Portrait d'Elisabeth Young, présidente d’Asie Auto. Portrait chinois
...son identité féminine dans la plénitude de son charme.
Dans l'industrie automobile, c'est l'une des grandes aventures du moment. Une aventure au sens propre, de celles qui se vivent rarement. Avec de douces effluves exotiques, l'attrait de peur mêlé face à l'inconnu, des ponts à construire sur l'abîme pour joindre deux rives culturelles éloignées. Un pont en bois pour faciliter la confiance et la compréhension et agrémenter d'une dimension humaine le gigantesque pont en béton armé du flux des échanges. Une aventure pour une… aventurière ! Elisabeth Young préside en effet aux destinées d'Asie Auto qui va importer la première voiture chinoise en France, en l'occurrence le Landwind. Un véhicule d'ores et déjà mythifié. Plusieurs voix se sont élevées pour jeter un haro sur ce 4x4, symbole de l'invasion chinoise, de concurrence déloyale, de coupable écharde dans le sacro-saint principe de qualité… Tout un fatras de peurs, de poncifs populaires, de représentations inconscientes… L'épisode du crash test allemand et son relais médiatique hémorragique illustrent parfaitement ces spasmes angoissés. A l'inverse, d'autres estiment, mi-curieux mi-fatalistes, que l'arrivée du Landwind s'inscrit dans une logique algébrique et qu'elle peut même représenter une opportunité, à l'aune du dieu-repère du rapport qualité-prix. Refusant de ferrailler dans le bestiaire des éphémères polémiques marginales, Elisabeth Young se veut apaisante et prometteuse : "Les chinois savent faire des produits de qualité et il n'est guère fécond de leur reprocher leur compétitivité actuelle sur les coûts de production. Il y a un formidable élan en Chine, symbolisé par les objectifs fixés par le gouvernement sur les performances à l'exportation pour les années à venir, et c'est très motivant". Et d'ajouter sur un mode très pragmatique : "Ils ont surtout des progrès à accomplir dans le domaine de l'identification des goûts et des besoins de la clientèle européenne". Dans cette optique, le lancement du Landwind sera un véritable test, miniature mais ô combien signifiant. Le Mondial sera son écrin de présentation pour le grand public et la commercialisation est confirmée pour le premier jour de l'année 2007. "Sans doute couplée avec le lancement d'un monospace de sept places de type C-Max", glisse-
t-elle.
Un duo mixte et complémentaire
Elisabeth Young est confiante, les préjugés s'éroderont d'eux-mêmes, l'attrait de la nouveauté jouera sa partition habituelle. "Surtout que nous avons travaillé sérieusement et que nous pouvons Diplômée de l'Ecole de Management de Lyon (promo 1990), elle décroche son premier poste au siège social d'Austin Rover, à Birmingham. Elle rejoint ensuite Rover Espagne, à Madrid, où elle contrôle le budget de marketing opérationnel. Puis elle regagne Rover France où elle accumulera les promotions internes. Avant la liquidation de la marque, cette spécialiste des finances faisait ainsi partie du Comité de direction depuis quatre ans. Elle s'est alors battue pour la survie des distributeurs Rover en leur proposant plusieurs axes de diversification, et notamment la distribution du 4x4 chinois Landwind. Elle est d'ailleurs présidente d' Asie Auto qui va distribuer la marque Landwind en France.
faire valoir des services performants, comme l'offre de financement avec Cetelem ou les modules après-vente", souligne-t-elle. Un travail réalisé en duo avec le médiatique Michel Falvo. Un duo qui peut paraître improbable vu de l'extérieur. "Nous sommes effectivement très très différents ! Au niveau des parcours, des compétences, des natures, mais in fine nous sommes très complémentaires", s'exclame-t-elle dans un sourire, avant d'ajouter : "Le fait que je sois une femme aide au fonctionnement du duo car j'ai moins d'ego. Je sais m'effacer dans certaines circonstances. Pour caricaturer on peut dire que je suis la gestionnaire et que Michel est le commercial". Craignant les interprétations hâtives et la trop humaine tentation de la simplification, elle précise derechef : "D'une manière générale, ce n'est pas les femmes qu'il faut mettre en avant. Mais bel et bien l'harmonie entre hommes et femmes et l'intérêt qu'il y a à travailler ensemble".
CURRICULUM VITAE
"En Chine, les femmes ne sont pas exclues des zones d'influence"
Un credo qu'elle a vérifié depuis le début de sa carrière. Au siège social d'Austin Rover à Birmingham, chez les britanniques "qui ne sont absolument pas machistes et, en règle générale, bien plus proches de leur famille que les français", glisse-t-elle en guise de clin d'œil à son époux, un anglais. A Madrid, pour le compte de Rover Espagne, "une mission intéressante qui m'a fait prendre conscience de la réalité du travail en mode importateur". En France bien entendu avec l'expérience de sensibilités variées au gré des épisodes BMW ou de l'arrivée d'un nouveau quatuor d'actionnaires par exemple. Et désormais en Chine. "C'est une culture radicalement différente et il faut être très respectueux du protocole et des recommandations qu'on vous donne. Il ne faut surtout pas chercher à sauter les étapes et bien respecter la voie hiérarchique très marquée qui est en vigueur", explique-t-elle, en reconnaissant que le jeu de la traduction et des interprètes complique parfois un peu les choses. Une femme en Chine ? "Il n'y a aucun problème, pas plus qu'ailleurs. En outre, le Parti garde un rôle prédominant là-bas, même dans le secteur privé. Or, bien souvent, le représentant du Parti est une femme. Les femmes ne sont donc pas exclues des zones d'influence".
"On nous écoute, on fait attention à nous"
Avec son regard intense et doux, son sourire aussi généreux qu'un beau soleil du matin, Elisabeth Young irait presque jusqu'à dire que c'est un avantage d'être une femme. "On nous écoute, on fait attention à nous". Puis : "Nous avons un ego moindre que les hommes, une réelle capacité à gérer plusieurs choses en même temps, à respecter les délais. Et nous sommes tenaces !" Une ténacité qui trouve peut-être ses racines dans l'inégalité qui régit toujours et encore la relation homme-femme dans la sphère professionnelle : "C'est vrai qu'on nous en demande beaucoup… Plus qu'aux hommes. Mais cette injustice initiale est très motivante, elle donne des ailes pour faire ses preuves". Puis elle s'exclame en souriant : "ça fait longtemps que je n'avais pas réfléchi à tout ça !" Elisabeth Young s'épanouit dans l'action. Jadis, elle a refusé d'entrer chez Arthur Andersen parce que la finance en tant que telle ne l'intéresse guère. Elle veut l'utiliser comme tremplin pour mieux connaître l'entreprise et mieux manager. Ensuite, elle a adoré l'épopée Rover, même au cœur des grosses turbulences, car c'était palpitant de se battre pour sauver des concessionnaires de taille souvent modeste, mais forts d'une excellente relation clients et de solides atouts commerciaux. Elle aime les remises en question et le travail d'anticipation. C'est une bâtisseuse, qui déteste les jeux d'influence en coulisses et les manœuvres "politiques" d'antichambre. Une femme de passion et de conviction, un profil idéal pour l'aventure Landwind. Alors forcément, elle n'a pas d'idées préconçues à servir en gants blancs sur son identité de femme… Sans surprise, elle ne se reconnaît pas dans les mouvements féministes d'aujourd'hui : "Nous sommes toutes redevables des mouvements féministes d'antan. Mais pas des nouveaux mouvements féministes qui font peur aux hommes, exactement ce qu'il ne faut pas faire", explique-t-elle, avant d'ajouter : "D'une manière générale, je crois plus aux efforts personnels qu'aux grands mouvements".
Acquérir le sens des réseaux
Si elle refuse les quotas et les caricatures, elle a toutefois quelques certitudes. "Les parents devraient davantage pousser leur fille à faire de grandes études. Il faut aussi rassurer les jeunes filles sur la possibilité de concilier une carrière professionnelle dense et une vie de famille épanouie. Ainsi, je me souviens qu'à la sortie de l'école, beaucoup de mes amies de promo ont choisi le moule indiqué de la femme au foyer en pensant qu'elles n'arriveraient pas à tout faire. Et aujourd'hui, elles sont nombreuses à s'en mordre les doigts", explique-t-elle, avant de poursuivre : "Il faut décomplexer les femmes et les inciter à s'affirmer. Sans chercher à placer la barre trop haut et en restant réaliste. Concilier vie professionnelle et vie familiale nécessite d'accepter de déléguer dans les deux domaines". Elle affirme que le travail ne dévore pas sa vie privée. "Il y a des moments privilégiés en famille où le téléphone et l'ordinateur sont bannis. Après, quand les enfants sont couchés, libre à moi de recommencer à travailler". Somme toute confiante dans le changement des mentalités qui s'amorce déjà, elle prône la patience. "Certaines choses, comme le congé maternité ou le congé parental par exemple, sont encore mal gérées par les entreprises. C'est comme si on trahissait l'entreprise… Mais les choses vont évoluer et se normaliser". Se revendiquant de l'épicurisme d'un Rabelais comme de la plénitude de la philosophie Tao, Elisabeth Young semble parfaitement épanouie. Et avant de retourner vivre son aventure chinoise, elle glisse cette dernière remarque : "Pour faire un grand pas en avant, il reste encore aux femmes à acquérir le sens des réseaux, dans l'acception noble du terme". A ce propos, j'allais oublier de vous dire, elle adore Balzac, vous savez, la Comédie Humaine…
Alexandre Guillet
FOCUSQuiz "Vite dit"
Oui, j'aime les voitures et j'adore les conduire sur circuit. Un peu des deux. Ce qui a trait aux produits de luxe et à leur distribution. Ce qui comprend notamment les véhicules de luxe. Bref, tout ce qui touche au rêve. Une Rover 75. En attendant le Landwind ! Je suis loyale aussi sur le choix de mes voitures. En fait, notre différence même nous aide à faire passer nos idées et renforce notre ténacité naturelle. Sans doute de devoir faire un peu plus ses preuves que les hommes, mais rien de grave, rien de rédhibitoire ! Une MG TF. Un Hummer Aucun des deux, mais je n'hésite pas une seconde pour un week-end rallye. Je m'adapte. |
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