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Constructeurs

Kaizen Blues

Publié le 25 novembre 2005

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Les petits commerçants auraient pu mettre en place toutes les démarches de Qualité Totale, cela n'aurait rien changé : le consommateur a décidé de faire un bond, sinon qualitatif au moins économique, vers les grandes surfaces. Il en ira de même dans notre microcosme automobile. Le...
Les petits commerçants auraient pu mettre en place toutes les démarches de Qualité Totale, cela n'aurait rien changé : le consommateur a décidé de faire un bond, sinon qualitatif au moins économique, vers les grandes surfaces. Il en ira de même dans notre microcosme automobile. Le...

...Kaizen, vous connaissez ? C'est cette discipline de la Qualité Totale qui préconise l'amélioration continue de l'existant. Dans le commerce automobile, à l'instar de ce que l'on fait pour l'industrie, il faudrait s'attacher à améliorer constamment les produits et les "process". Un salon de mieux en mieux agencé et des techniques de vente peaufinées jusqu'à plus soif, le tout dans le but d'obtenir avant tout la satisfaction du client, permettraient de vendre mieux et plus. Toujours mieux et toujours plus. A l'infini. En définitive, le succès commercial ne serait rien d'autre qu'une résultante de la dite satisfaction, construite, entre autres, à partir du Kaizen. Il y a de quoi glousser et s'esbaudir, sans doute, mais pas trop. En effet, le petit monde du commerce automobile est peuplé de nombreux fidèles du Kaizen, pratiquants assidus mais agnostiques invétérés, qui savent bien que les ventes se font autrement, mais qui appliquent néanmoins une politique d'amélioration continue des produits et des "process" commerciaux. Pour la énième fois, on leur rappellera ici que les constructeurs japonais atteignent souvent, pour leurs produits, un niveau qualitatif excellent (pas tous et pas toujours : souvenez-vous de Mitsubishi) mais qu'ils en sont encore, au Japon, à l'âge de pierre, en ce qui concerne le commerce automobile. Faut-il vraiment les suivre, parce qu'on ne les battra jamais dans ce domaine, et se damner au nom de l'amélioration continue ?

Amélioration continue ou rupture innovante dans le commerce ?

Quand on commet l'erreur, en tant que dilettantes, de se battre sur un terrain d'excellence de l'adversaire, on maximise les probabilités de tout y perdre, "fors l'honneur", comme disait François. Si tout va bien. Quelles chances sérieuses ont donc les constructeurs européens de pratiquer le Kaizen mieux que les Japonais, de les battre dans leur domaine d'excellence ? Aucune. En revanche, il y a des choses commerciales (mais oui !) que nous faisons mieux que les japonais. Par exemple, les ruptures innovantes, dont la grande distribution est un exemple historique plus que suffisant. Dans ce cas-là comme dans beaucoup d'autres, on n'a pas amélioré l'existant : on a accompli un saut qualitatif. Les petits boutiquiers qui en ont souffert auraient sans doute préféré, d'ailleurs, qu'on les "améliore", en leur faisant adopter un comptoir d'ébène ou embaucher un commis s'exprimant en alexandrins. Il en alla autrement. Et il devra en aller autrement dans notre microcosme aussi. Faute de quoi, et quelles que soient les améliorations continues qu'on apportera, les marges VN resteront faibles ou nulles, on devra subventionner les réseaux pour les faire vivre, et le produit automobile demeurera intrinsèquement trop cher.

Les réseaux de l'avenir

La rentabilité des ventes VN, la santé économique des réseaux et la baisse des prix de vente des automobiles sont aujourd'hui trois objectifs compatibles. Pour les atteindre, il faut tout bonnement faire la révolution, comme suit :
1) Les réseaux monomarques sont des machines à perdre hypertrophiées et quasiment impossibles à rentabiliser sans subventions. Il n'y a d'autre solution que d'évoluer vers le commerce multimarque sans investissements supplémentaires, qui seul peut assurer la rentabilité des entreprises.
2) Il y a environ deux fois trop de concessions. La concurrence entre les réseaux doit permettre une sélection des entrepreneurs les plus efficaces, au demeurant les seuls capables d'affronter un marché hyper concurrentiel.
3) La rémunération des réseaux se perd en mille ruisseaux. Les primes aux moyens mis en œuvre et les subventions doivent laisser le pas à la seule rémunération des résultats de vente.
4) Les concessionnaires sont astreints à respecter un modèle unique d'entreprise de distribution. Il est urgent de laisser chaque concessionnaire organiser son entreprise comme il l'entend, afin de lui donner toutes ses chances d'émerger. En synthèse, les réseaux de l'avenir sont différenciés et, surtout, évolutifs. Comme dans la plupart des autres secteurs du commerce, il n'y a pas de solution valable sous toutes les latitudes, pour tous les cas de figure et par tous les temps. C'est aux constructeurs qu'il incombe de s'en occuper, et ils ne peuvent le faire qu'en contribuant à la libéralisation du marché. Le Kaizen, c'est plus facile. Mille fois plus facile.


Ernest Ferrari, Consultant

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