S'abonner
Constructeurs

Le déclin de l’empire General Motors

Publié le 23 mars 2007

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Dès 1927, le groupe GM, constitué 20 ans plus tôt par la réunion de Buick et Oldsmobile, détrône Ford en tête des ventes mondiales. Il ne cessera alors de se développer. Mais, au tournant du siècle, des erreurs et le manque de réactivité face à la concurrence vont mettre cette success story...

...entre parenthèses.


General Motors occupe une place à part dans le grand livre de l'histoire automobile dans la mesure où il se constitue comme groupe dès l'origine. Ainsi, le groupe naît à l'automne 1908 sous l'impulsion de William Crapo Durant qui réunit les marques Buick et Oldsmobile. Dès l'année suivante, il absorbe Cadillac et Oakland (qui deviendra par la suite Pontiac) avant de jeter son dévolu sur Chevrolet en 1918. Dans un premier temps, l'organisation du groupe s'avère désordonnée, ce qui lui interdit de parler d'égal à égal avec Ford. Cependant, sous l'égide d'Alfred P. Sloan, une politique industrielle rigoureuse va rapidement être mise en place : rationalisation de l'appareil de production, planification des lancements et promotion pionnière du principe du crédit notamment. Cette démarche porte ses fruits et GM détrône Ford en 1927, en contrôlant plus de 40 % du marché américain. Le groupe poursuit son expansion en la calquant sur l'échelle du globe : rachat de la londonienne Vauxhall en 1925 pour poser un pied en Europe puis surtout, prise de contrôle d'Opel en mars 1929, mais aussi acquisition de la marque australienne Holden en 1931. La croissance externe s'affirme comme le modèle économique de GM et en ces temps de croissance et d'explosion de l'industrie automobile, ce modus vivendi ne laisse nullement apparaître les failles que nous connaissons aujourd'hui. Bien au contraire, volant de victoire en victoire, General Motors va devenir l'un des principaux symboles de l'Amérique puissante et conquérante. "Ce qui est bon pour GM est bon pour les Etats-Unis", le mot est devenu célèbre. Géant hégémonique et leader de l'industrie automobile, GM n'échappe toutefois pas aux turbulences des chocs pétroliers et bien que sa position demeure enviable, on voit poindre à l'horizon les premiers mauvais augures. Au début des années 80, le marché américain dicte de nouvelles nécessités, notamment la commercialisation de véhicules plus raisonnables en terme de consommation. Cette réalité étant étrangère à la culture du groupe, les dirigeants vont alors multiplier les choix hasardeux. Le plan de réorganisation et de recentrage de 1980 sera nettement insuffisant au même titre que la rigueur du contrôle des dépenses. En 1989, General Motors crée la marque Geo pour distribuer sur son marché domestique des modèles compacts et économiques issus de partenariats avec Suzuki et Isuzu. Dépourvus d'identité, ces produits peinent à trouver un public et l'initiative tourne court : Geo disparaît dès 1998. En 1985, GM lance aussi la marque Saturn pour proposer des véhicules bon marché et ainsi élargir le spectre ciblé par Chevrolet. Dans une certaine mesure, elle précipitera le déclin de Geo. En outre, pour lisser les coûts, le groupe entreprend de standardiser sa production, une stratégie économiquement recevable mais qui peut cependant affaiblir l'ensemble des marques par un manque de différenciation et un positionnement trop flou. C'est ce qui tuera la marque Oldsmobile en 2004, totalement vampirisée par Buick. Bref, la situation de GM devient délicate, d'autant que la concurrence mondiale est de plus en plus affûtée, principalement celle des constructeurs asiatiques, en particulier Toyota. La prise de participation puis le rachat total de Saab, ainsi que l'épisode Daewoo ne viennent pas arranger les choses. Le groupe s'englue et semble pâtir d'un manque de vision à long terme. Certains analystes n'hésitent pas à parler d'errements stratégiques. En 2005, le dénouement de l'affaire Fiat, la perte d'équilibre de Delphi et l'effondrement de ses ventes et de ses marges finissent de mettre le groupe dans le rouge. C'est assurément la plus grave crise de son histoire. La direction se résigne alors à annoncer un plan de restructuration sans précédent.

Anatomie d'un pêle-mêle de marques

General Motors est le groupe qui possède le plus grand nombre de marques. C'est en partie ce qui explique son leadership en termes de production et de ventes mondiales (en attendant l'avènement programmé de Toyota), mais aussi ses difficultés actuelles. En effet, le groupe souffre d'une cannibalisation inter-marques significative sur certains marchés (l'avantage économique du principe du "badge" présente d'évidentes limites commerciales) et manque d'une marque jouissant d'une notoriété mondiale. Au niveau du haut de gamme, Cadillac réussit à se maintenir en Amérique du Nord même si la concurrence de Mercedes, BMW ou encore Lexus est rude. La marque doit aussi prendre son envol en Asie, "un marché clairement prioritaire" selon la direction. En Europe, la greffe n'a dans un premier pas pris, faute de produits adaptés et d'un schéma de distribution digne de ce nom. Les dirigeants ont donc changé leur fusil d'épaule et consenti d'importants investissements pour proposer des modèles européanisés. Pour Pontiac, le positionnement est clairement identifiable : le domaine sportif et les 4x4, notamment les CUV. Sur un positionnement milieu de gamme, on trouve Buick. Il y a peu, les prédictions étaient sombres pour cette marque prise en étau entre Cadillac et Chevrolet et d'aucuns n'hésitaient pas à pronostiquer une issue à la Oldsmobile… Mais l'année dernière, Buick a réussi un résultat historique, proche de ses succès du début des années 80. Le marché américain n'y est pour rien (- 14,7 %) , mais la marque enregistre d'excellentes performances en Chine. Via l'accord conclu avec la SAIC et un habile jeu de marketing, Buick a vendu plus de voitures en Chine qu'aux USA. En revanche, la marque n'a pas d'avenir en Europe, ce qui n'est pas à proprement parler un handicap.


 Alexandre Guillet


 

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle