Me.We, “so trendy” !
Si Me.We ne préfigure aucun modèle de série, les dirigeants de Toyota ont été clairs sur le sujet, l’exercice de style est pourtant loin d’être gratuit et on se prend même volontiers à penser que sa portée aura plus d’ampleur qu’il n’y paraît de prime abord. Laurent Bouzige, assistant chief designer chez Toyota à l’ED2 et responsable du projet, ne dit pas le contraire : “Même si nous n’avons pas les contraintes de la série, c’est un travail important car il se veut porteur d’une nouvelle ouverture d’esprit. D’une part, avec un style décalé et d’autre part avec de forts partis pris, sur le traitement des matériaux notamment. Enfin, nous entrebâillons la porte de l’open-innovation, qui n’est pas dans la culture du groupe. C’est donc significatif par rapport à l’image de Toyota à l’extérieur, mais aussi en interne, vis-à-vis des équipes marketing et planning produits”.
De l’ouverture en germe
Cette démarche de décloisonnement se retrouve dans le choix de travailler avec un plasticien extérieur à l’automobile, à savoir Jean-Marie Massaud, talentueux touche-à-tout. Comme pour chaque belle rencontre, il y a souvent un zeste de hasard au début : “Nous utilisions souvent ses créations dans nos planches tendances et j’ai donc décidé de le contacter. Le courant est tout de suite passé et nous avons décidé de travailler vraiment conjointement. Il n’est pas venu faire de la décoration, c’est un travail de design à part entière. Même s’il s’agit d’un projet prospectif, nous voulions apporter des réponses aux demandes d’aujourd’hui, de surcroît sur un segment B très important pour le groupe en Europe”, explique Laurent Bouzige.
Le développement durable abordable
Le résultat formel de cette association se révèle séduisant en diable, avec un véhicule suscitant une empathie immédiate, fait rare chez Toyota, qui manque d’émotion et d’un modèle iconique, même si la petite iQ a failli relever le gant. Foisonnante d’idées, Me.We vient questionner trois enjeux clés proposés à l’industrie automobile. Le respect de l’environnement reste évidemment central et les équipes de l’ED2 y ont notamment répondu par un choix radical sur les matériaux, avec l’Arpro rendu visible et stylisé en unifiant couleurs et matières. L’allégement est au rendez-vous, 20 % de masse en moins par rapport à une Yaris. A l’intérieur, le bambou règne en maître. “Au-delà de sa dimension pratique et esthétique, c’est aussi une réponse à la surproduction du bambou au Japon. Là-bas, c’est de la mauvaise herbe”, précise Laurent Bouzige. Me.We est aussi 100 % électrique et une pompe à chaleur de type Renault Zoé vient renforcer ce choix. Par ailleurs, le véhicule intègre la problématique de la tension du pouvoir d’achat en Europe et des nouveaux arbitrages budgétaires des jeunes générations. Le prix serait aux alentours de 15 000 euros et l’Arpro peut suggérer un nouveau business-modèle pour les pièces. Enfin, comme son nom l’indique, Me.We ne veut rien céder sur le terrain du lien social et du plaisir. Avec l’Arpro, le véhicule se retrouve personnalisable à l’infini et son architecture le met à la confluence de plusieurs segments : petite urbaine, plein air avec ses surfaces vitrées escamotables, pick-up. “Il s’agit de faire 2 avec 1 et d’explorer la notion de véhicule de plaisance”, synthétise Laurent Bouzige.
“L’Essentiel” de Citroën en version Toyota
Avec cette interprétation de la voiture essentielle et de la notion du “mieux à la place de toujours plus”, on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec le concept-car C-Cactus de Citroën et les théories développées par Vincent Besson. Surtout que Me.We a aussi des faux airs de Méhari. Laurent Bouzige ne s’en offusque nullement : “Le parallèle ne me dérange pas du tout. Il ne s’agit pas d’avoir toujours raison tout seul. Nous répondons à des évolutions de la société et le fait que plusieurs propositions de différents constructeurs convergent est plutôt bon signe ! L’enjeu essentiel étant que la mobilité ne devienne pas une contrainte. En revanche, chaque traitement stylistique diffère. Par exemple, si notre planche de bord se veut épurée, elle ne prend pas le parti du vide comme chez C-Cactus”. En somme, Me.We pourrait bien préfigurer un potentiel d’évolution significatif chez Toyota, ce que Michel Gardel ne dément d’ailleurs pas : “Me.We, c’est à la fois Toyota et ce n’est pas vraiment Toyota, c’est vrai. Toujours est-il que c’est un concentré d’intelligence, jouant des contraires et des paradoxes. Nous avons là une proposition à la fois décalée et ambitieuse, notamment sous l’angle d’un développement durable abordable pour les clients”.
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