"Ne copiez pas, innovez !"
...d'achat indépendantes, réparties sur l'offre disponible à un moment donné. Il va de soi, en effet, qu'on achète ce qu'on trouve. Et qu'on n'achète rien si on ne trouve ni ce dont on aurait besoin, ni un produit qui puisse s'y substituer. Mais le marché offrant désormais à peu près tout ce dont on peut rêver… Cette illusion, due à la longue histoire de croissance qu'a vécue le marché européen de l'automobile, trouve sa confirmation dans la segmentation de plus en plus fine du marché, c'est-à-dire par sa description ordonnée et mathématique. Entendons-nous : en soi, la segmentation est une bonne et utile chose. Le danger vient du fait qu'une utilisation confortable de la segmentation conduit à considérer qu'il suffit de remplir toutes les cases (tous les sous-segments imaginés jusqu'à présent) pour répondre à toutes les attentes. C'est comme ça qu'on décline à l'infini les SUV ou les monospaces, pour ne citer que deux exemples significatifs. Au fond, cette attitude universellement répandue est le symptôme d'une vision statique sinon immuable de la structure du marché. Quand un nouveau modèle apparaît, on le classe. A l'occasion, pour les modèles inclassables, on invente un nouveau segment ou sous-segment. Cette façon de procéder considère implicitement que l'innovation est marginale, on ne remet jamais en cause la structure du marché.
Pour un marketing de l'innovation
On a classé tout ce qu'on connaît, mais on ignore sans aucun doute des potentialités essentielles, correspondant à des attentes non perçues et non exprimées, dont la plupart n'apparaissent qu'à l'occasion du lancement d'un modèle innovant. On peut vivre sans s'en soucier. Mais si on admet que l'avenir en dépend (et c'est le cas), il vaut mieux accepter l'idée d'une "exploration" continue du marché. On ne résoudra pas la question en interrogeant les consommateurs a priori : personne, sauf quelques émules de Jules Verne, n'est en mesure de définir un modèle susceptible de combler une attente dont il n'a pas conscience ! Les instruments nécessaires pour l'exploration, ce sont les concept-cars innovants, en rupture par rapport à l'offre existante. S'ils correspondent à une attente inexprimée mais substantielle, les concept-cars produiront au moins l'un des deux effets suivants : une redistribution de la demande VN au détriment de modèles traditionnels et l'émersion de nouvelles catégories de consommateurs jusqu'alors non acheteurs d'automobiles ou acheteurs de VO. C'est ce qu'il convient de tester, aussi scientifiquement que possible, mais en ne prenant pas pour base, dans la constitution des échantillons, la segmentation du marché : on aurait alors de fortes chances d'être "à côté de la plaque". Il faut donc faire un effort et essayer d'imaginer a priori une clientèle de référence. Ceci n'est qu'un exemple des changements (y compris dans les habitudes et mentalités) qu'induirait une politique de l'innovation agressive.
Un marché ad hoc
Aujourd'hui, la plupart des constructeurs s'efforcent de remplir les mêmes sous-segments que leurs concurrents directs. Aussi curieux que cela puisse paraître, il ne s'agit pas forcément de la meilleure solution. L'avantage concurrentiel, pour un constructeur, d'une orientation plus marquée à l'innovation est difficile à mesurer mais on ne peut pas nier qu'un modèle innovant réussi crée un écart qui peut être déterminant. Malheureusement, on ne peut pas tout faire, remplir tous les sous-segments et en inventer d'autres. Et on court apparemment moins de risques en restant dans les rangs qu'en essayant de parcourir d'autres voies. Cependant, l'investissement différentiel d'une politique de l'innovation plus marquée que celle que l'on pratique (il y en a toujours une, même si elle est essentiellement consacrée à l'amélioration de l'existant) n'est pas tel qu'il puisse nuire de quelque façon à un constructeur. En fait, c'est en termes de stratégie produit que la question doit être débattue. Le marché automobile n'est pas donné une fois pour toutes. Il appartient aux constructeurs de "faire leur marché", c'est-à-dire de structurer leur offre à venir en prévoyant, par exemple, X modèles "me too" et Y modèles "I am the first".
Ernest Ferrari, Consultant
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.