Le numerus clausus validé
...question.
Le critère quantitatif reste sans doute le dernier aspect où l'arbitraire est encore admis. Alors que les réseaux de réparateurs agréés doivent se conformer à un système de sélection qualitative strict, les constructeurs conservent encore le privilège de limiter "directement" le nombre de leurs distributeurs agréés. Et c'est bien ce qui différencie les deux types de réseaux, distribution d'un côté, et après-vente de l'autre. Sur cette question, l'arrêt de la cour d'appel de Dijon est décisif. Premier du genre, il affirme clairement que le numerus clausus étant atteint, le constructeur pouvait rejeter la candidature du Garage Grémeau en ce qui concerne le contrat de distribution VN. En revanche, il confirme le jugement du tribunal de commerce de Dijon qui avait obligé DaimlerChrysler à renommer le Garage Grémeau en tant que réparateur agréé Mercedes puisqu'il en remplissait les critères. Concessionnaire Mercedes-Benz depuis 1982, la SA Garage Grémeau a été résiliée le 25 juin 2001 avec un préavis de deux ans venant à échéance le 30 juin 2003. Malgré ce préavis, le garage Grémeau a estimé cette résiliation abusive puisque, entre temps, le 31 juillet 2002, la publication du nouveau règlement européen 1400/2002 a changé les règles. Le 28 septembre 2002 (neuf mois avant la fin de son préavis), la SA garage Grémeau se porte candidate au contrat de distribution VN et au contrat de réparateur agréé pour la marque Mercedes. Refus de DaimlerChrysler de l'agréer pour aucun des deux contrats. Le garage Grémeau intente une procédure en référé. Le 30 juin 2003, le tribunal de commerce de Dijon lui donne en partie raison et condamne DaimlerChrysler à l'agréer en qualité de réparateur indépendant sous astreinte de 100 000 euros par jour de retard. Cette décision en référé sera confirmée sur le fond par un jugement du tribunal de commerce de Dijon du 27 septembre 2003. Elle vient de l'être une nouvelle fois par l'arrêt du 1er avril 2004 de la cour d'appel de Dijon. Celle-ci, comme le tribunal de commerce, n'a pas considéré que les reproches de revente hors réseau que faisait DaimlerChrysler étaient prouvés et justifiaient un refus d'agrément pour le contrat de réparateur alors qu'il satisfaisait aux critères de qualité.
Pas d'obligation de faire un appel d'offres
Mais c'est sur le refus d'agrément pour le réseau de distribution que cet arrêt apporte du nouveau. Très détaillé, il donne une réponse – d'autres suivront – à des questions qui ne font pas l'unanimité. Il rejette notamment l'obligation de faire un appel à candidatures, thèse défendue par Maître Bertin, l'avocat du Garage Grémeau : "Il n'est imposé par aucun texte au fournisseur de procéder à un appel officiel afin de susciter des candidatures", dit la cour d'appel. L'arrêt justifie cette situation par le bon sens puisque le contraire conduirait "à une situation économiquement inacceptable dans laquelle chaque candidat devrait procéder à des investissements importants pour répondre aux critères de qualité alors qu'un seul pourrait en définitive être retenu par application des critères quantitatifs". L'arrêt valide également la démarche du constructeur fondée sur la notion du numerus clausus fixé à 154 points de vente – dont le constructeur donne la liste –, qu'il qualifie "de critères précis", et souligne que compter les points de vente ou les distributeurs "ne change strictement rien". Cet arrêt confirme la thèse selon laquelle les critères quantitatifs, s'ils doivent être définis de façon claire et certaine, relèvent de l'appréciation des constructeurs dans le cadre de leur politique commerciale.
Pas d'obligation d'examiner toutes les candidatures
Plus surprenant, la cour d'appel admet également le choix préalable d'un distributeur et juge que "les critères (…) prévoyaient notamment qu'un seul distributeur serait retenu sur l'aire urbaine de Dijon et qu'un candidat, qui présentait toutes les garanties pour remplir les critères qualitatifs à la date prévue, existait, aucune faute ne peut être donc reprochée au constructeur pour ne pas avoir laissé à la société Garage Grémeau des espoirs illusoires". La cour d'appel considère au contraire que la décision rapide de DaimlerChrysler qui a informé le garage Grémeau dès le mois d'octobre 2002 (pour une demande d'agrément faite le 28 septembre) que le numerus clausus était atteint "aurait dû l'inciter à ne pas entreprendre des investissements coûteux afin de se mettre aux normes d'un fournisseur qui n'envisageait plus de travailler avec lui". En fait, la cour d'appel ne considère pas que le constructeur était tenu d'examiner toutes les candidatures à partir du moment où son choix était fait. Elle va même plus loin et considère que le refus aurait pu être fautif si le constructeur lui avait laissé croire à un renouvellement de son contrat. Si cet arrêt donne une première indication sur des notions controversées (numerus clausus, pas d'appel d'offres préalable et examen des candidatures), cette jurisprudence demande à être confirmée par d'autres arrêts. On attend désormais ce qu'en dira la Cour de cassation.
Florence Lagarde
ZOOMPerte de chance ou pas ? Le tribunal de commerce de Saumur avait condamné DaimlerChrysler pour n'avoir pas examiné la candidature d'un autre de ses anciens concessionnaires, le Garage de Bretagne. Le tribunal de commerce avait lourdement condamné le constructeur (834 927 euros) pour avoir empêché le concessionnaire de "faire valoir ses chances". Cette argumentation vient d'être rejetée par l'arrêt du 1er avril de la cour d'appel de Dijon. Que fera la cour d'appel d'Angers ? |
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