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Constructeurs

Le haut de gamme français toujours en panne

Publié le 17 septembre 2004

Par Christophe Jaussaud
7 min de lecture
Qu'en est-il du haut de gamme français ? Une question récurrente à laquelle une réponse n'est jamais simple. Si les modèles français font illusion sur le marché national, à l'échelle du continent leur part est incroyablement faible. Les trois futurs hauts de gamme français, lancés entre 2006 et...
Qu'en est-il du haut de gamme français ? Une question récurrente à laquelle une réponse n'est jamais simple. Si les modèles français font illusion sur le marché national, à l'échelle du continent leur part est incroyablement faible. Les trois futurs hauts de gamme français, lancés entre 2006 et...

...2008, devront impérativement séduire ou ce sera sûrement la fin.


Le luxe à la française… S'il est incontestable dans la mode, la haute couture, avec des griffes planétaires telles que Christian Dior ou Jean-Paul Gaultier, c'est loin d'être le cas dans le monde automobile. Chaque lancement d'une berline de luxe tricolore fait naître un nouvel espoir, qui retombe finalement comme un soufflé ! Le dernier exemple en date : la Vel Satis. Renault avait prévenu : sa nouvelle berline de luxe serait différente, construite autour de ses occupants. Résultat : à son volant, peu de reproches sont à faire à cette grande berline, mais le problème est qu'il faut réellement avoir envie de monter à bord pour le vérifier. L'automobile est, autant que la haute couture, un monde d'image. La Vel Satis ne séduit pas vraiment, donc ne remplit pas ses objectifs commerciaux. Produite à 21 945 unités en 2002 et seulement 13 127 unités en 2003, il est évident qu'elle a déçu. Un regard sur le marché français suffit à illustrer cette contre-performance. Immatriculée à 12 068 unités en 2002 puis à 8 406 unités en 2003, l'objectif de 1 % du marché, soit environ 22 000 unités, est bien loin d'être atteint. Sur le marché allemand, l'étalon haut de gamme de l'Europe, le nouveau concept Renault n'a pas pris non plus alors que la sage Safrane avait, en son temps, enregistré de belles performances. Avant elle encore, les R20, R30 ou R25 avaient connu de jolis succès commerciaux, mais seulement en France. Toutefois, pour revenir au présent, si Renault n'a pas réussi son coup avec sa grande berline, il ne faut pas oublier le formidable succès de l'Espace, qui repose aujourd'hui sur la même plate-forme, ce qui ne fait sûrement pas du programme Vel Satis un échec aux conséquences financières désastreuses. Quid de Peugeot et Citroën ?

De maigres succès en vingt ans

DS, SM, même CX, la marque aux Chevrons possède un passé solide sur le segment du luxe. Un passé sur lequel la marque n'a pas su, jusqu'à présent, capitaliser. La C6 corrigera peut-être cela. Et la XM, me diriez-vous ? Malgré les qualités intrinsèques de la voiture, les aficionados de la marque en gardent un amer souvenir, surtout à cause de l'essuyage de plâtre en matière de multiplexage. Chez le cousin, Peugeot, l'histoire semble avoir bégayé. Après la 604, dont les anciens vous diront qu'elle a été sauvée par l'arrivée du premier moteur turbo Diesel, sont venues les 505 et 605 ! Comme pour la XM, cette dernière possédait nombre de qualités que le manque de fiabilité a annihilées. Avec l'arrivée de la 607, mais surtout le travail réalisé avec la 406 Coupé, notamment en termes d'image, la marque sochalienne a franchement corrigé le tir. Au-delà de la péripétie "Auto Plus" lors du lancement, cette berline a parfaitement rempli sa mission, selon le constructeur. Toutefois, en volume, cela reste relatif, avec 12 971 immatriculations en 2002 et 9 699 en 2003 sur le marché français. Et là encore, si réussite il y a, celle-ci reste très largement confinée au territoire national. Hors de l'Hexagone, le luxe automobile français a vraiment du mal à percer et aucun constructeur n'a encore ouvert une brèche. Durant l'année 2003, 1 553 berlines sochaliennes et 1 573 Vel Satis ont été vendues en Allemagne et 1 804 Peugeot et (ce n'est pas une blague) 607 Renault Vel Satis en Angleterre ! Des chiffres confirmés sur les autres marchés de l'Union européenne, où la part des marques françaises, dans les ventes au-delà de 30 000 euros, n'est que de 1,1 % ! Les deux tableaux indiquent d'ailleurs les principaux chiffres de ce marché ainsi que les performances des marques françaises.

Ne pas oublier le facteur rêve

Que manque-t-il donc aux Français pour réussir dans ce secteur ? Technologiquement, industriellement et humainement, sûrement pas grand-chose. En revanche, en termes d'image et de volonté, il y a sans doute une large carence. En effet, si l'on demande à des représentants de marques allemandes, principalement, pourquoi les marques françaises ne percent pas dans le luxe, la réponse est quasiment unanime : parce qu'ils n'y mettent pas les moyens ! A leur décharge, les constructeurs français sont traditionnellement des généralistes et font face à des constructeurs allemands spécialistes. Cela dit, d'autres généralistes ont réussi à percer ce segment, en Europe ou ailleurs, en créant une marque à part : Lexus pour Toyota, Infiniti pour Nissan et Acura pour Honda. Matériaux, finitions, mécaniques, etc., tout serait à améliorer. Il est vrai que ce choix stratégique à un coût, mais ce ne serait pas un frein, à terme, car c'est tout simplement un point caractéristique de toute industrie du luxe. Des robes Dior à 10 000 euros ne vous couvrent pas plus que celles d'une autre marque à 500 euros, mais pourtant elles se vendent, et assez bien. Et l'on en arrive à l'image, à la perception qu'ont les consommateurs d'une marque. Une personne serait-elle prête à mettre plus de 50 000 euros dans une Renault ou une Peugeot ? Peut-être, mais il n'en existe quasiment pas ! Comme le montre le tableau des meilleures ventes par tranches de prix, les marques françaises sont cantonnées dans la première tranche, entre 30 000 et 40 000 euros. Ensuite, plus rien. Peut-on réellement espérer exister dans le luxe si l'on n'est pas capable de proposer de l'indécent, du superfétatoire, bref une auto dont les cartésiens ne comprennent même pas l'existence ?

Des concept-cars prometteurs, mais le rationnel l'emporte toujours…

Des V8, des V10, des V12 font partie de cet ensemble indispensable. Depuis trois décennies, le haut de gamme français a pour étendard le fameux V6 PRV amputé de 2 cylindres, crise pétrolière de 73 oblige. Renault s'en est libéré en partie grâce à Nissan, mais pas Peugeot et Citroën. Une Vel Satis ou une 607 aura face à elle une BMW Série 5, une Mercedes Classe E (le modèle le plus vendu en France en 2003 dans sa catégorie !), une Audi A6 ou une Jaguar S-Type, toutes capables de proposer des mécaniques bien supérieures avec notamment un V8 pour la Mercedes et bientôt un V10 pour la BMW. Si, comme de plus en plus souvent, le client choisit un Diesel, le constat est le même : 5, 6, 8 cylindres et même un V10 Diesel sont au catalogue des Allemands, et ceci depuis longtemps. Côté français, les berlines sont longtemps restées adeptes du 4 cylindres. La Vel Satis a été la première française à offrir un V6 dCi (en provenance de chez Isuzu et déjà présent chez Opel et Saab notamment) et Peugeot va enfin équiper sa 607, puis sa 407, d'un V6 HDi fabriqué en collaboration avec Ford qui équipe déjà la Jaguar S-Type. L'offre française est terriblement rationnelle, semblant n'exister que pour accompagner le reste de la gamme dans les impératifs de parc pour les ventes flottes. Pourquoi ne pas attaquer les Classe S, Série 7 et autres Audi A8, même si la Phaeton nous a montré que ce n'était pas chose facile, ou pourquoi ne pas venir sur le marché des grands coupés pour retrouver un peu d'irrationalité ? L'automobile n'est pas un produit comme les autres, c'est aussi du rêve et les concept-cars nous le rappellent. A quand le coupé Fluence de Renault ou la Peugeot 907 sur les routes d'Europe ? Cependant, cette analyse ne s'arrête pas aux frontières de l'Hexagone : le luxe italien a aussi du mal à renaître. Pour finir sur une note plus positive, le haut de gamme français a existé, et de fort belle manière, dans l'entre-deux-guerres et quelques années après la Seconde. Il n'est donc pas exclu qu'il renaisse un jour. Certes, Rome ne s'est pas faite en un jour, et il en sera de même pour le haut de gamme français, mais les architectes semblent avoir encore quelques difficultés à conduire les travaux ! Souhaitons que l'arrivée de la C6 puis le renouvellement de la 607 et de la Vel Satis en 2008 soient synonymes d'un changement de cap. Sinon, l'Allemagne deviendra définitivement la patrie du luxe automobile.

Christophe Jaussaud

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