La “data” selon Tata
Que serait la Formule 1 sans Tata Communications ? Peu de gens le savent, mais derrière l’énorme barnum de la plus prestigieuse compétition sportive automobile se cache un partenaire méconnu, nonobstant un patronyme célèbre. Chaque saison, de Melbourne à São Paulo en passant par Dubaï, Monaco ou Singapour, les équipes et les technologies de la filiale de Tata Group voyagent aux quatre coins du globe pour servir acteurs et téléspectateurs de la Formule 1. P-dg du Formula One Group (FOG) et grand argentier de la discipline, Bernie Ecclestone profite aujourd’hui pleinement d’un partenariat débuté en février 2012 et qui lui permet de monnayer à prix d’or images, interviews ou statistiques sur la F1. Dans un monde internationalisé et connecté, Tata Communications Limited dispose d’un savoir-faire unique en matière de communications, offrant à ses clients un service de pointe et de qualité homogène partout dans le monde. Pour ce faire, la société a construit au fil du temps un vaste réseau comprenant plus de 500 000 km de câbles sous-marins et plus de 200 000 km de câbles terrestres. Associé à 400 points d’accès et 100 000 m2 de datacenters, ce réseau permet de relier 240 pays sur la planète. Dans le cas précis de la Formule 1, l’apport principal de Tata réside essentiellement dans la transmission de données, base de tout dans une discipline devenue depuis la fin des années 90 hautement technologique et médiatique. “Très concrètement, notre travail consiste à transférer et à diffuser de la “data” de tous types provenant des voitures, des stands ou de la piste, en temps réel, et ce en moins d’un quart de seconde partout dans le monde”, détaille Mehul Kapadia, directeur général de l’unité F1 chez Tata Communications. Evalué précisément à 0,244 seconde, ce transfert repose en réalité sur la technologie Speed to Lead qui offre, via le câblage sous-marin et terrestre, une vitesse de transmission trois fois supérieure à la technologie précédemment utilisée dans la discipline.
Une vitesse d’un térabit/seconde
Ces mêmes atouts permettent en outre d’offrir une qualité de service optimale, “que vous soyez dans une forêt en Belgique ou en plein cœur de Monaco, ajoute Mehul Kapadia. La qualité de notre bande passante est un élément fondamental de notre réussite car elle assure à nos clients de pouvoir travailler sereinement où qu’ils soient”. En accord avec la FOM (Formula One Management), organe prenant en charge la promotion de la discipline, Tata Communications assure la gestion des flux du site Internet Formule1.com. Un site dont la fréquentation peut être multipliée par cent les week-ends de Grand Prix et qui a la complexité d’être essentiellement prisé pour ses vidéos, vues et revues des milliers de fois avec cet impératif d’offrir à chaque fois une qualité de lecture optimale. Moyennant une connectivité de tout premier ordre pouvant atteindre un térabit par seconde (soit, à titre de comparaison, dix mille fois plus que la vitesse maximale théorique de la fibre optique proposée, en France, par un opérateur, équivalente à 100 Mb), la société peut permettre à la plate-forme d’assumer quelque 7 millions de visites lors de certaines épreuves sans le moindre dysfonctionnement. Cette vitesse de transmission faisant, Tata et FOM ont souhaité aller encore plus loin. Dans le but de procurer une qualité d’image encore plus époustouflante à leurs téléspectateurs et de s’assurer des revenus encore plus conséquents, les deux partenaires ont ainsi diffusé cette saison, et ce pour la première fois, un Grand Prix, celui de Singapour en l’occurrence, en 4K (ultra haute définition), soit le summum du genre. Un test réussi, amené à être renouvelé en 2015 malgré de lourdes contraintes techniques.
150 capteurs par F1
Cette exigence dans la qualité de transmission des données se trouve exacerbée lorsqu’il est question d’évoquer le travail réalisé par Tata pour les écuries. Dans une discipline où le moindre détail compte, où une victoire peut se jouer sur un millième de seconde, tout doit être analysé, étudié, ajusté. Désormais plus proches de la haute ingénierie que de la mécanique traditionnelle, les formules 1 d’aujourd’hui, truffées de capteurs (150 en moyenne), constituent une source presque inépuisable d’informations pour les ingénieurs. Telle une course dans la course, la vitesse de leur transmission dans les stands ou dans l’usine s’avère un élément de réussite ou d’échec prépondérant. De là dépendent souvent les bonnes analyses, les bons ajustements, synonymes, in fine, d’une course réussie. Collaborant depuis début 2013 avec Tata Communications, l’écurie Mercedes AMG Petronas demeure un témoin privilégié de ce travail. Cette dernière n’aurait sans doute pas connu la même réussite cette saison – titre Constructeur avec 16 victoires, titre Pilote avec Lewis Hamilton, et une deuxième place pour Nico Rosberg – sans l’apport des technologies de communication de son partenaire. Directeur du team Mercedes, Matt Harris est formel sur ce point : “L’échange de données entre la piste, les stands et l’usine est un élément clé de notre succès. Aujourd’hui, Tata nous apporte une vitesse de transmission optimale qui nous permet de réagir très vite, que l’on soit sur place ou à Brackley.” Qui l’eut cru ? L’usine de Mercedes, située dans la banlieue ouest de Londres, non loin du circuit de Silverstone, joue en effet un rôle actif dès lors qu’une voiture de l’écurie entre en piste. “Lors de chaque week-end de Grand Prix, nos ingénieurs présents sur place sont soutenus par une autre équipe basée dans notre usine qui dispose des mêmes informations et qui peut donc réagir de la même manière”, étaye Matt Harris. Sans avancer le moindre détail, ce dernier avoue ainsi qu’un des vingt ingénieurs présents à Brackley a permis d’éviter, en fin de saison, un incident majeur. De quel type ? Concernant quel pilote ? Sur quel circuit ? Il n’en dira pas plus. Reste que cela n’aurait pas été possible sans l’aide de Tata.
Un marché VP de plus en plus connecté
Cette aide, cette technologie, la société indienne pourrait sans trop de difficulté l’utiliser de manière plus large en l’implantant dans la voiture de monsieur Tout-le-Monde. Si l’idée n’est pas encore d’actualité dans l’esprit de ses dirigeants, la connectivité en constante hausse des véhicules de tourisme, alliée au développement des modèles autonomes et de l’Internet des objets, pourrait très bien offrir à Tata Communications de nouvelles perspectives de développement. “A l’heure actuelle, l’utilisation de nos technologies en dehors de la F1 n’est pas d’actualité”, affirme Mehul Kapadia. Ce dernier estime toutefois que “l’exigence en matière de transmission et de réception de données dans les véhicules ne va aller qu’en progressant”. Grâce aux systèmes embarqués qui équipent de plus en plus de modèles, mais aussi à la quasi-généralisation du smartphone, le savoir-faire de Tata pourrait trouver un écho dans la domotique, comme le détaille son dirigeant : “Imaginez un réfrigérateur connecté qui pourrait, dans le futur, identifier qu’untel a besoin de lait. Il lui enverra alors un signal sur son téléphone qui, une fois dans la voiture, communiquera avec celle-ci l’adresse du supermarché le plus proche et guidera ou emmènera son propriétaire vers celui-ci.” Lointaine pour certains, cette perspective est pourtant bien d’actualité et l’hyper connexion des véhicules se concrétise d’ores et déjà. Maintenance prédictive, détection de pannes ou gestion de l’environnement sont aujourd’hui une réalité à laquelle la filiale du groupe indien ne contribue pas. Ou pas encore. “L’utilisation de la donnée dans les voitures, que ce soit en compétition ou dans la vie quotidienne, est infinie…”, conclut Mehul Kapadia, laissant ouvertes toutes les possibilités. Quoi qu’il en soit, dans un monde de vitesse et de précision, la technologie de Tata en matière de “data” semble parfaitement coller aux exigences de ces bolides qu’elle décortique.
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