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Constructeurs

Renault : apporter la preuve que les véhicules autonomes peuvent être mis entre toutes les mains en 2020

Publié le 3 mai 2017

Par Gredy Raffin
5 min de lecture
Renault a donné l'opportunité à quelques journalistes de monter à bord de l'Espace transformé, utilisé comme laboratoire de recherche sur l'automatisation de la conduite, le 27 avril dernier. Un parcours d'une vingtaine de kilomètres en région parisienne, achevé par un entretien avec Laurent Taupin, l'ingénieur en chef du programme véhicule autonome de la marque au losange.

 

JA. La première question sera simple : pourquoi avoir décidé, en ce mois d'avril, de convier la presse à des essais sur route ouverte ?

 

LT. Nous sommes à une charnière importante de notre développement. Avec cet exemplaire et les quelques autres en circulation en France et en Allemagne, nous avons prouvé que notre vision de la conduite autonome est un objectif atteignable. Nous voulons permettre à Monsieur Tout-le-monde de pouvoir s'asseoir derrière le volant de véhicules comme celui-ci, dès 2020. Une ambition pareille se travaille en étape. La prochaine étape consistera à apporter la preuve formelle que ces voitures peuvent être mises entre toutes les mains, à cette échéance.

 

JA. Par quoi passe cette phase de validation à venir ?

 

LT. Nous devons produire une flotte de quelques dizaines d'unités et les conduire en situation de délégation pendant des millions de kilomètres pour nous assurer de rencontrer et de maîtriser toutes les problématiques imaginables. Il faut parvenir à un niveau de fiabilité maximum et ramener le taux de défaillance au plus proche de zéro. Et même des millions de kilomètres, cela restera insuffisant, en réalité il faut dépasser les milliards. Il y aura donc une part de roulage physique et une part de roulage virtuelle, durant laquelle on exposera les systèmes à des circonstances enregistrées sur la route réelle, afin de leur enseigner les bonnes réactions.

 

JA. Dans ce registre, quels sont les défis encore complexes à relever ?

 

LT. Les conditions météorologiques. A titre d'exemple, vous avez essayé aujourd'hui le véhicule par un temps ensoleillé, ce qui est toujours compliqué à gérer pour les caméras. Un temps gris nuance moins les contrastes, en comparaison. Notre mission est d'établir une combinaison de capteurs en fonction des situations, sinon à fixer la limite critique au-delà de laquelle la voiture ne proposera pas la délégation de conduite.

 

JA. Comment se déroulera cette mise en main, à horizon 2020 ?

 

LT. Ces détails sont en cours de préparation. Nous communiquerons prochainement les critères d'éligibilité et de régionalité. Néanmoins, nous pouvons d'ores et déjà affirmer que ces véhicules ne seront pas vendus, par respect de la réglementation, qui n'aura probablement pas évolué d'ici 2020. Ce seront des voitures prêtées ou louées, officiellement dans le cadre d'une expérimentation.

 

JA. Sur les niveaux de délégation, vous avez annoncé du "hands-off" et "eyes-off" en 2025, est-ce toujours votre calendrier ?

 

LT. Nous espérons anticiper la production de masse et ce test grandeur nature, en 2020, correspondra à une pré-série, en un sens.

 

JA. Le prix conditionnera l'acception, entre autres critères sensibles. Où en êtes-vous de la course à la réduction des coûts ?

 

LT. On ne prend pas les choses de façon séquentielle. On s'emploie chaque jour à se projeter sur la finalité du projet, et donc à imaginer comment réduire l'impact de la technologie sur le montant du véhicule. Prenons le cas du Lidar. De manière régulière, nous observons des changements sur cet équipement, chez les équipementiers. En en plus de cela, des start-up du monde entier viennent proposer tous les jours des solutions à des prix plus acceptables, fiables car n'utilisant que des pièces fixes et affichant de très bonnes performances en termes de résolution d'image, mais qui, en revanche auront besoin de temps pour atteindre des volumes de grande série. C'est là toute la puissance d'un groupe comme Renault-Nissan qui dispose des conditions pour accompagner une montée en cadence qui génère des économies d'échelle, et donc une mise à la route crédible de véhicules dans un délai pas si lointain.

 

JA. La robotisation touche les autres industries, comment collaborez-vous avec elles ?

 

LT. C'est une question passionnante, car au cœur de la révolution à venir. Nous échangeons avec des industries qui ont eu avant nous les mêmes problématiques, dont celles du ferroviaire, de l'aéronautique, du spatial et occasionnellement du monde militaire. Nous avons besoin de véhicules blindés sur le plan de la sécurité. A l'autre bout, nous avons beaucoup de croisements de culture technique avec des fournisseurs de solutions, comme l'intelligence artificielle, l'optronique (des équipements ou des systèmes utilisant à la fois l'optique et l'électronique, NDLR), les puces et ordinateurs de nouvelle génération ou encore de traitement informatique de grande puissance. Le tout à des hauts niveaux de fiabilité et de miniaturisation, pour être intégré dans une petite boîte à loger. Et pour ce faire, nous n'avons que trois ans, soit un délai très court, d'où l'importance d'être extrêmement bien représentés dans les écosystèmes et de signer des bons partenariats, comme ceux en cours de négociation.

 

JA. Parlant de sécurité, quelles sont les dernières pistes de recherche engagées ?

 

LT. Nous collaborons avec les meilleurs experts mondiaux pour sécuriser au maximum, mais il est clair qu'il n'existe pas de sécurité permanente. La stratégie de la ligne Maginot a ses limites, il faut une guerre de mouvement et ajuster les systèmes en permanence. La cyber sécurité impliquera des mises à jour constantes qui iront plus vite que les pirates.

 

JA. Quand arrivera la phase d'intégration à la gamme Renault, quels seront les arbitrages ?

 

LT. Il n'y a pas de restriction, la technologie s'adresse à tous nos produits, dont les VUL. Il y a un intérêt évident sur les routières, mais également sur les plus petits modèles, car en zone périurbaine, il sera possible de gagner du temps de productivité dans les embouteillages. Rappelons que notre partenariat avec Transdev nous engage dans un programme d'automatisation de niveau 5 de Renault Zoé, en vue d'un autre cas d'usage, en zone fermée.

 

JA. Quel impact envisagez-vous sur l'appareil industriel, quand il faut s'assurer du calibrage de chaque capteur ?

 

LT. Effectivement, il s'agit d'un vrai sujet auquel on ajoute la réparabilité et le calibrage en après-vente, à la suite d'un accident. Cela fait partie de tous les challenges qui se présentent à nous.

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