Surcapacité : la difficile rentrée de Fiat
Fin août, après un mois d’arrêt, les 3 125 ouvriers de l’usine de Pomigliano d’Arco ont repris le travail, emboîtant le pas aux quelque 4 000 employés du site de Cassino et 1 100 opérateurs de l’usine Maserati de Grugliasco. De leur côté, les 5 500 ouvriers de Melfi reprenaient le 2 septembre, une semaine après les autres. La rentrée industrielle de Fiat n’a pourtant rien d’un long fleuve tranquille et le cas de l’usine de Mirafiori se révèle toujours épineux. Les 5 500 ouvriers du site sont toujours au chômage technique, ce qui dure depuis plusieurs mois, mais qui doit, théoriquement, s’arrêter à la fin du mois de septembre.
Report des investissements à Mirafiori
En effet, la direction générale de Fiat avait opté, avec les partenaires sociaux, pour un GIGS, pour “Cassa integrazione straordinaria”, à savoir un dispositif légal de chômage technique à long terme qui permet de faire face aux crises structurelles et d’enclencher un processus de restructuration et de reconversion. Ce système est qualifié “d’amortisseur social majeur pour l’Italie” par Adelheide Hege dans une note intitulée “La crise de Fiat et l’avenir de l’emploi industriel”. Initialement, ce choix avait été entériné afin de mieux préparer le redéploiement de Mirafiori, via un investissement de l’ordre d’un milliard d’euros et l’attribution de la production de deux nouveaux modèles, un SUV de taille moyenne Fiat et un modèle Jeep. Las, les plans ont été modifiés et les deux modèles en question ont in fine été dirigés vers l’usine de Melfi.
Usine fantôme
Actuellement, la situation de Mirafiori est catastrophique et le site symbolise peut-être mieux qu’aucun autre le défi critique des surcapacités de production proposé à l’industrie automobile depuis déjà plusieurs décades en Europe. Un défi que la crise économique ouverte depuis 2008 n’a fait qu’exacerber. En effet, alors que l’usine fait valoir une capacité de production annuelle de 300 000 unités, elle n’a sorti que 11 000 véhicules au premier semestre… Selon Fernandino Uliano, secrétaire national en charge de l’automobile pour la FIM, 2 000 ouvriers travaillent en moyenne trois jours par mois pour assurer la production de l’Alfa Romeo MiTo. Dès lors, le scénario le plus crédible réside dans une nouvelle prolongation du GIGS, pour une durée allant de douze à dix-huit mois, selon plusieurs médias transalpins.
Vers un rapprochement entre les sites de Mirafiori et Grugliasco ?
Cependant, selon Fernandino Uliano, une prolongation du chômage technique sans plan de route industriel strictement défini n’aurait guère de sens : “A la table des négociations, nous mettrons sur le devant de la scène la problématique des investissements. Nous avons déjà perdu un an pour rien et il faut désormais du concret pour garantir l’avenir du site.” Pour l’heure, Sergio Marchionne, le charismatique patron du groupe, n’a pas encore tranché entre les différents scénarios élaborés. Selon plusieurs experts, l’hypothèse d’un rapprochement entre les sites de Mirafiori et Grugliasco, afin de créer un pôle haut de gamme, tiendrait la corde. Mirafiori renforcerait ainsi son plan de charge avec le futur SUV Levante de Maserati et un autre modèle Alfa Romeo. Sergio Marchionne n’a toutefois qu’une marge de manœuvre très réduite. En effet, considérant que les crises européenne et italienne ne sont pas terminées, il doit veiller à juguler les pertes du groupe en Europe. Au premier semestre, la perte opérationnelle a été diminuée de 48 %, mais, revers de la médaille, cette politique induit des coupes franches dans les investissements sur le développement de nouveaux modèles et dans l’outil industriel domestique.
Bras de fer social tripartite
En outre, il convient de ne pas perdre de vue que les dirigeants de Fiat et le gouvernement italien se livrent à un bras de fer sévère sur l’assouplissement du Code du travail et plusieurs contrats de travail négociés par Fiat avec les salariés, la crise sur la tempe, ont été mis en suspens par plusieurs tribunaux italiens. Dans ce contexte, la carte des investissements en Italie, prévus dans le plan “Fabbrica Italia”, constitue un atout maître que Sergio Marchionne n’a pas forcément intérêt à abattre dans l’immédiat. Surtout qu’en plus de Mirafiori, le GIG (système de chômage technique, mais ordinaire cette fois) du site de Cassino arrive à terme à la fin de l’année et que de nouvelles négociations devront donc s’ouvrir…
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