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Constructeurs

Streiff souffle le show et le froid

Publié le 14 septembre 2007

Par Alexandre Guillet
11 min de lecture
Christian Streiff a levé le voile sur les grands axes du plan d'action destiné à remettre PSA sur les rails de la croissance et d'une rentabilité digne de ce nom. Sur un mode résolument énergique et avec de nombreuses balises chiffrées en guise de porte-étendards....

...Toutefois, Cap 2010 et Ambition 2015 recèlent des zones floues, voire une part d'ombre… Décryptage.

Changement de culture

A l'instar de Carlos Ghosn, Christian Streiff opte pour un ton direct et pragmatique. Histoire de bien faire comprendre que PSA n'est pas une institution, mais bel et bien une entreprise… Plus manager que président, il n'hésite d'ailleurs pas à parler de changement de culture : "Comme point de départ à notre plan d'action, nous pouvons nous appuyer sur une forte culture de groupe. Mais cette culture évolue et nous lui implémentons désormais des valeurs comme la vitesse, le résultat et l'efficacité". Un premier sous-entendu peu flatteur pour son prédécesseur qui ne sera pas le dernier. En homme pressé n'ayant pas l'intention de laisser trop longtemps son blackberry en mode silencieux, il assène ensuite que l'objectif 2010 est de retrouver croissance et rentabilité et que l'ambition 2015 est d'être le groupe automobile le plus compétitif d'Europe. "Etant entendu que nous avons aujourd'hui deux activités rentables, Gefco et Banque PSA Finance, et deux activités à redresser, Faurecia et l'Automobile".

Faurecia face au Golgotha

Après le scandale des pots de vin et une perte de 448 millions d'e en 2006, Faurecia est dos au mur. Si Yann Delabrière parvient à conserver la confiance de son patron, il aura la rude mission de conduire le plan de restructuration à son terme. Un effort qui s'accompagne actuellement de nombreuses délocalisations. "D'ici 2010, 45 % des usines devront être situées dans des pays low-cost, contre 32 % aujourd'hui. C'est essentiel pour améliorer notre base industrielle", précise Christian Streiff, qui refuse de donner des chiffres sur l'emploi et sur les licenciements programmés dans les marchés traditionnels. Par ailleurs, s'il souligne que "PSA n'est plus le premier client de Faurecia et que le portefeuille s'ouvre aux marques Premium allemandes (notamment une forte progression avec BMW) et aux marques asiatiques (notamment une forte progression avec Hyundai)", il omet de rappeler que les constructeurs français pèsent toujours près de 40 % dans l'activité de la filiale… Pour sortir du rouge, de toutes les façons pas avant 2009 comme l'avait déjà laissé entendre Yann Delabrière, Christian Streiff affirme que Faurecia n'acceptera aucune entrée de commande en dessous du seuil de 3 % de marge opérationnelle. Plus facile à dire qu'à réaliser quand on prend en compte la puissance de la concurrence, le problème récurrent de l'exécution effective des contrats et les progrès à accomplir en termes de qualité. Sur le front du savoir-faire, Christian Streiff confirme que Faurecia doit rester au sommet "pour les mécanismes de siège, l'échappement et le FAP". A l'horizon 2015, il n'exclut pas des opérations de croissance externe ou des accords d'une autre nature.

Gefco à l'heure de la croissance externe

Avec un chiffre d'affaires en progression régulière depuis 2002 et une marge opérationnelle de 4,7 % en 2006, la filiale dirigée par Yves Fargues peut nourrir de nouvelles ambitions. Sur la base de son excellente couverture européenne, Christian Streiff compte renforcer son expansion géographique en Europe de l'Est et en Russie, tout en élargissant son portefeuille de clients à tous les constructeurs automobiles et à d'autres marchés. En outre, le spécialiste de la logistique doit étoffer son offre de services : "Nous allons développer nos prestations de préparation de véhicules, mais nous avons aussi d'autres projets". Enfin, Christian Streiff affirme clairement que "des opérations de croissance externe sont au programme d'ici 2015".

BPF à la recherche d'un nouveau souffle

Banque PSA Finance a confirmé ses bonnes performances 2006 au premier semestre 2007 (résultat net à + 3,6 % entre le 1er semestre 2007 et le 1er semestre 2006) et s'affirme comme une pièce essentielle du puzzle conçu par Christian Streiff : "C'est un générateur de cash qu'il faut remettre sur les rails d'une croissance significative et l'objectif fixé aux équipes est de faire progresser le nombre de contrats de 20 % dans les trois années à venir sans éroder les niveaux de rentabilité actuels". A propos d'équipe, l'affaire du détournement de fonds d'une salariée de BPF semble avoir au moins servi de prétexte à des ajustements dans l'organigramme de la direction financière du groupe PSA. Au cours des deux derniers mois, Sylvie Rucar, directrice financière, François Schlumberger, trésorier et Valérie Magloire, responsable de la communication financière, ont ainsi quitté le groupe. Comme nous l'évoquions, Yann Delabrière, qui fut aussi directeur financier, pourrait voir son horizon se ternir. Isabel Marey-Semper occupe désormais le poste de directeur financier tout en conservant la responsabilité de la direction de la stratégie. Christian Streiff a fixé à la nouvelle équipe une feuille de route articulée autour de trois axes d'amélioration : mieux profiter des synergies avec Peugeot et Citroën, développer les services associés et passer un nouveau cap à l'international.

Peugeot et Citroën : les travaux d'Hercule

A défaut de réussir à emballer les marchés financiers (le titre était en recul après son annonce), Christian Streiff reprend la méthode de Carlos Ghosn consistant à marteler des chiffres clés : 4 millions de véhicules vendus en 2010, 53 lancements dont 29 en Europe, une marge opérationnelle comprise entre 5,5 et 6 %. Sans délaisser l'entraînant refrain marketing sur le leadership : leadership écologique, leadership européen pour l'innovation, la compétitivité et le réseau. Pour atteindre ces objectifs, Christian Streiff lance plusieurs défis reposant presque essentiellement sur des réductions de coûts, mais aussi sur un plan produits redynamisé.

A la mode "cost-killer"

Prenant en considération le fait que nul ne saurait désormais être crédible sans annoncer un plan de réduction des coûts drastique, Christian Streiff a mis les petits plats dans les grands. Pour augmenter le résultat opérationnel du groupe de 100 % entre 2006 et 2010, la stratégie est la suivante :
- 120 % à cause de l'inflation due à l'augmentation programmée des matières premières, des salaires et aux enjeux environnementaux, mais
+ 50 % grâce au développement commercial, notamment les marges liées à la montée vers le Premium, et surtout + 170 % grâce à la réduction des coûts. Ainsi, les coûts de garantie devront être divisés par deux d'ici 2010. Un challenge bigrement ambitieux qui fait monter la pression sur les équipes en interne, d'autant qu'à l'heure des économies, le recours à un prestataire extérieur spécialisé n'est pas envisagé. "Je ne sais pas comment nous allons faire… Nous avons essayé plusieurs programmes et renforcé notre vigilance et cela ne fonctionne pas. La 207 en est la meilleure illustration…", confie un membre du groupe. "De fait, la réactivité sur les chaînes de production est faible et les véhicules continuent à sortir même lorsqu'un problème de qualité est identifié. En outre, si le réseau Citroën fait figure de bon élève, le réseau Peugeot affiche d'étonnantes largesses…", explique un autre salarié. De surcroît, la volonté de la direction de réduire le délai de développement des modèles de 30 % rend cet objectif encore plus ardu. Christian Streiff veut aussi augmenter la productivité des achats de 4 à 6 % par an, en jouant principalement sur le levier des pays émergents. Par ailleurs, il annonce une réduction des frais fixes de 30 %. "Cette réduction des frais fixes inclut une logique de réduction des effectifs en Europe de l'Ouest. Nous l'avons amorcée dès cette année, sans pour autant briser le ressort de la maison et sans appauvrir notre réservoir de compétences, donc nous continuerons", explique-t-il. A la fin de l'année 2007, 7 ou 8 000 licenciements auront été réalisés, 70 % chez les cols blancs et 30 % chez les cols bleus. Aucun chiffre n'est communiqué pour 2008 et les années suivantes… Enfin, les coûts logistiques devront être réduits de 10 %, soit plus de 100 euros par véhicule, tandis que le programme "Convergence" doit permettre d'améliorer la productivité de l'outil industriel de 20 points. Le "Système de Production PSA" sera déployé : il s'agit d'une reprise du principe de lean engineering, sans nul doute sur le modèle du toyotisme.

Une autre idée du low-cost

Après la réduction des coûts, Christian Streiff mise donc aussi sur un vaste plan produits. Pour l'Europe, 29 lancements sont ainsi prévus d'ici 2010 (voir tableau), contre 22 entre 2003 et 2006, en aimable référence à son prédécesseur. 29 lancements, dont cinq nouveaux concepts. "Cinq nouveaux concepts pour le groupe, mais déjà existant sur le marché", tempère toutefois Christian Streiff. Ce plan produits prévoit aussi une différenciation accrue entre les deux marques : "Nous avons la chance d'avoir des clientèles différentes, à nous d'en tirer profit. Peugeot rassure quand Citroën surprend". A ce niveau, on peut faire confiance au jeune et talentueux duo Ploué/Gallix pour faire du bon travail. "En 2010, l'âge moyen de la gamme sera de 3,2 ans, contre 4,6 ans en 2006. Il s'agit d'un élément déterminant pour soutenir nos impératifs de volume et de rentabilité", ajoute Christian Streiff (toujours en hommage à son prédécesseur ?). Du côté des segments privilégiés, PSA va consolider son influence sur le VUL (6 lancements), afin aussi de développer sa clientèle "Entreprises". Sur la question névralgique du haut de gamme, PSA n'entend pas jouer dans la cour des grands, mais revendique un statut de "généraliste qui sait regarder vers le haut". C'est ce que Christian Streiff appelle le Premium compétitif, applicable à tous les segments, sans donner plus de précisions. Dès lors, difficile d'y voir clair, dans la mesure où des séries haut de gamme ou sportives existent déjà. Par ailleurs, face à l'enjeu du low-cost, PSA renonce au modèle Logan pour adapter son entrée de gamme à chaque marché. "Il n'existe pas un marché mondial de la voiture, il faut se spécialiser par plaques géographiques et par niveaux de gammes", estime Christian Streiff, avant d'ajouter : "Nous n'avons pas de projet de véhicule low-cost pour la Russie et au Brésil, nous allons nous positionner sur le B-Popular, c'est-à-dire en dessous de 10 000 r plutôt qu'en dessous de 7 000 r. En revanche, pour la Chine, le low-cost à moins de 7 000 r représente 1/3 du marché et deux projets dans ce sens sont donc à l'étude". A priori, ces modèles ne seraient pas destinés à l'Europe de l'Ouest. Le plan produits de PSA s'accompagne d'une refonte de sa distribution, principalement des sites que le groupe détient en propre en Europe. "Ils doivent devenir des centres de profit", tranche Christian Streiff. Des centres d'excellence seront aussi mis en place, ainsi que des espaces dédiés aux VUL et au Premium.

Cap à l'international

Considérant que l'Europe de l'Ouest a un potentiel de croissance limité, PSA mise beaucoup sur son expansion mondiale. 12 nouveaux modèles seront commercialisés dans le Mercosur, marché historique du groupe qui compte y atteindre le cap des 400 000 ventes en 2015. 12 nouveaux modèles sont aussi programmés pour la Chine où deux nouvelles implantations sont à l'étude (sur la côte est via Dongfeng et peut-être au sud avec Hafei). "Nous sommes rentables en Chine, mais nous ne sommes pas au diapason de la croissance du marché. Notamment Citroën", indique Christian Streiff en fixant un objectif d'un million de ventes annuelles pour 2015. En Russie, PSA va donc privilégier le cœur de gamme et mise sur 100 000 ventes en 2010, puis sur 300 000. En revanche, le groupe prend du retard en Inde et en reste toujours au stade de l'étude stratégique.

C'est si bio !

Dernier exercice obligé de tout plan d'action contemporain, le discours relatif au leadership environnemental. Après avoir réaffirmé l'attachement du groupe aux valeurs du Diesel et du FAP, Christian Streiff a dévoilé un rétro-planning pour les technologies hybrides : le micro-hybride, avec un million de Stop&Start en 2011, le mild-hybride sur le segment M2 en 2010, et enfin le full-hybride via la solution HDI en 2010. Par ailleurs, le bio-diesel et le bioéthanol seront exploités au gré des demandes spécifiques de chaque marché. Tout en saluant cette démarche globale, Christian Streiff a fustigé les exigences de la Commission européenne et notamment le seuil des 130 g de CO2/km pour 2012 : "Par la voix de l'ACEA, nous demandons des objectifs réalistes et une juste reconnaissance des efforts colossaux que tous les constructeurs déploient. Comment l'Europe peut-elle risquer d'affaiblir son industrie automobile au profit de la concurrence japonaise et américaine ?" Enfin, pour conclure en revenant sur le thème du changement de culture, Christian Streiff a affirmé que le groupe serait plus actif sur le front de la R&D et qu'il saurait mieux accompagner et valoriser ses innovations : "Avant, on raisonnait en investissements et comme ce sont des dépenses, parfois on ne faisait pas les choses. Désormais, nous raisonnons en retour sur capitaux employés". Un dernier hommage à Jean-Martin Folz sans doute. 

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