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Constructeurs

“Sans abus, de bonne foi et en respectant un préavis”

Publié le 12 mai 2006

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Le monde dans lequel nous vivons est le théâtre de changements perpétuels : dans un tel contexte, l'immobilité est suicidaire. Les critères qualitatifs de sélection n'échappent pas à cette règle. Les constructeurs doivent pouvoir les faire évoluer facilement, en respectant toutefois certaines...
Le monde dans lequel nous vivons est le théâtre de changements perpétuels : dans un tel contexte, l'immobilité est suicidaire. Les critères qualitatifs de sélection n'échappent pas à cette règle. Les constructeurs doivent pouvoir les faire évoluer facilement, en respectant toutefois certaines...

...règles…


Le droit de la concurrence ne comprend aucune restriction à l'évolution des critères de sélection. Par essence, il a pour objet de favoriser le dynamisme du jeu concurrentiel et non d'encourager l'immobilisme des structures de production ou de commercialisation. […]
La Commission a été interrogée de façon très précise par l'Association des concessionnaires Citroën européens en septembre 2002 sur la question de savoir "si les constructeurs pouvaient modifier les critères de sélection en cours de déroulement de validité des contrats, et si oui, selon quelle procédure". Elle a indiqué très clairement que "cette question ne relève pas du droit de la concurrence, mais du droit des contrats. Dans le cadre du règlement, rien ne s'oppose donc à ce que le constructeur fixe ces critères et en change si le besoin s'en fait sentir… le constructeur détermine librement les critères qualitatifs et quantitatifs et les modifie de manière générale si nécessaire". La position de la Commission paraît parfaitement fondée au regard des règles de concurrence. Les réseaux doivent évoluer pour demeurer efficaces : les critères de sélection peuvent être modifiés. Cependant, cette possibilité de modification et surtout ses modalités doivent tenir compte du droit national des contrats.

Un fournisseur peut fixer le prix de vente à ses distributeurs sans encourir la nullité du contrat

La faculté de modification des termes d'un contrat a fait l'objet d'intenses débats. […]
La consécration par la Cour de cassation depuis 1995 de la faculté du fournisseur de fixer le prix de vente des produits contractuels à ses distributeurs sans encourir la nullité du contrat pour indétermination du prix constitue un pas vers la reconnaissance en droit français de la théorie du contrat relationnel ou "incomplet". Quatre arrêts de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 1er décembre 1995, ont décidé que l'absence de détermination du prix dans les contrats n'affectait plus leur validité, mais ne donnait lieu qu'à un contrôle de l'abus dans la fixation des prix. La faculté d'adaptation de certaines conditions de vente par le fournisseur se justifie, pour de nombreuses raisons, dès lors qu'elle est encadrée : dans une relation de long terme, les conditions de vente ne peuvent pas rester figées ; le fournisseur, directement impliqué dans la relation, est bien entendu mieux placé que le juge, pour procéder aux adaptations nécessaires ; la préservation de ses propres intérêts lui commande de procéder à de telles évolutions nécessaires de façon raisonnable, de manière à préserver l'activité de son réseau et partant, sa propre activité ; enfin, nul autre que la tête de réseau ne pourrait faire évoluer les critères de façon non discriminatoire par rapport à l'ensemble de ses distributeurs. Le droit positif n'a pas encore pris position de façon nette s'agissant des critères de sélection. Quatre solutions au moins sont envisageables en théorie en vue de modifier les critères de sélection qualitatifs dans un réseau.

L'évolution des critères de sélection peut se faire selon différentes modalités


- La modification des critères par le biais d'une réorganisation du réseau



Tous les contrats de distribution et de réparation automobile comportent une clause de résiliation avec préavis d'un an pour nécessité de réorganisation du réseau. Dès lors que la modification des critères de sélection s'avère nécessaire pour la distribution ou la réparation des produits, la résiliation pour réorganisation peut apparaître comme un moyen de mettre en œuvre les nouveaux critères. Cependant cette méthode est très lourde et peut être déstabilisatrice pour le réseau. Elle semble donc devoir être déconseillée.



- La modification des critères par le biais de la fixation des conditions de vente, à l'instar des prix



Dès lors que la jurisprudence reconnaît le droit du fournisseur de fixer et de modifier unilatéralement les prix de vente à son réseau (cf. Assemblée plénière, 1er décembre 1995), d'aucuns considèrent qu'il est également possible de modifier les critères de sélection, sous réserve que le contrat précise que les critères sont déterminés par le fournisseur et que cette modification soit effectuée conformément à la jurisprudence en matière de prix, sans abus, de bonne foi et en respectant un préavis suffisant. Cette option présente cependant un certain risque juridique.



- La modification des critères par le biais de la négociation collective



Lorsqu'elle veut faire évoluer les critères, la tête de réseau aura le plus souvent comme premier réflexe de négocier avec le groupement des distributeurs ou des réparateurs de son réseau, ou avec son groupement d'agents. Lorsque la nécessité de faire évoluer les critères est établie et les délais de mise en œuvre négociés, l'application des nouveaux critères par voie d'avenants ne donne généralement pas lieu à contestation. Cependant, cette solution n'est pas toujours praticable, notamment en l'absence de groupement.



- La modification des critères par application d'une clause contractuelle d'évolution convenue par avance entre les parties



Cette dernière solution consiste à prévoir contractuellement la faculté et les conditions d'évolution des critères de sélection. Une telle clause se justifie dans la mesure où les parties peuvent convenir elles-mêmes par avance de l'évolution de leur contrat par des clauses d'adaptation. Elle est opportune du point de vue de l'analyse économique car elle limite les coûts de transaction. On peut convenir par exemple que le constructeur ou l'importateur pourra faire évoluer les normes de distribution, compte tenu notamment de l'évolution des produits et des services contractuels, de leur technique de commercialisation, de l'évolution des marchés ainsi que des attentes de la clientèle, après en avoir préalablement informé le membre du réseau. Ou encore que le concédant pourra faire évoluer les critères dans les mêmes conditions après consultation du groupement des concessionnaires, et sous réserve d'informer le distributeur au moins six mois avant l'application des nouveaux critères. Nous ne pouvons que recommander l'insertion de ce type de clauses d'évolution dans les contrats qui doivent être mises en œuvre en coopération avec le réseau et ses institutions représentatives.


Par Louis et Joseph Vogel


Pour aller plus loin, lire "Droit de la distribution automobile II, Bilan du règlement n°1400/2002" aux Editions Lawlex 2006.

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