Navya : "La France perdrait son avantage concurrentiel"
Navya compte parmi nos meilleurs représentants de la mobilité autonome, à travers le monde. Comment avez-vous accueilli l'annonce d'Emmanuel Macron de donner un cadre légal aux expérimentations ?
Christophe Sapet. Nous en avions entendu parler, ce n'est donc pas une surprise. Nous nous réjouissons de la prise de conscience des problématiques d'expérimentation. Ceci étant, nous restons vigilants car nous attendons toujours les décrets d'application qui doivent faire suite aux annonces d'août 2016. Quand le Président table sur le début 2019, alors il faut que ce soit début 2019.
A ce jour, comment fonctionne le mécanisme de demande d'autorisation ?
CS. Il y a un dispositif sous la responsabilité du ministère des Transports et Bercy. Nous soumettons nos demandes à l'analyse de l'ensemble des organisations concernées, dont celle en charge de l'équipement, l'administration des cartes grises, la cybersécurité, la Gendarmerie nationale… L'augmentation du nombre de personnes à consulter et du nombre de dossiers déposés provoque des embouteillages. D'autant plus que, dans certains cas que Navya vient de rencontrer, il faut aussi l'avis de la mairie et de la Préfecture de police, qui se renvoient la balle. En comparaison, à l'étranger, il y a un élan de libéralisation qui facilite la démarche. La France perdrait son avantage concurrentiel et la présidence doit en avoir pris conscience.
Quelles seraient vos autres revendications ?
CS. Outre le raccourcissement des délais, nous souhaiterions un allègement des obligations. Il nous a été demandé de prendre les coordonnées de toute personne qui monte à bord du véhicule autonome. Vous imaginez bien la contrainte que cela représente à bord de notre navette à Lyon. En théorie, les décrets attendus depuis 2016 devaient faire disparaître cette étape. Aussi, pourrions commencer à considérer la supervision à distance du véhicule comme l'équivalent d'une présence à bord d'un opérateur. Ce qui est le cas juridiquement aux Etats-Unis. Je ne suis pas sûr que le futur cadre l’envisage. Autrement, nous pouvons nous satisfaire du système mis en place par la France, de la mise en place au suivi des expérimentations.
Le récent cas d'Uber et Volvo relance le débat de la responsabilité. Qu'espérez-vous du nouveau cadre ?
CS. Je souhaiterais que nous puissions clarifier cette question. Mais cela ne sera pas fait au moment de la précision du plan, mi-avril. Notre navette, une fois immatriculée, est couverte par une assurance circulation qui couvre les accidents de la route et gère les indemnisations. Maintenant, s'il y a un problème, la responsabilité va être cherchée du côté de l'opérateur du véhicule – qui en est souvent le propriétaire – et du constructeur. Il faut alors avoir des couvertures financières suffisantes et, pour l'heure, cela n'a jamais posé de problème. Ensuite, effectivement, il y a la responsabilité pénale, qui implique le chef d'entreprise, et je n'imagine pas d'avancées à court terme.
D'aucuns disent que le "coup de pub" constitue souvent la motivation des territoires à mener des expérimentations. Quel est votre sentiment ?
CS. De fait, les véhicules autonomes génèrent une exposition médiatique. Ils permettent de mettre en avant une avancée technologique. Alors, oui, les Villes, les Régions ou même les pays veulent en tirer partie pour illustrer leur réflexion sur la vision futuriste du transport. Cependant, les collectivités territoriales, en France, ont des budgets contraints, et il n'est donc pas facile de mettre en place les projets, sauf à compter sur des aides extérieures, publiques ou privées. Notre idée chez Navya est que plus nous réalisons d'expérimentations, plus nous pouvons démontrer la faisabilité et la sécurité du mode de transport, et plus il sera donc facile de faire accepter la supervision distante par le législateur. Ainsi, nous abaisserons le coût de la masse salariale à impliquer dans les tests, de sorte à proposer une équation économique viable, proche du concept théorique.
Avec le recul des multiples cas, combien cela coûte-t-il à une ville de réaliser une expérimentation ?
CS. Prenons le cas de Lyon. Il faut compter une somme de 250 000 euros par an, tout compris, partagée entre la co-entreprise Navly (Navya et Keolis) qui finance le matériel et le syndicat des transports lyonnais, Sytral, qui prend en charge les salaire.
A quand les essais de l'Autonom Cab ?
CS. Nous aurons une expérimentation aux Etats-Unis, dans une ville à définir avec Keolis, une autre à certainement à Perth, en Australie, et une en France. Le choix de la ville hexagonale n'est pas encore arrêté, mais nous pouvons déjà dire qu'il ne reste que Paris et Lyon en lice. En termes de calendrier, ce ne sera pas cet été comme prévu initialement, la faute à plusieurs facteurs, mais à l'automne.
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