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Constructeurs

Volkswagen : D’une voiture à un empire industriel

Publié le 8 septembre 2006

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Né pour produire la "voiture du peuple", le constructeur allemand est passé d'un modèle à une galaxie de marques rachetées tout au long de son histoire. Devenu aujourd'hui premier groupe automobile européen, il doit son développement à des modèles mythiques et à sa stratégie de croissance...
Né pour produire la "voiture du peuple", le constructeur allemand est passé d'un modèle à une galaxie de marques rachetées tout au long de son histoire. Devenu aujourd'hui premier groupe automobile européen, il doit son développement à des modèles mythiques et à sa stratégie de croissance...

...externe.


L'histoire de la "Volkswagen" est connue. La voiture qui allait donner son nom à la marque est née sous l'impulsion du Chancelier Hitler et sous la conduite de Ferdinand Porsche. Pour concrétiser ce projet, une usine naît près d'un petit village de Basse-Saxe le 1er juillet 1938. Baptisée ville des "KdF-Wagens", elle produit les premiers exemplaires de la "Coccinelle" avant d'être détruite aux deux tiers par les bombardements alliés le 11 avril 1945. Après guerre, la ville est rebaptisée officiellement Wolfsburg et grandit au rythme du miracle économique allemand. Née pour et grâce à Volkswagen, la cité décide de se rebaptiser "Golfsburg" pendant quelques semaines en 2003, à l'occasion de la sortie de la cinquième génération de Golf. Si le groupe Volkswagen a gardé son implantation historique, peu d'éléments de son lourd passé subsistent. La "voiture du peuple", fruit du régime nazi, a même réussi le pari fou de devenir l'un des plus beaux succès commerciaux de l'histoire et l'une des automobiles les plus aimées à travers le monde. Devenu premier constructeur européen, Volkswagen doit sa réussite à ce modèle mais aussi à la Golf et à une politique de croissance externe.

L'envol de la Coccinelle

Dès les années 50, Volkswagen profite de l'impulsion donnée par son sauveur, le major britannique Ivan Hirst, pour développer des filiales à l'étranger. Le 11 septembre 1952, la firme établit à Toronto la "Volkswagen Canada Ltd", sa première filiale, avant de s'installer au Brésil en mars 1953. Déjà présente aux Etats-Unis depuis 1950 par l'entremise de son importateur Max Hoffman, la "Beetle" n'a pas rencontré le succès espéré en atteignant péniblement les 1 139 exemplaires vendus en 1953. Deux ans plus tard, le constructeur décide de reprendre sa distribution en main. En cette même année 1955, la Volkswagen connaît pourtant le succès sur d'autres marchés puisque le millionième exemplaire quitte les chaînes de l'usine de Wolfsburg au mois d'août. Face à cette expansion, le gouvernement allemand décide de privatiser la société en 1960 par la vente de 60 % de ses actions. Pour éviter que le constructeur soit victime d'une OPA, une loi interdit à tout actionnaire de posséder plus de 20 % du capital. C'est le contraire qui va se produire dès le milieu des années soixante avec le début de la politique de rachats entamée par Volkswagen.

Ainsi naquit Audi

Fin décembre 1964, le constructeur de Wolfsburg rachète la majorité des parts de la firme "Auto Union GmbH" à son compatriote Daimler-Benz. Cette société résulte de la fusion en 1932 des marques Audi, DKW, Horch et Wanderer. Basée à Ingolstadt, elle passe totalement sous le contrôle de Volkswagen à la fin de l'année 1966 et lui offre ainsi une ouverture vers le haut de gamme. Le 21 août 1969, la firme NSU, surtout connue pour ses motos et son moteur rotatif, rejoint à son tour Volkswagen. Elle s'intègre dans le pôle Auto Union qui prend le nom de "Audi NSU Auto Union AG". Il faudra attendre 1985 pour que la société prenne le nom de "Audi AG". Dès 1965 pourtant, le nom Audi revient sur le devant de la scène à l'occasion de la présentation de la DKW F 102 équipée d'un quatre cylindres développé sous l'ère Daimler-Benz. Plutôt éloignée des voitures que nous connaissons aujourd'hui, cette première Audi de l'ère Volkswagen symbolise surtout la renaissance de la marque. Le modèle qui va réellement propulser la marque apparaît au mois de novembre 1968 sous la forme de l'Audi 100. Sa conception et son succès commercial serviront de base au développement de la firme aux anneaux. A l'aube des années soixante-dix, le groupe Volkswagen s'apprête lui-même à franchir un palier important. En 1972, la Coccinelle bat le record mondial de production avec 15 007 034 exemplaires fabriqués et dépasse ainsi la Ford T. En 1973 et 1974, deux modèles emblématiques, la Passat et la Golf, commencent une longue carrière. Leur succès commercial prolonge celui de la "Beetle". Dans le même temps, l'expansion du groupe à l'international continue.

Acquérir de nouvelles marques pour pénétrer de nouveaux marchés

En 1982, Volkswagen pose un pied sur le territoire chinois grâce à un accord signé avec la "Shanghai Tractor & Automobile Corporation". Après trois années de négociations, le constructeur allemand fonde un joint-venture baptisé "Shanghai-Volkswagen Automotive Company Ltd" avec son partenaire chinois. A l'affût d'autres opportunités, la firme germanique signe en 1982 un accord technique et financier avec l'Institut National de l'Industrie (INI), propriétaire de Seat. L'objectif consiste à fusionner les deux réseaux de distribution et produire 120 000 voitures allemandes par an dans les usines du constructeur espagnol. Quatre ans plus tard, la firme germanique entre dans le capital de Seat à hauteur de 51 % avant de porter sa participation à 76 % en novembre de la même année. Le groupe donne ainsi naissance à une troisième branche et finit par atteindre 99,99 % des parts de la société ibérique en 1990. L'année suivante, Volkswagen profite de la récente chute du mur de Berlin et de l'ouverture des frontières à l'Est pour conclure un accord de coopération avec le constructeur tchèque Skoda. Trois ans plus tard, le premier projet conçu en commun prend la forme de la Felicia et en 1995, Volkswagen acquiert 70 % du capital de Skoda. Avec quatre marques de véhicules particuliers, le groupe allemand se réorganise sous la direction de Ferdinand Piëch. Chaque marque développe une identité et une image qui doit différencier ses produits malgré leur base commune. Progressivement, plusieurs modèles naissent sur une plate-forme identique. La stratégie mise en place par Volkswagen doit réduire les coûts d'étude, de développement et de fabrication par l'utilisation d'une seule base par segment du marché. A l'occasion de sa réorganisation, le groupe ambitionne également de positionner ses marques selon une nouvelle logique.

Une nouvelle couverture du marché

Pour éviter une concurrence excessive entre les produits de ses différents constructeurs, Volkswagen veut donner une image spécifique à chacun. La marque Volkswagen doit chasser sur les terres de Mercedes alors qu'Audi doit prendre pour cible BMW. Seat doit devenir une sorte d'Alfa-Romeo espagnol et Skoda doit proposer des véhicules à des tarifs particulièrement compétitifs. Dans sa volonté de couvrir tous les segments, Volkswagen veut investir le marché rémunérateur du luxe en poursuivant sa politique de croissance externe. Dans ce but, la firme s'intéresse au groupe Rolls-Royce/Bentley. Après un long conflit avec BMW, les deux marques anglaises sont séparées le 1er janvier 2003. Rolls-Royce tombe sous la coupe de BMW et Volkswagen hérite de Bentley. Entre-temps, le groupe allemand, par l'intermédiaire d'Audi, venait de racheter Lamborghini aux investisseurs malaysiens qui détenaient la marque. La marque née pour produire la "voiture du peuple" détient ainsi deux des constructeurs les plus prestigieux mais cette logique industrielle trouve ses limites avec le rachat de la marque Bugatti en cette même année 1998. Voulue particulièrement par Ferdinand Piëch, cette opération aboutit de longues années plus tard à la présentation d'une voiture de 1 001 chevaux, aux coûts de développements importants. Décalée par rapport à la stratégie du groupe, cette intégration a surtout offert une publicité - pas toujours positive - à Volkswagen. En 2002, la réorganisation du groupe devient effective et Bugatti rejoint Volkswagen, Skoda et Bentley, tandis qu'un second pôle rassemble Audi, Seat et Lamborgini. Entre l'échec commercial de la VW Phaeton et la réussite du tout-terrain Touareg, la marque Volkswagen n'a pas réussi la montée en gamme dont elle rêvait. Cependant, la réussite d'Audi, Bentley et Lamborghini assure une place de choix au groupe dans le secteur du haut de gamme et du luxe, loin de la "KdF-Wagen"…


Frédéric Marty





ZOOM

Ivan Hirst

Major dans le corps des "Royal Electrical and Mechanical Engineers", Ivan Hirst arrive en Allemagne à l'été 1945, lorsque l'armée britannique récupère le contrôle de l'usine Volkswagen de Wolfsburg. Sa hiérarchie lui fixe alors l'objectif de démanteler la ligne de production de celle qui ne s'appelait pas encore Coccinelle, afin de récupérer les machines au titre des réparations. Le matériel est proposé à Morris et Rootes qui refusent car "le véhicule ne possède pas les caractéristiques techniques de base d'une automobile… et commercialiser cette voiture ne serait pas une opération rentable" selon les industriels anglais. Ivan Hirst, lui, est convaincu du potentiel de la Volkswagen. Il répare les dégâts causés par les bombes et remet l'usine en route. Il présente alors un exemplaire de la Volkswagen au quartier général de l'armée britannique qui décide d'en commander 20 000 exemplaires. Dès 1946, 8 000 ouvriers fabriquent 1 000 voitures par mois. L'officier organise un service commercial et réussit à exporter ses premiers modèles aux Pays-Bas dès 1947. A cette époque, le commandement britannique lui demande de trouver un allemand susceptible de prendre les rênes de l'entreprise. Hirst engage alors Heinrich Nordhoff, ancien directeur de production chez Opel, au poste de directeur en janvier 1949. Ivan Hirst quitte Wolfsburg au mois d'août et Volkswagen passe sous l'autorité de l'Etat ouest allemand. L'officier termine sa carrière au sein de l'OCDE en 1975. Jusqu'à sa mort, le 10 mars 2000 à 84 ans, il n'a jamais voulu reconnaître l'importance de son rôle chez Volkswagen.

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