Le Bonus-Malus fait polémique
...La mesure, qui ne sera détaillée que prochainement, fait déjà l'objet de vives protestations.
Une annonce chasse l'autre ! Il y a quelques jours, la Mairie de Paris annonçait son intention de réglementer la circulation des 4x4 en ville, parce qu'ils sont trop polluants et trop dangereux pour les piétons. Puis, à peine deux semaines plus tard, c'est au tour du gouvernement de se lancer dans la bataille. Cette fois, les 4x4 ne sont pas directement visés, Serge Lepeltier, ministre de l'Ecologie et du Développement durable, souhaitant s'attaquer aux véhicules polluants en général et favoriser l'achat des plus respectueux de l'environnement. Le ministre de l'Ecologie a en effet profité de la présentation du PSNE (Plan national santé environnement), le 21 juin dernier, pour annoncer de nouvelles mesures contre la pollution automobile. En fait, le PSNE anticipe quelque peu l'arrivée d'un autre plan, le Plan Climat, qui devrait sortir autour du 10 juillet, et dont l'objectif est de lutter contre le réchauffement climatique, en montrant notamment du doigt les émissions de gaz à effet de serre. Le PSNE, qui a quant à lui pour ambition de garantir un air et une eau de bonne qualité et de prévenir les maladies liées à la pollution, prend pour cible les particules émises par les moteurs Diesel. Celles-ci sont responsables, selon une étude de L'OMC réalisée en 1996, d'une partie des 30 000 décès prématurés dus à la pollution atmosphérique urbaine. Ces deux plans combinés ont abouti à une double mesure instaurant un dispositif de bonus-malus à l'achat des véhicules neufs.
Deux plans, une mesure
Au cœur de ce nouveau dispositif se trouve en fait le système de "bonus-malus CO2", la "mesure phare", dixit Serge Lepeltier, du futur Plan Climat. Ce système vise à classifier les véhicules en fonction de leurs émissions de CO2, classification définie par les normes Utac, puis à taxer les véhicules les plus pollueurs et à récompenser les meilleurs élèves. Ces incitations financières devraient encourager les consommateurs à acheter de petits véhicules Diesel, car ce sont ceux qui émettent le moins de gaz à effet de serre. Le malus pourra aller jusqu'à 3 200 euros, le bonus jusqu'à 500 euros. Au final, selon une répartition des immatriculations des quatre premiers mois 2004 réalisée par R.L. Polk, près de la moitié des voitures se trouveraient dans une zone neutre, avec des émissions de CO2 comprises entre 140 et 180 g/km, et ne seraient donc concernées ni par le bonus ni par le malus. Le bonus, quant à lui, concernerait un peu plus du tiers des véhicules immatriculés et le malus près de 20 %. Le gouvernement a d'ores et déjà décidé de moduler ce dispositif, qui ne sera détaillé que lors de la parution du Plan Climat dans le courant du mois de juillet, en y ajoutant un second volet. Le texte du PSNE propose en effet de superposer au "bonus-malus CO2" un "bonus-malus particules", qui taxerait ou récompenserait les véhicules Diesel en fonction de leurs niveaux d'émission de particules. "Nous avons en fait eu l'idée de rajouter un bonus-malus particules pour corriger le fait que le bonus-malus CO2 encourageait les consommateurs à acheter des petits véhicules Diesel, faibles émetteurs de CO2, mais émetteurs de particules", explique François Bordes, conseiller technique en charge de l'énergie auprès du ministre de l'Ecologie et du Développement durable. Cette seconde mesure vient donc équilibrer l'incitation à l'achat des petits véhicules essence et Diesel. En clair, si on prend l'exemple d'une petite voiture essence émettant peu de CO2 et peu de particules, elle bénéficiera d'un bonus de 500 euros, auquel s'ajoutera un "bonus particules" pouvant aller jusqu'à 250 euros, soit une prime totale de 750 euros. Le même véhicule en version Diesel devra en revanche retrancher de son bonus CO2 un malus particules pouvant également aller jusqu'à 250 euros. Autre exemple : dans le cas d'une grosse berline Diesel équipée d'un filtre à particules, le bonus particules pourra venir en déduction de son malus CO2.
Pas d'application avant le 1er janvier 2005
Le détail de ces mesures sera révélé dans le Plan Climat, mais celles-ci ne seront véritablement applicables que d'ici le 1er janvier 2005. "Il reste encore à mettre en place le dispositif au niveau administratif", explique le représentant du ministère de l'Ecologie, selon qui on s'oriente vraisemblablement vers une perception du malus et une remise de la prime de bonus par les préfectures. "
Il faudra également vérifier l'eurocompatibilité de la mesure et démontrer qu'elle n'avantage pas les constructeurs français au détriment des autres", continue-t-il. A priori, même si PSA et Renault sont plutôt de bons élèves, ils restent globalement dans la moyenne européenne, et la mesure ne devrait donc pas les favoriser plus que les autres.
Les véhicules concernés
source : R.L. Polk
En attendant, le délai de 6 mois entre l'annonce du bonus-malus et son entrée en application a fait grincer des dents. Les deux constructeurs français ont, dès l'annonce du bonus-malus, écrit une lettre commune au ministre de l'Ecologie dans laquelle ils lui disaient prendre acte de cette mesure et soulevaient le problème du risque de décalage des ventes qu'entraînerait ce délai d'application. Ils craignent en effet que l'annonce anticipée incite les automobilistes à acheter de grosses voitures avant l'entrée en vigueur du malus, ou au contraire à reporter l'achat d'une petite voiture pour pouvoir bénéficier du bonus. "Nous ferons au plus tôt possible", répond-on au ministère en soulignant que la mesure doit suivre la procédure classique d'approbation avant de pouvoir être applicable. Pour l'heure, il ne reste qu'à attendre la sortie du Plan Climat pour savoir ce que sera vraiment le dispositif d'incitation, qui peut être modifié d'ici là. Surtout que des voix se sont élevées à l'encontre du bonus-malus au sein même de la majorité gouvernementale (voir encadré), et que certains plaident déjà pour un assouplissement de cette mesure.
Arnaud Dumas
ZOOMDésaccords au sein du gouvernement Le système de bonus-malus annoncé par le gouvernement a surpris beaucoup de monde, même les membres de la majorité. Des représentants de l'UMP ont ainsi fait savoir leur mécontentement dans la semaine ayant suivi la communication du ministre de l'Ecologie. Selon l'AFP, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Economie, a lui-même fait part de son hostilité au projet. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'Industrie, a quant à lui déclaré qu'il était embêtant de créer un dispositif différent du reste du marché européen. L'opposition n'a pas manqué de soulever ce paradoxe au sein de la majorité. |
Ce qu'ils en pensent>>Raphaël Audhoui, organisateur du Salon du 4x4 de Val d'Isère "D'abord, il faut souligner que cette supposée taxe (certains partis politiques tel l'UMP ont fait part de leur désaccord) concernera tous les véhicules, et pas seulement les 4x4. Cette mesure n'est donc pas discriminatoire et n'est pas synonyme de partialité. En outre, si l'on retient les critères de prise en compte de ladite taxe (à savoir les émissions de CO2), nous pensons que les 4x4 font plutôt partie des "bons élèves", comme le prouvent d'ailleurs les données publiées par l'Ademe. Nous avons retenu deux exemples. Le Toyota Rav 4, soit le 4x4 le plus vendu, figure au 2 000e rang des véhicules les plus polluants, le classement étant établi sur 3 500 véhicules. On peut toujours dire qu'il s'agit d'un petit 4x4, mais le fait est là. En outre, le BMW X5, archétype du véhicule luxueux et un peu volumineux, figure en 1 200e position. Pour terminer, je pense que nous pouvons être sereins, eu égard à un autre aspect : les efforts continus réalisés par les constructeurs au niveau de leurs motorisations." Propos recueillis par Marc David >>Patrick Bailly, président de la branche VP du CNPA "Je suis tout d'abord choqué de la façon dont on oppose les possesseurs de grosses voitures aux possesseurs de petites voitures. De plus, et c'est navrant, on annonce des mesures, prises sans concertation, dans un marché actuel difficile, qui risque de déstabiliser ce marché encore un peu plus. Une décision dommageable d'autant plus que le CNPA travaille depuis de nombreuses années sur le problème de l'environnement, notamment en collaboration avec les constructeurs. En outre, il faut savoir que l'âge moyen du parc atteint 7,9 ans et ces anciens véhicules polluent nettement plus que les véhicules mis en circulation aujourd'hui. Ainsi, nous proposons un retrait de ces véhicules polluants en favorisant leur remplacement par une aide fiscale allant dans le sens du client. Si le combat pour l'environnement se justifie, trouvons d'abord des solutions qui correspondent au marché et à la réalité du secteur. Mais, j'insiste encore une fois, il est scandaleux de prendre de telles mesures sans concerter ni les professionnels, ni les constructeurs !" Propos recueillis par Tanguy Merrien |
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