Vincent Cobée, corporate vice-president, program director Nissan Motor Company
Journal de l'Automobile. Pourquoi avoir totalement changé de plate-forme pour les véhicules de cette catégorie ?
Vincent Cobée. Nous devions répondre à des besoins globaux. Ce qui nécessitait une capacité d'adaptation assez forte de la plate-forme. Pour supporter nos ambitions d'expansion géographique, nous devions, en effet, être capables de répondre aux différentes normes de crash ou d'émissions, à la fois japonaises, européennes et américaines. En outre, nous ambitionnions d'avoir un niveau d'émission et de consommation parmi les meilleurs de la catégorie, ce qui nécessitait une réduction de poids par rapport à la génération précédente. Ceci n'a pu se faire que par le développement d'une plate-forme nouvelle, car aucune de celles de l'Alliance ne le permettait.
JA. Renault va-t-il se servir aussi de cette plate-forme et sur quels modèles ?
VC. Cette plate-forme a été développée avec des savoir-faire, des éléments de groupes motopropulseurs provenant de l'Alliance, elle a été industrialisée en Inde en synergie avec Renault, en utilisant des fournisseurs développés par Renault… Il n'y a aucun doute sur le fait que c'est une plate-forme qui a bénéficié des fruits de l'Alliance. A l'évidence, celle-ci va donc être mise à la disposition de Renault. Mais ce n'est pas à moi de parler de leur plan produits. Pour notre part, nous allons décliner trois véhicules sur cette plate-forme, qui, selon les marchés, seront soit des segments B, soit des segments C.
JA. C'est le premier véhicule qui a une vocation mondiale pour Nissan ?
VC. Tout à fait. C'est la première fois que nous développons un véhicule, où, dès le début, avant même de faire le 1er coup de crayon, il y a 160 pays dans le scope. Ce qui me paraît très important, c'est que cela permet une meilleure optimisation du véhicule. Dans le passé -2 générations en arrière-, nous développions soit pour le Japon, soit pour l'Europe. Quand vous vouliez ensuite introduire le modèle dans d'autres marchés, cela avait non seulement un coût important, mais cela alourdissait aussi le véhicule, quant aux modifications à effectuer, sans plus value. Là, d'emblée, nous savions que le véhicule se vendrait en Inde, en Thaïlande, en Chine, en Europe de l'Ouest, en Amérique du Sud et que cette plate-forme pourrait se vendre dans tous les pays du monde. Cela nous a forcés à d'importantes réflexions, mais le niveau d'optimisation est bien meilleur.
JA. Que restera-t-il d'un véhicule basé sur cette plate-forme sur le véhicule suivant ?
VC. Entre la Micra et le véhicule tricorps qui suivra sur cette même plate-forme, 60 % des investissements et de l'outillage sont communs. Tout ce qui est suspensions, compartiment moteur, longerons et structures, système de freinage ou d'alimentation d'essence, colonne de direction, structure de siège, air conditionné… tous ces mécanismes internes sont communs. Cela est aussi vrai, en majorité, pour l'industrialisation. Il y a toutefois deux particularités. D'abord, ce n'est pas parce que c'est la même pièce que c'est le même fournisseur. Puis nous avons également anticipé le fait que les conditions d'usage pouvaient être différentes d'un marché à l'autre.
JA. Peut-on rapprocher cette politique de la stratégie de voiture mondiale de Ford ?
VC. Je crois plutôt à un continuum global régional local qu'à une solution unique avec un même produit pour tous les pays. Mais je ne crois pas non plus à des développements indépendants, région par région. C'est une plate-forme globale, avec des projets régionaux.
JA. Pourquoi ne pas avoir prévu de commercialiser de versions Diesel ? Est-ce un problème de compatibilité avec la plate-forme ?
VC. Pas du tout. C'est un choix. Il ne faut jamais dire jamais, mais pour l'heure, ce n'est pas prévu. Nous n'aurons que des versions essence au lancement. Un bloc 3 cylindres 1,2 l atmosphérique 80 ch, avec des émissions de 115 g de CO2/km, puis une version compressée à injection directe de 98 ch et des émissions 95 g, en 2011. Nous avons une puissance suffisante et un couple acceptable pour le segment, avec un niveau de CO2 qui n'a rien à envier à un moteur Diesel et un niveau de prix plus compétitif. Donc…
D'ailleurs, sur le modèle actuel, le Diesel ne représente que 30 % des ventes en France. Et c'est le niveau maximum que nous connaissons en Europe. Car, en moyenne, nous sommes davantage à 15 %. Par ailleurs, nous avons lancé la Pixo sans motorisation Diesel et ça ne l'a pas empêché d'avoir une vraie réussite.
JA. Pourquoi avoir quitté l'Angleterre pour produire la Micra ?
VC. Premièrement, c'est une démarche industrielle globale. Puis, nous sommes convaincus que nous serons compétitifs en Europe si nous le sommes en Inde. Car pour l'être en Inde, c'est un challenge très élevé. Par contre, être compétitif en Europe n'induit pas automatiquement qu'on le sera en Inde. Donc ce choix industriel était comme un moteur interne de compétitivité globale. Ensuite, il est évident que quand on lance une nouvelle plate-forme, avec un nouveau moteur et une nouvelle boîte de vitesse, cela représente des investissements importants. La façon de délivrer cette valeur à un prix qui reste compétitif passe donc par des effets volume que l'on trouve à deux niveaux. Dans les modèles, d'abord. Nous essayons ainsi de vendre 300 000 unités de chaque modèle par an, que ce soit Micra, tricorps ou compact MPV. Mais aussi au niveau des usines. Là, nous essayons de faire en sorte que chaque site produise au moins 200 000 véhicules par an sur cette plate-forme. Voilà la logique. Or, aujourd'hui, si je voulais produire 200 000 véhicules par an à Sunderland, je n'aurais pas la place, parce qu'on y produit déjà Qashqai et le futur Juke.
JA. Quand et où doit démarrer la production ?
VC. La production de la 1re voiture a eu lieu en Thaïlande début mars. C'est le site pilote en quelque sorte. L'Inde débutera ensuite sa production en mai, la Chine en cours d'année et enfin le Mexique au début 2011. Celles que nous vendrons en France viendront d'Inde.
JA. Quel sera le poids de la logistique dans le prix du véhicule ?
VC. Nous avons investi dans deux bateaux, d'une capacité de 5 000 à 7 000 voitures chacun, pour transporter les véhicules. Car, à titre individuel, si vous vouliez ramener une voiture d'Inde, cela vous coûterait 1 500 ou 2 000 dollars. Au final, la logistique représentera quelques centaines d'euros par véhicule.
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