucune nostalgie, la voie des baisses de prix substantielles et continues qui, seule, est en mesure de soutenir la demande sur la durée. Dans une telle logique, le leader du marché est le constructeur qui fait baisser ses prix (donc ses coûts, notamment ses coûts de distribution ) avant les autres et plus que les autres. On est loin de la tradition ? Certes, mais la tradition appartient au siècle dernier. Si les prix doivent effectivement baisser, les critères qualitatifs retenus par les constructeurs devront, eux aussi, être revus à la baisse, sans trop tarder. Ils le seront de toute façon, grâce au règlement.

Entre la tour de verre de l'un et le parallélépipède monocolore de l'autre

Le règlement a pour objectif la baisse des prix pour les consommateurs. Celle-ci résultera d'un surcroît de concurrence, pour la vente comme pour l'après-vente. Au fil des ans, nous assisterons donc, par l'effet du marché, à une tendance à la baisse des prix réels (après négociation), pour les pièces de rechange comme pour les véhicules neufs, indépendamment des politiques tarifaires des constructeurs et des réseaux. Dans ce scénario, certes inhabituel pour qui a vécu des décennies d'immobilisme commercial, mais inévitable désormais, quel rôle peuvent jouer des critères qualitatifs onéreux ? Ils constituent, a priori, un handicap pour l'ensemble des réseaux de marque, puisqu'ils se traduisent en coûts de distribution (ou réparation) qu'il faut répercuter sur le consommateur. Les indépendants (rechange et réparation) et les intermédiaires du commerce y trouveront de substantiels avantages… ainsi que les revendeurs non autorisés. A l'intérieur des réseaux de marque, on peut d'ores et déjà identifier ceux qui tireront leur épingle du jeu : ce sont les distributeurs ou réparateurs qui pourront répartir les coûts de leurs investissements sur des volumes plus importants et moins aléatoires que la moyenne ; parmi eux, les entreprises multimarques auront un poids relatif en croissance continue, puisque les critères qualitatifs des constructeurs ne sont pas, pour l'essentiel, cumulatifs (dimension des salons d'exposition et des ateliers, personnel d'encadrement, équipement et outillage…). Pour donner leur chance aux entreprises monomarques traditionnelles, mais aussi pour éviter le foisonnement de réseaux incontrôlables, les constructeurs n'ont d'autre voie que de réduire leurs exigences. "Adieu, donc, mon beau critère" ? Il y a des places disponibles au cimetière des illusions, entre la tour de verre de l'un, l'aquarium de l'autre, le parallélépipède monocolore du troisième et bien d'autres monuments de l'intellect.


Ernest Ferrari, consultant





ZOOM

A lire avant de signer !

En modifiant très sensiblement les règles du jeu de la distribution automobile, le nouveau règlement européen entend donner plus de libertés aux concessionnaires et agents. Encore faut-il savoir lesquelles. Après un premier ouvrage critique sur le système de distribution, Ernest Ferrari décortique dans ce deuxième livre, Réglementor, les conséquences concrètes du texte adopté par Bruxelles et qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain. Une lecture fort utile avant de signer les contrats que préparent aujourd'hui les constructeurs.

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