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Constructeurs

L’Ontario part en conquête

Publié le 7 septembre 2007

Par Benoît Landré
11 min de lecture
Nous avons parcouru la Province canadienne de l'Ontario, de sa capitale Toronto en passant par St.Thomas, Oshawa ou encore Guelph, à la découverte d'une des premières puissances automobiles nord-américaine.Longtemps éclipsé...
Nous avons parcouru la Province canadienne de l'Ontario, de sa capitale Toronto en passant par St.Thomas, Oshawa ou encore Guelph, à la découverte d'une des premières puissances automobiles nord-américaine.Longtemps éclipsé...

...par la puissance économique et le rayonnement international du Michigan et de sa capitale Detroit, l'Ontario, le voisin canadien, s'est discrètement mais sûrement façonné un rôle de leader dans le monde de l'automobile. La Province canadienne est devenue au fil des années une place forte du secteur et pointe désormais à la première place des producteurs de véhicules en Amérique du Nord. En effet, depuis 2004, l'Ontario a dépassé le Michigan en devenant la plus grande juridiction d'Amérique du Nord en termes de production automobile. L'Etat américain reste toutefois leader en recherche et développement et dans le domaine des équipementiers. Au-delà de son aspect symbolique, ce titre illustre la montée en puissance économique et industrielle de la Province canadienne et la pertinence de la politique du gouvernement. Ainsi, les investisseurs et les entreprises étrangers ne cessent d'affluer depuis plusieurs années. Aujourd'hui, le secteur automobile et pharmaceutique sont les deux gros moteurs de l'économie ontarienne. Les constructeurs DaimlerChrysler, Ford, General Motors, Honda, Suzuki et Toyota possèdent au moins un site de production dans la Province. Depuis octobre 2004, "les cinq grands" ont injecté pas moins de 5 milliards de dollars pour augmenter leur capacité de fabrication et de recherche et développement. Récemment, Honda a construit une nouvelle usine de moteurs à hauteur de 135 millions de dollars près de ses installations d'Alliston. En mars 2005, GM a annoncé un investissement de 2,5 milliards de dollars destiné à l'amélioration de sa capacité de conception et de fabrication de véhicules dans ses trois usines. Il s'agit tout simplement du plus gros investissement automobile dans l'histoire du Canada. Si l'on y ajoute les 634 millions de dollars investis par DaimlerChrysler en faveur de nouvelles technologies dans ses installations de Windsor et le projet d'agrandissement de Toyota de 263 millions dans sa nouvelle usine de Woodstock, force est de constater que ces grands groupes ne lésinent pas sur les dépenses. Au total, les investissements des constructeurs automobiles et des fabricants de pièces ont atteint 6 milliards de dollars en 2005 et 2006, avec une moyenne annuelle de 2,6 milliards au cours des dix dernières années. En 2006, les usines de montage ont produit 2,5 millions de véhicules (270 000 unités de plus qu'au Michigan), contre 2,6 millions en 2005, l'équivalent d'un véhicule sur six en Amérique du Nord. Un chiffre inférieur au record de 1999 qui affichait 2,9 millions d'unités. 85 % de la production a été exportée aux Etats-Unis et dans le monde. On dénombre actuellement en Ontario 14 usines de montage et plus de 450 fabricants de pièces, dont la valeur des expéditions représente environ 90 milliards de dollars. 1,6 million de VN ont été immatriculés en 2006 au Canada dont 600 000 en Ontario. En 2004, le parc roulant canadien se composait de 18,7 millions de véhicules, dont 6,9 millions en Ontario. Près de 500 000 Canadiens travaillent dans l'industrie automobile, dont 138 000 en Ontario, ce qui représente un salarié sur 7 dans le pays et 1 sur 6 en Ontario.

FOCUS

L'Ontario en chiffres

• Capitale : Toronto
• Population totale (2006) : 12 686 952 hab
• Superficie : 1 076 395 km2
• Densité : 12,94 hab./km2
• Lieutenant-gouverneur :    James K.Bartleman
• Premier ministre : Dalton McGuinty (Libéral)
• Perspectives économiques pour 2007 :
Croissance du PIB réel : 1,60%
Croissance du PIB nominal : 3,10%
• Taux de chômage 6,30%

Des soutiens nombreux et puissants en faveur de l'automobile

La Province se démarque également par ses structures universitaires de pointe, en relation directe avec les entreprises locales. C'est la force de la Province. De nombreuses entreprises un peu partout en Ontario collaborent avec plus de 150 centres de recherches universitaires, collégiaux et publics en vue d'accélérer la commercialisation des découvertes et nouveaux processus. Le soutien du gouvernement en faveur de l'automobile et la R&D, via son programme OAIS (Ontario Automotive Investment Strategy), associé au rôle prépondérant du CPSCA (Conseil du Partenariat pour le secteur canadien de l'automobile), un groupe consultatif formé de représentants de l'industrie, des pouvoirs publics, du milieu universitaire et des syndicats, auxquels on peut ajouter le Canadian Automotive Partnership Council (CAPC) ou encore l'Advanced Manufacturing Investment Strategy (AMIS), illustrent l'enjeu majeur que représente le secteur automobile ontarien. "L'un des atouts de l'Ontario est son environnement favorable à la collaboration entre sociétés et pouvoirs publics. Depuis plusieurs années, c'est la force motrice du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile (CPSCA). Le CPSCA a préparé des plans d'action visant à consolider la compétitivité mondiale de l'industrie canadienne de l'automobile, dont le cœur se situe en Ontario", déclare Michael Grimaldi, ancien coprésident CPSCA et ancien président de GM au Canada. Le gouvernement a alloué en début d'année plus de 15 millions de dollars à l'initiative de "Hamilton Automotive Manufacturing Innovation" afin de développer de nouvelles technologies dans la production de voitures plus légères "à des coûts plus concurrentiels". Cette annonce est la première d'une série qui s'inscrit dans le cadre du Programme d'Excellence en Recherche du Fonds pour la recherche en Ontario. Ainsi, avec ces premiers investissements, le gouvernement offre 115 millions de dollars pour soutenir de la recherche dans l'ensemble de la Province. "C'est en permettant à une recherche d'envergure mondiale de se faire ici en Ontario que notre gouvernement intervient pour attirer des chercheurs de renom, créer de meilleurs emplois et susciter de nouveaux investissements dans l'économie", précise le Premier ministre Dalton McGuinty. De ce fait, l'Etat a la réputation de jouir d'une main-d'œuvre compétente et hautement qualifiée qui a notamment permis à la province de devenir le leader mondial pour l'ensemble de ces secteurs : injection et montage sous pression, hydroforming, fonte de métaux ferreux et non ferreux, peinture à base de poudre et fabrication. Les coûts de production sont également 11 % moins chers qu'aux Etats-Unis. Dans une conjoncture internationale délicate et face aux pays émergents, l'Ontario peut se targuer de maintenir une croissance importante et d'en-
caisser les coups plus facilement que d'autres.

Le déclin de l'Empire Américain

Car la Province canadienne fait partie intégrante de l'industrie automobile nord-américaine et n'est donc pas épargnée par la crise qui sévit depuis quelque temps déjà outre-Atlantique. Tout comme son voisin américain, l'Ontario a subi également de plein fouet les difficultés des trois gros constructeurs automobiles que sont General Motors, DaimlerChrysler et Ford. Au cours des six dernières années, l'emploi dans le secteur automobile a chuté de 3 %, l'équivalent de 5 000 postes. "C'est relativement peu comparé aux 900 000 postes perdus au Michigan, soit approximativement 30 % de l'emploi automobile dans cet Etat. Malgré la forte présence d'Honda en Ohio et de Toyota et Subaru en Indiana, ces deux Etats ont respectivement perdu 19 % et 15 % d'emplois dans le secteur sur la même période", relativise toutefois Babi Banerjee, chef d'équipe au ministère du Développement Economique et du Commerce Ontarien. Pour rappel, en 2005, les 3 de Detroit ont annoncé un plan de restructuration éliminant plus de 80 000 emplois et supprimant une trentaine d'usines dans toute l'Amérique du Nord. En Ontario, GM a fermé une usine de transmissions à St.Catherines, Ford son usine de PL d'Oakville (juin 2004), son site de Windsor Casting ainsi qu'une partie de l'usine de St.Thomas. DaimlerChrysler en a fait de même avec sa structure d'assemblage de Windsor (2003). Fin mars de cette année, 800 employés de l'usine Freigthliner ont dû faire leur valise. Plus récemment encore, GM a fermé la chaîne d'assemblage de son usine d'Oshawa. Par ailleurs, la hausse du coût du pétrole n'a pas épargné le Canada, gros producteur et consommateur de pick-up, camions et SUV. Par conséquent, le Canada a donc commencé à réduire sa dépendance vis-à-vis des "Big Three". Parallèlement, les investissements asiatiques n'ont jamais été aussi importants en Ontario. La pénétration des constructeurs Toyota et Honda est très significative. Les manufacturiers canadiens tels que Presstran, Linamar ou Magna ne cachent pas d'ailleurs leur ambition de développer et d'équilibrer leurs activités sur les autres continents. L'APMA, l'Association des fabricants de pièces d'automobile du Canada, indique aussi que de plus en plus de marchandises proviennent d'Asie, d'Amérique ou d'Europe Centrale et que certaines productions ont déjà été délocalisées en Asie et en Amérique Centrale. De son côté, le ministère du Développement et de l'Economie souligne que "l'Ontario ne perd pas de vue l'opportunité d'attirer un certain nombre d'implantations asiatiques et européennes du sud des Etats-Unis" ainsi que de séduire des marques telles que Nissan, Hyundai/Kia et Volkswagen ou encore les gros fournisseurs que sont Chaebol et Keiretsu. En 2006, les "Big Three" ne représentaient plus que 54 % de parts de marché en Ontario alors qu'au début des années 90, leur pénétration avoisinait les 75 %. Le rayonnement de l'Ontario a une vocation mondiale. C'est en tout cas l'objectif de la région. Et dans cette logique, la Province a annoncé en début 2007 la création de trois nouveaux centres de marketing situés dans les locaux des ambassades du Canada à Paris, Mexico et Beijing. Ces trois nouveaux bureaux s'ajouteront à un réseau de 21 autres. "Grâce à cette initiative, le gouvernement McGuinty continue d'accroître la portée internationale de l'Ontario et de mieux faire connaître la Province sur les marchés mondiaux", souligne la ministre Sandra Pupatello, avant d'ajouter : "Renforcer la présence stratégique de l'Ontario sur la scène internationale constitue une priorité. Nos centres de marketing à l'étranger ont très bien réussi à promouvoir les atouts et le savoir-faire de la Province dans les principaux marchés mondiaux. Ils contribuent à attirer davantage d'investissements menant à la création d'emplois en Ontario."

L'Ontario prend le "virage vert"

L'autre challenge de la province réside dans le développement et la maîtrise des technologies dites "écologiques". En début d'année, le gouvernement a annoncé qu'il débloquerait un fonds de 650 millions de dollars afin de soutenir les entreprises qui désirent investir dans la mise au point de voitures et de carburants non polluants et de technologies et de produits propres. "Un territoire doit pouvoir attirer des milliers d'emplois dans le secteur de la recherche et de la mise au point de nouvelles solutions, et nous voulons que l'Ontario soit ce territoire. Il existe d'énormes opportunités dans ce domaine et en Ontario, nous sommes déterminés à les saisir, au profit de notre population et de notre économie", affirme le Premier ministre Dalton McGuinty. Et Mark Nantais, président de l'Association Canadienne de Constructeurs de Véhicules (ACCV), d'ajouter : "Au cours des cinq dernières années, l'industrie automobile du Canada a investi plus de 10 milliards de dollars dans les techniques de montage flexibles et améliorées, la recherche et le développement ainsi que les nouvelles technologies propres. Plus de 80 % de ces investissements ont été réalisés par les membres de l'Association Canadienne de Constructeurs de Véhicules dans des installations situées en Ontario en raison, principalement, de l'appui du gouvernement de la Province". Mieux encore, début août, le gouvernement a annoncé le lancement de trois nouveaux projets en vue d'amorcer ce qu'il appelle "le virage vert". Objectifs : diminuer les émissions de gaz à effet de serre et aider les entreprises et les conducteurs à adopter des technologies plus écologiques suivant un système de récompenses et d'aides.

La puissance de l'Ontario dans le secteur automobile en Amérique du Nord ne fait désormais plus de doute. Le défi actuel réside davantage dans sa faculté à s'imposer à l'international et à séduire de nouveaux constructeurs et équipementiers étrangers. Afin de pérenniser son économie et de trouver de nouvelles voies d'expansion.

ZOOM

Le Canada en chiffres

En 2006, les ventes de véhicules légers au Canada ont atteint 1 614 700 unités (600 000 en Ontario) par rapport à 1 583 291 en 2005, + 2 %/2005. Certaines marques se sont particulièrement illustrées l'an passé : Toyota/Lexus, Honda/Acura, Mazda, BMW, Audi, Mercedes-Benz et Hyundai. Les ventes combinées de General Motors, Ford et DaimlerChrysler ont baissé de 1,7 %, atteignant tout juste les 865 000 unités, soit une part de marché de 53,6 % (55,6 % en 2005). Cette baisse est en partie imputable au groupe GM qui a enregistré à lui seul une chute de 8 % en 2006. DaimlerChrysler a enregistré une hausse de 1,7 %, tandis que Ford a connu une augmentation de 8 % par rapport à 2005. Outre GM, seules Nissan/Infiniti, Porsche, Jaguar et Volvo ont vu leurs ventes baisser. Combinées, les ventes de véhicules légers de Toyota, Honda et Cami ont augmenté de 6,5 % en 2006, atteignant un nouveau record de 547 832 unités, soit une part de marché de 33,9 %. Les constructeurs coréens (Hyundai et Kia) ont enregistré une progression de 6,8 % (presque 100 000 unités, soit une part de marché de 6,1 %). Les ventes des marques européennes ont augmenté de 7,3 %, à 102 273 unités, soit une part de marché de 6,3 %. L'ensemble de la production de véhicules légers au Canada en 2006 (GM, Ford, DC, Honda, Toyota et Cami) a baissé de 4,8 %, à 2,5 millions d'unités, à (2,62 millions en 2005). Cela s'explique notamment par les suppressions d'emplois dans les usines des constructeurs US. Leur production a en effet diminué de 8,3 %, à 1,6 million d'unités, tandis que celle de Honda, Toyota et Cami est passée à un peu plus de 901 000 unités, (+ 2,2 % par rapport à 2005).

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