Renault présente des résultats en trompe l’œil
"Par rapport au Contrat 2009, on peut dire que l'engagement de croissance des ventes et l'objectif d'amélioration de la marge opérationnelle sont caducs", concède d'emblée Carlos Ghosn, président de Renault. Passant volontiers sous silence la notion d'échec, Carlos Ghosn retrouve un style direct et incisif qu'on ne lui connaissait plus et souligne que ces ambitions sont simplement reportées, tout en indiquant que d'autres missions du Contrat sont remplies : "Les progrès sur la qualité sont manifestes, comme en témoignent les produits et la baisse de 500 millions d'e des dépenses de garantie ces deux dernières années. En outre, nous avons diversifié nos sources de profit, en faisant passer nos ventes hors d'Europe de 27 à 37 % de 2005 à 2008 et en rompant notre dépendance à Mégane grâce à Logan et au VU". En fait, l'année 2008 a sonné le glas du Contrat 2009, principalement à cause d'un très mauvais second semestre placé sous l'influence de la crise mondiale. Ainsi, le chiffre d'affaires du groupe s'établit à 37 791 millions d'e, en baisse de 7 % par rapport à 2007. A y regarder de plus près, on constate qu'il a augmenté de 2,3 % au 1er semestre avant de s'éroder de 2,2 % au 3e trimestre puis de s'effondrer de 28,7 % au dernier trimestre. Même constat au niveau de la marge opérationnelle : les 865 millions d'e du 1er semestre ont fondu comme neige au soleil pour finir à 212 millions en fin d'exercice, soit 0,6 % du chiffre d'affaires.
ZOOMGrosses Incertitudes en Inde C'est le premier grain de sable significatif dans la success-story Logan. Le modèle subit un échec commercial en Inde où il s'est vendu à 20 000 exemplaires en 2008, contre un objectif initial de 50 000. Pire, après un lancement plutôt dynamique, les ventes ont sombré (1 000 unités en octobre 2008 par exemple). Produite à Nashik, la Logan peine à séduire les clients face à une concurrence très agressive, notamment GM et Hyundai. Le lancement de la Logan MCV a d'ailleurs été reporté sine die. Peut-être à cause de la commercialisation vraisemblablement non concertée de la Xylo de… Mahindra & Mahindra. Cela nous renvoie à l'épisode du site de Chennai. Représentant un investissement de 870 millions d'e, l'usine devait être opérationnelle mi-2010 pour atteindre une capacité de production annuelle de 400 000 véhicules en 2015. Mais début 2008, Mahindra s'est retirée du projet faisant ainsi faux bond à Renault et Nissan. Carlos Ghosn vient donc d'annoncer le gel du projet, voire sa remise en question. Renault semble désormais privilégier son accord avec Bajaj. |
Entre 2007 et fin 2009, le groupe aura sabré 15 % de son budget R&D…
Par conséquent, le plan de rigueur initié en 2008 sera maintenu et même intensifié cette année. Si le groupe refuse de donner le moindre objectif chiffré pour 2009, Carlos Ghosn martèle que l'ambition critique est de revenir à un free cash flow positif fin décembre. L'effort sur la réduction des stocks, retombés à 5,3 milliards d'e fin 2008, sera renforcé pour atteindre environ 4 milliards en fin d'année, Patrick Pélata, directeur général délégué aux opérations, glissant que cela "aura clairement un impact sur le réseau et qu'il faut envisager de changer les façons de travailler"… Parallèlement au plan de réduction des effectifs, la masse salariale sera réduite, au même titre que les frais de fonctionnement, les frais de déplacement devant notamment diminuer de 70 % en 2009 ! Par ailleurs, l'optimisation du recouvrement des créances clients doit permettre de générer un gain de 200 millions, tandis qu'un vaste audit des actifs immobiliers du groupe est en cours, n'excluant pas des cessions en Ile-de-France notamment. En outre, le programme d'investissements est revu à la baisse entraînant le gel du projet d'usine à Chennai (voir encadré) et le report de l'ouverture du site de Tanger. Enfin, et c'est peut-être le plus inquiétant même si personne ne semble s'en émouvoir, Renault continue de réduire ses investissements en R&D. Entre 2007 et fin 2009, le groupe aura sabré 15 % de son budget R&D… Au final, Renault ne distribuera pas de dividendes à ses actionnaires cette année (ce qui n'est guère engageant car l'action a peu de chance d'être valorisée en 2009 tant elle est privée des ressorts traditionnels de rebond) et Carlos Ghosn répète à l'envi que vu l'absence de visibilité, il s'agit avant tout, à court terme, de traverser la crise. A moyen terme, tablant sur un prix durablement élevé du pétrole et sur un renforcement des législations relatives à l'environnement, il mise sur l'attrait de la gamme Entry et le développement du véhicule électrique. "Nous devrons aussi conquérir les pays émergents par le biais de Logan et de la solution ultra low-cost que nous préparons avec Bajaj", souligne-t-il encore afin d'indiquer que le groupe prépare aussi la sortie de crise.
Photo : Patrick Pélata.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.