Quand une marque vaut mieux que trois…
...ses ventes ?
L'année du bac, notre professeur de mathématiques (Longwy, Meurthe et Moselle, 1964) avait écrit au tableau "une bonne question vaut mieux que trois mauvaises". Il voulait dire "une bonne réponse", bien entendu : il arrive que la sagesse passe avant le vocabulaire, en Lorraine comme ailleurs. Et la sagesse dit que l'efficacité n'a rien à voir avec la précipitation ou, pire, l'improvisation. Ainsi en est-il aujourd'hui (Europe, 2006) dans l'automobile comme en mathématiques. Par exemple, le multimarquisme n'est pas une panacée. C'est la meilleure opportunité pour les vrais entrepreneurs de la distribution, mais ceux qui ont tenté l'expérience n'ont pas toujours obtenu le succès qu'ils escomptaient, faute d'avoir fait des choix judicieux. Le pragmatisme doit prévaloir, comme toujours. Mais certaines hypothèses, a priori condamnées à l'échec, peuvent être écartées d'emblée par la plupart des distributeurs, précisément au moment où le multimarquisme va décoller. Alors, une bonne marque vaut mieux que trois mauvaises ? Il y a de cela. Merci, monsieur le professeur…
Un boulet à chaque pied pour courir plus vite ?
Il y a encore, sur le marché, des marques en phase critique indiscutable, mais dont l'avenir est incertain : elles vont vite disparaître ou crevoter longtemps, selon le cas. Il faut évidemment les fuir comme la peste, et s'en libérer si on en est affligé. On aurait du mal à le croire, mais il y a des distributeurs qui collectionnent les marques sans avenir, en imaginant que l'offre de deux ou trois gammes d'objets invendables pour des raisons différentes fera courir les foules. C'est la forme de multimarquisme qui s'est développée le plus tôt, les marques en question n'étant pas très exigeantes, bien entendu. A ce stade, mieux vaut être le concessionnaire monomarque le plus traditionnel qui soit, mais qui représente une marque digne de ce nom. Au lieu de se faire des ennemis en piégeant le client, il aura au moins constitué un parc auquel il pourra s'adresser par la suite, quelle que soit la suite en question. Dans l'échelle des multimarquismes à proscrire, le cas suivant est celui du distributeur monomarque qui travaille avec succès, mais qui souhaite aller vers le multimarquisme à tout prix, parce qu'il a compris que l'avenir est là. S'il ajoute une gamme médiocre à celle qu'il vend déjà, passe encore. Mais s'il choisit une marque repoussoir, il ne fera que devenir moins efficace qu'avant… bref, il faut savoir choisir les marques qu'on veut vendre (et ceci n'est une évidence que pour une minorité d'opérateurs), la première règle étant de vendre des marques directement concurrentes entre elles et suffisamment intéressantes pour le consommateur. Sans oublier qu'il y a des exceptions.
Et le multimarquisme de groupe ?
Vaut-il mieux vendre, par exemple, Ford et Mazda ou Ford et Opel ? Ou encore : Volkswagen et Audi ou Volkswagen et Toyota ? Deux marques appartenant à un même groupe peuvent, à un moment donné, être une solution commerciale satisfaisante pour un concessionnaire. Mais cette formule présente l'inconvénient de lier davantage le distributeur au constructeur, sauf dans le cas de certains groupes de distribution déjà multimarques. En revanche, une solution VW & Toyota, par exemple, offre un vrai choix à la clientèle tout en permettant au distributeur de conquérir plus d'autonomie par rapport aux constructeurs, en particulier lorsque l'un d'entre eux subit un cycle produit négatif. Nous oserions même affirmer que la solution monomarque pourrait être préférable au multimarquisme de groupe, dans la mesure où elle nécessiterait moins d'investissements, laissant une marge de manœuvre au concessionnaire pour des développements successifs : n'oublions pas, par exemple, que le règlement européen autorise un constructeur donné à exiger que ses marques soient exposées dans des locaux séparés. Dans tous les cas de figure, une autre question se pose pour un concessionnaire, avant de passer au multimarquisme : celle de sa capacité à gérer plus d'une marque. Il ne suffit pas d'avoir été concessionnaire pendant une vie, ni même d'avoir vendu plus d'une marque : il faut être prêt à adopter d'autres règles du jeu, à commencer par un autre type de relation avec cette puissance tutélaire qu'est encore le constructeur. Dans un certain sens, c'est un autre métier.
Ernest Ferrari, consultant
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