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Constructeurs

Qui veut acheter une citadine à 4 000 euros ?

Publié le 14 octobre 2005

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Logan a permis à une catégorie de population d'accéder au véhicule neuf. Le lancement d'une citadine à 4 000 euros pourrait avoir des conséquences beaucoup plus graves sur le marché de l'occasion, tant la clientèle VO sur ce segment est concentrée. Une telle offre pourrait également permettre...

...à un constructeur d'entrer par la petite porte chez les clients aisés. Une étude menée par Acxiom pour le Journal de l'Automobile.


"Nous ne connaissions pas cette clientèle qui, pour la première fois, s'est autorisée l'achat d'un véhicule neuf. Elle a souvent un VO à reprendre". Cette clientèle qu'évoquait Jacques Chauvet, directeur du commerce France Renault, c'est celle de Logan. Une clientèle VN en effet totalement nouvelle puisque, avant Logan, le seul choix possible pour acquérir un véhicule du segment M1 à 7 500 euros, c'était de se tourner vers le marché de l'occasion de deux ou trois ans. Partant de ce principe, la société Acxiom, spécialiste du marketing direct (lire encadré) a utilisé sa base de données pour décrire l'acheteur Logan, c'est-à-dire les foyers possédant une berline compacte d'occasion (type Peugeot 306) achetée entre 7 500 et 10 000 euros.
"Ce qui saute aux yeux, remarque François Cordel, directeur du développement nouveaux produits, c'est l'extrême différence de profil entre ces foyers et les acheteurs traditionnels de véhicule neuf du M1". En effet, les premiers sont à 75 % des familles, dont le chef de ménage a entre 35 et 50 ans, quand les autres sont à 70 % des retraités. Par ailleurs, la moitié des acheteurs Logan ont un revenu inférieur à 1 700 euros mensuels, quand la moitié des acheteurs du M1 gagnent plus de 3 000 euros, le reste étant commun. Pour autant, ces acheteurs de VO du M1 ne sont pas de si mauvais clients pour le service après-vente des concessionnaires : même s'ils ne sont que 31 % à posséder un véhicule de moins de 5 ans, ils sont 40 % à réaliser l'entretien en concession, contre 59 % pour les propriétaires d'un VN du M1 (âgé de moins de 5 ans dans 45 % des cas). En offrant une garantie de trois ans sur Logan, Renault va fidéliser sa nouvelle clientèle Logan et, peut-être, parvenir à lui vendre un modèle plus haut de gamme dans quelques années. Pour finir sur ce thème, un conseil marketing de François Cordel : "Si vous souhaitez communiquer auprès des acheteurs de Logan, sachez qu'ils écoutent en majorité des radios musicales, alors que les propriétaires de VN du M1 sont branchés sur les radios généralistes ou thématiques".





FOCUS

Acxiom, c'est 6 millions d'adresses qualifiées

Acxiom est née de la fusion de Claritas et de Consodata, et accessoirement de leur mégabase. Employant 170 personnes pour un chiffre d'affaires de 34 millions d'euros, ce spécialiste du marketing direct et du géomarketing dispose de 6 millions d'adresses qualifiés, sur plus de 600 critères de consommation, et de la segmentation "Personicx" permettant de classer les 24 millions de foyers français au sein de 32 familles en fonction de leur capacité à consommer (définie par leur âge, leur revenu et leur profession), leurs grands choix de vie (célibataire ou marié, avec ou sans enfants, propriétaire ou non, en appartement ou en maison individuelle…) et leur exposition à la consommation (centre ville, périphérie de ville, milieu rural…).

Les achats de 60 % des citadines d'occasion en véhicule principal sont concentrés sur 18 % des foyers français.

Logan est une première, dont le succès en France, ne l'oublions pas, est lié à l'image Renault et à son réseau de vente et d'après-vente. Comment nos familles françaises auraient-elles accueilli ce véhicule qui n'a obtenu que trois étoiles au crash test, s'il avait été coréen ou chinois ? Nul ne le sait. C'est donc très théoriquement que nous avons demandé à Acxiom d'imaginer l'arrivée sur le marché d'une citadine à 4 000 euros. Sur le même principe que pour l'analyse de la clientèle Logan, Acxiom a pris pour cible les acheteurs de véhicule d'occasion du segment A entre 4 000 et 5 000 euros. "Cette fois, nous avons distingué les populations l'utilisant en véhicule principal et celles qui l'utilisent en véhicule secondaire", précise utilement François Cordel, car les deux populations sont très différentes. La première est très concentrée : "18 % des foyers français, réunis dans 5 familles comportementales, représentent 60 % des achats". Il s'agit très majoritairement de personnes seules ou de couples sans enfant qui n'ont pas aujourd'hui les moyens ou la nécessité d'avoir un véhicule de taille et de puissance plus importante. C'est un vivier d'acheteur VN potentiel pour une citadine à 4 000 euros. Une telle offre constituerait un risque majeur pour le marché VO.
Citons, les "justes mariés" (903 000 foyers), jeunes couples des zones rurales (3,8 % des foyers français), employés pour la moitié d'entre eux. "Ils sont capables de dépenses importantes dès lors qu'ils y voient un instrument d'évolution sociale, à travers leur véhicule, par exemple", souligne François Cordel. Ainsi, s'ils partent en vacances en camping (40 %) ils sont tout de même un quart d'entre eux à posséder un ensemble Home Cinéma. Les marques Seat et Fiat, tous segments confondus, sont surreprésentées dans cette population.
Les deux autres catégories sont plus intéressantes. "Ces foyers doivent aujourd'hui se contenter d'un petit véhicule pas cher mais ce sont les futurs cadres de demain, les futurs foyers à gros budget auto", explique François Cordel. Ce sont les "City Campus" et les "City Couples".
Les premiers (691 000 foyers) sont de jeunes urbains avec de faibles revenus (moins de 600 euros pour 40 % d'entre eux), à 30 % des étudiants. Ils fréquentent trois fois plus les centres-autos que la moyenne et ont recours au crédit pour leur achat automobile dans 70 % des cas. Leur équipement de base est le portable, l'ordinateur et Internet
", décrit François Cordel. Chez les City Campus, les marques de voitures surreprésentées sont Skoda, Seat ou Fiat.
A une étape de développement plus avancée, les "City Couples" (698 000 foyers), jeunes couples des grandes villes et des zones périurbaines de formation supérieure, sont aujourd'hui très investis dans leur vie professionnelle et veulent rapidement fonder une famille. Plus aisés que les deux familles précédentes, ils s'autorisent parfois l'achat d'une Volkswagen mais Seat et Fiat sont toujours très présents. Ces deux marques risquent décidément de souffrir à l'arrivée d'une petite à 4 000 euros.

Entrer chez les riches par la petite porte, une gageure 

Le profil des acheteurs de citadines d'occasion à 4 000 euros en second véhicule est beaucoup plus diversifié. "La contrainte financière reste le principal critère explicatif. Cependant, on trouve également des clients chez les acheteurs de VN en véhicule principal", constate François Cordel. En effet, trois catégories de foyers, dont le revenu net dépasse les 5 000 euros, font le choix du VO en second véhicule :
Les "Golden Family" (282 000 foyers) n'ont rien à voir avec les beaufs de l'émission "Une famille en or". Ils sont très famille, avec ses valeurs assez classiques, partent au ski avec leurs enfants de 6 à 10 ans. Leurs arbitrages de consommation reposent sur des préférences de marque et d'image. Leurs voitures principales ? Une Volvo, une BMW, une Toyota ou un Renault Espace.
Les "Masters" (416 000 foyers) ont vieilli. Ils ont entre 50 et 64 ans, ils voient leur rôle éducatif s'estomper, se sentent un peu pris au piège de l'entretien de leur maison, voudraient avoir plus de temps pour faire des sorties culturelles et voyager. Les monospaces familiaux, c'est fini pour eux, place à BMW, Audi et Mercedes.
Enfin, dernière catégorie, les "Very Important Papy" (305 000 foyers), retraités aisés en couple, ils possèdent une résidence secondaire, aiment la musique classique, le golf, font des voyages à l'étranger, des dons aux associations caritatives. Ils ont tendance à afficher clairement leur réussite sociale et sont fidèles aux marques. Ils roulent en Mercedes, en Peugeot ou en Citroën. 107 et C1, en tant que deuxième voiture, ont déjà trouvé leur cible, semble-t-il…
S'il est logique de descendre en gamme, en faisant bénéficier un petit véhicule de l'image de ses hauts de gamme, l'inverse est-il possible ? Une offre de citadine à 4 000 euros peut-elle représenter pour un constructeur un point d'entrée, une sorte de cheval de Troie dans ces populations aisées pour faire connaître sa marque, fidéliser les clients et lui vendre ensuite le véhicule principal du foyer ? Une gageure semble-t-il, d'autant, conclut François Cordel, que "la citadine neuve à 4 000 euros devra proposer un niveau de fiabilité, de sécurité et d'image de marque plus attrayant que celui d'autres modèles en VO".


Xavier Champagne

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