Ontario : le nouveau King
...investissements s'enchaînent. D'Oshawa à Windsor, d'Alliston à Toronto, en passant par Mississauga et London, voyage au cœur d'une province où l'automobile est reine.
Il semble bien loin le temps où le Canada affichait un déficit public de 9,1 % du PIB. Il semble bien loin le temps où le Canada avait un taux de chômage de 11,4 %. C'était en 1992 et 1993. Plus d'une décennie, certes, mais qui en temps économique s'apparente à hier. Aujourd'hui, les comptes de l'Etat Fédéral affichent un solde positif, + 1,4 % du PIB (PIB 2004 : 950 milliards USD ou 1 125 milliards CAD) et le chômage n'a jamais été aussi bas depuis une trentaine d'années avec un taux de 6,7 % ! La confiance s'est installée, mais elle n'a pas choisi le Canada par hasard. Une baisse drastique des dépenses publiques associée à une diminution de la pression fiscale ont dopé la croissance et l'emploi. Il va sans dire que cette politique initiée par Ottawa, l'Etat Fédéral, a été relayée et appliquée par les provinces. Et notamment en Ontario, car cette dernière est le moteur de l'économie du pays. En effet, l'Ontario représente plus de 40 % du PIB du pays, c'est-à-dire plus 516 milliards des 950 milliards de USD que totalise le PIB du Canada. Enfin, deux derniers chiffres pour illustrer la puissance de l'Ontario : la province emploie environ 40 % de la population active du Canada et son industrie manufacturière représente 58 % des exportations du pays (94 % de la province). Un secteur florissant qui pousse les entreprises à poursuivre leurs investissements de production. Canada Statistique, l'équivalent de l'Insee, a d'ailleurs annoncé que les entreprises ontariennes prévoyaient d'accroître de 9,4 % les dépenses consacrées à l'installation de nouveaux moyens de production en 2005. Le Medef mais aussi le gouvernement français doivent être envieux, car le 16 novembre dernier, une enquête de l'Insee, soulignait que les patrons français n'avaient aucune intention d'investir dans leurs moyens de production en 2005, ni en 2006. Pire, certains secteurs, comme l'automobile, seraient déjà en recul de 8 % en 2005 et les prévisions pour 2006 font état d'un nouveau repli de 10 % ! Pendant ce temps-là, les investissements, pas seulement automobiles, pleuvent sur l'Ontario. Malgré quelques tempêtes, la dernière baptisée GM…
800 millions, 1 milliard, 2,5 milliards. Qui dit mieux ? Toyota, Ford, GM et DaimlerChrysler ont en effet, annoncé 5,3 milliards CAD d'investissement en Ontario ces derniers mois. Il semble que la politique de soutien à l'industrie automobile (Automotive Investment Strategy) lancée mi 2004 par le Premier ministre Dalton Mc Guinty et Joe Cordiano, son ministre de l'Economie, porte ses fruits. Le gouvernement de Toronto a ainsi annoncé un vaste programme de 500 millions CAD afin de renforcer le leadership de l'Ontario dans l'industrie automobile. Car l'Ontario est bel et bien devenu l'Etat d'Amérique du Nord qui a produit le plus de VP en 2004 (voir tableau) devant le Michigan voisin, le berceau de l'automobile américaine.
Toyota investit 800 millions CAD dans une deuxième usine en Ontario
Ce programme d'investissement de 500 millions CAD, principalement dévolu à la formation et à la R&D, comporte également un volet que l'Etat Ontarien peut utiliser afin de soutenir plus directement des projets dont l'investissement dépasserait 300 millions CAD ou créerait (ou permettrait de préserver) 300 emplois. Et les investissements cités entrent dans ce cadre. Toronto participera effectivement à ces investissements. Ainsi, 70 millions CAD iront à la formation et aux infrastructures autour de la nouvelle usine Toyota de Woodstock, 100 millions CAD viendront compléter le milliard qu'investit Ford à Oakville et enfin, 235 millions CAD seront également investis dans le projet Beacon de GM, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir. Des chiffres auxquels il faut encore ajouter les aides d'Ottawa qui, dans la majorité des cas, sont proches de celles de la province.
"La décision de Toyota envoie un message clair au monde entier : l'Ontario est le meilleur endroit pour venir s'installer, a lancé, pas peu fier, Dalton MC Guinty, le Premier ministre ontarien en officialisant l'implantation de la deuxième usine Toyota dans sa province. "L'Ontario est le meilleur endroit pour les investisseurs qui veulent avoir accès à la main d'œuvre la plus productive du monde, qui recherchent des frais d'entreprises stables et prévisibles", a-t-il poursuivi. Enfin, il a conclu avec une petite phrase lourde de sous-entendus pour les constructeurs notamment implantés aux Etats-Unis : "De plus, l'Ontario est exempt des frais de santé sans cesse plus élevés qui affligent bon nombre de pays du monde." Le Premier ministre avoue même que l'assurance-santé est l'un des meilleurs avantages concurrentiels de la province. Toyota a donc choisi l'Ontario et pour Joe Cordiano, le ministre du Développement Economique et du Commerce, "l'établissement de cette nouvelle usine est un grand signe de confiance pour notre province." Le nouveau Rav 4, que l'on a découvert à Francfort, sortira des chaînes de cette nouvelle usine de Woodstock en 2008.
L'épineux cas GM qui vient d'annoncer la suppression de 3 900 postes en Ontario
Toutefois, parmi cet ensemble un investissement suscite, plus que les autres, une attention toute particulière. En mars dernier, GM, déjà en prise à de graves difficultés, annonçait pourtant le plus gros investissement jamais vu dans l'histoire automobile du Canada : 2,5 milliards CAD. Avec ce projet Beacon, GM visait à renforcer l'ingénierie, la R&D et les capacités de production du groupe au Canada. Nouveaux modèles, nouveaux moteurs, dont le V8 Displacement on demand qui sera fabriqué à Saint-Catharines, ingénierie, mais aussi flexibilité à Oshawa, formation avec la création d'un centre d'excellence avec l'Institut de Technologie de l'Université de Toronto, etc. Voilà la stratégie décrite en mars dernier. Mais depuis, la situation du numéro un mondial s'étant encore dégradée, Rick Wagoner, président de GM a annoncé le 21 novembre un vaste plan de restructuration concernant son activité en Amérique du Nord. Les Etats-Unis sont fortement touchés avec plus de 25 000 emplois supprimés et a priori quatre fermetures d'usines d'assemblage. Mais l'Ontario n'a pas été épargné non plus. En effet, 3 900 emplois devraient disparaître dans la province. GM fermera deux usines en 2008. Le principal site de GM Canada, à Oshawa, qui compte trois sites d'assemblage, verra celui fabriquant les camionnettes fermer ses portes. 2 750 emplois supprimés. Ensuite, l'un des deux sites produisant des VP va perdre une équipe : 1 000 suppressions supplémentaires. Enfin, le site de Saint-Catharines, fabriquant des transmissions et devant produire des moteurs selon le projet Beacon, va lui aussi fermer en 2008. Michael Grimaldi, le président de GM Canada a déclaré que "cette décision a été difficile à prendre, mais elle est nécessaire pour assurer le retour à la rentabilité de GM." Un impératif que semble comprendre Dalton Mc Guinty. Le Premier ministre de la province, croit fermement que "l'industrie automobile ontarienne résistera à ces compressions". Il a profité de cette tribune par rappeler les quelque 4 milliards d'investissements attirés par l'Ontario ces dernières années pour justifier son sentiment. D'ailleurs, pour encore renforcé son point de vue, la province qu'il dirige et l'Etat Fédéral viennent d'annoncer qu'ils apportaient leur soutien, respectivement de 76,8 et 46 millions CAD, à un nouveau plan d'investissement de DaimlerChrysler en Ontario. En effet, le constructeur germano-américain va investir 768 millions CAD dans ses usines de Windsor et de Brampton. Avec ce dernier investissement, Joe Cordiano indique "qu'en une année seulement, notre stratégie dans le secteur automobile a attiré 5,3 milliards CAD d'investissements, permettant ainsi d'assurer des milliers d'emplois qualifiés pour les années à venir." Il n'y a pas que GM dans la vie.
Le salaire horaire moyen, dans une usine d'assemblage aux Etats-Unis est supérieur de près de 12 dollars USD à celui de l'Ontario
Toutefois, malgré le cas GM que l'on peut malgré tout considérer comme normal vu l'état financier du géant de Detroit, les constructeurs apprécient l'Ontario, ses dollars, ses frais de santé, sa main d'œuvre mais ce n'est pas tout. Les taxes, les salaires, les matières premières et sa localisation, sont encore autant d'avantages dont dispose la province. "L'Ontario dispose du taux de taxe le plus faible de tous les Etats d'Amérique du Nord fabriquant des automobiles" rappelle Reed Barrett, un responsable du ministère de l'Economie. En effet, avec 34,12 % la province canadienne prélève par exemple 4 points de moins que le Michigan (voir graphe ci-dessous). D'une manière générale une activité industrielle est donc sensiblement moins coûteuse au Canada. Selon une étude de KPMG réalisée en 2005, l'industrie métallurgique canadienne est 3,7 % moins chère. Et la liste est encore longue. Un équipementier économise 4 % en produisant en Ontario et pour une usine de produits électroniques ce taux passe à 4,5 %. Il en va de même pour les salaires, où selon le ministère du Travail américain et le Central Ontario Industrial Relations Institute, ces derniers sont à l'avantage des entreprises implantées dans la province canadienne. En effet, le salaire horaire moyen dans une usine d'assemblage aux Etats-Unis est de 28,35 dollars alors qu'il s'élève seulement à 16,57 dollars côté canadien. L'écart est moins important chez les équipementiers des deux pays, mais il demeure toutefois significatif avec 18,04 dollars/heure côté canadien contre 20,40 dollars/heure aux Etats-Unis.
L'Ontario possède d'incontestables atouts, financiers notamment, mais la croissance est l'affaire de tous. L'exemple des communes de London et Mississauga le démontre, comme les hommes et les femmes de la province, qui constitue une main d'œuvre hautement qualifiée appréciée des investisseurs. Des compétences qui ne s'acquièrent pas en un jour. La visite de L'université de Waterloo nous le confirme et démontre la volonté de tous, gouvernement, facultés et secteur privé, de booster la croissance de demain avec la R&D.
Christophe Jaussaud
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