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Constructeurs

La croisade verte d’Eric Saint-Frison

Publié le 18 novembre 2005

Par Tanguy Merrien
5 min de lecture
Résolu à briser le cercle vicieux "pas de véhicules flexibles donc pas de biocarburants" et inversement, Eric Saint-Frison, président de FMC Automobiles et directeur général de Ford France, a présenté deux véhicules fonctionnant majoritairement au bio-éthanol, la Ford Focus et le...
Résolu à briser le cercle vicieux "pas de véhicules flexibles donc pas de biocarburants" et inversement, Eric Saint-Frison, président de FMC Automobiles et directeur général de Ford France, a présenté deux véhicules fonctionnant majoritairement au bio-éthanol, la Ford Focus et le...

...monospace Focus C-Max.


La Suède, le Brésil, ou encore les Etats-Unis ont été conviés à la démonstration d'Eric Saint-Frison sur les bienfaits des biocarburants et particulièrement du bio-éthanol. En tout premier lieu, parce que le Brésil et les Etats-Unis sont les premiers producteurs mondiaux de biocarburants et qu'ils s'intéressent à un marché que la France hésite encore à définir. En second lieu, parce que Ford a vendu plus de 15 000 Focus "flexibles"en Suède, et s'apprête, pour 2006, à atteindre les 280 000 véhicules en FFV aux USA sur l'ensemble de la gamme Ford. Plus exactement, le directeur de Ford France a voulu rompre les objections ordinaires sur la faisabilité de l'utilisation des biocarburants en lançant une gamme opérationnelle. Celle-ci, composée des Ford Focus et des monospaces C-Max, se traduit aujourd'hui par la mise sur le marché de trois cents véhicules destinés dans un premier temps aux flottes captives. Le partenaire de l'opération, BP, s'engageant à fournir le carburant. Les questions, qui se posent alors, ne manquent pas de laisser perplexe : que faire de véhicules dont le carburant n'est pas véritablement fabriqué en France (l'énergie étant loin d'être le marché principal de la production d'éthanol) et qui ne dispose pas de réseau de distribution, que penser d'une énergie alternative dont les ressources apparaissent d'ores et déjà limitées et que penser d'un gouvernement qui ne favorise pas, par voie fiscale, le développement d'une telle entreprise ?





FOCUS

Le bio-éthanol en bref
Carburant renouvelable issu des plantes comme les céréales ou la betterave à sucre, le bio-éthanol peut être obtenu grâce aux productions agricoles françaises : "En France, ce sont la betterave et le blé qui sont les principales ressources agricoles utilisées pour le bio-éthanol. Au Brésil, on utilise la canne à sucre, aux Etats-Unis, le maïs", lit-on dans le rapport sur l'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburants où l'on peut apprendre également que "l'éthanol est obtenu par fermentation des sucres et de l'amidon de ces plantes et est souvent un coproduit de la raffinerie du sucre, dont il améliore la rentabilité".
Notons que le rapport sur l'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburants est établi conjointement par le Conseil général des mines, l'Inspection générale des finances et le Conseil général du génie rural des eaux et forêts remis le 20 septembre 2005. Une table ronde ministérielle sur cette question doit avoir lieu avant la fin du mois. Une urgence puisqu'une directive européenne impose aux gouvernements d'augmenter, pour 2010, la part de biocarburants à 5,75 % par litre d'essence (aujourd'hui, elle est de 0,8 %). Une seconde urgence puisque les biocarburants sont considérés comme plus économiques à partir de 75 dollars le baril... Une échéance, désormais, à court terme !

Disponibilité sous conditions

Le bio-éthanol existe. C'est un fait. Et on sait très bien le produire en France comme ailleurs. Et on va le produire. Cependant, ce carburant écologique n'étant pas encore entré dans la politique environnementale française, même si quelques signes, comme le rapport sur les biocarburants, laissent présager d'une évolution en la matière, les sources d'approvisionnement restent essentiellement brésiliennes ou américaines, c'est-à-dire coûteuses. D'où, le coup de force d'Eric Saint-Frison, que l'on peut d'ailleurs saluer, qui, en commercialisant de tels véhicules, engage le gouvernement à répondre. Le pétrolier BP, que la diversification en matière d'énergie, ne peut qu'intéresser, s'est déclaré prêt à organiser la distribution du E85 (85 % d'éthanol, 15 % d'essence) pour peu "que le mouvement s'amplifie". Ainsi que le commente Philippe Lambert, porte-parole de BP en cette occasion : "La sécurisation économique doit être obtenue pour que le processus fonctionne. Il faut donc que le gouvernement suive". Ford France joue donc les précurseurs et s'attend, dixit Eric Saint-Frison, à ce que le gouvernement abandonne sa position qui consiste à refuser l'aide fiscale à l'éthanol puisque celui-ci se combine à l'essence : "Le gouvernement français a déclaré que les véhicules ne pourraient pas bénéficier d'économies d'impôts parce que les biocarburants étaient combinés aux SP 98 ou SP 95. Pourtant, n'est-ce pas le cas des hybrides ?", a-t-il commenté.

Un aménagement entre 0 et 350 euros !

Que les pétroliers ne prennent pas peur, Eric Saint-Frison ne pense pas transformer tous ces véhicules pour qu'ils acceptent le bio-éthanol. Le projet qui l'anime entre dans la démarche générale de diversification des énergies engagées par Bill Ford, qu'elles s'appellent GPL, GNV, bio-éthanol ou encore hybrides (SUV Escape aux USA par exemple) : "Nous avons la chance d'avoir Bill Ford qui a intégré dans sa stratégie de développement des solutions environnementales". Reste le coût de la transformation. Il s'avère ridicule. Pour une Ford Focus ou le C-Max, il faudra compter 350 euros supplémentaires. Compte tenu des ristournes faites par les constructeurs automobiles et l'impact médiatique que cela ne manquera pas d'avoir, nul doute que les 350 euros deviendront zéro euro d'autant qu'Eric Saint-Frison serait capable, a-t-il précisé, de se substituer au gouvernement pour accorder l'économie d'impôt attendue si celui-ci ne la votait pas. Une bonne nouvelle, surtout lorsque l'on sait que le bio-éthanol n'implique aucune difficulté pour l'automobiliste : ce carburant se met dans le même réservoir que le SP 95. Autrement dit vous pouvez faire le plein, indistinctement de SP 95 ou de E85, ou un mélange des deux dans le même réservoir. La crainte liée au réseau de distribution s'avère donc secondaire. Pour des résultats plutôt encourageants : d'une part, "sur l'ensemble de la chaîne allant de la production à la consommation, l'utilisation du bio-éthanol peut permettre une réduction de 70 % des rejets de CO2 par rapport à un moteur traditionnel fonctionnant exclusivement à l'essence". D'autre part, ce choix énergétique conduirait à l'exploitation des terres jusqu'ici en jachères et fournirait ainsi d'autres débouchés à l'agriculture. La croisade verte de Monsieur Saint Frison a donc de beaux jours devant elle !


Hervé Daigueperce

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