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Constructeurs

Françoise Haon , directrice commerce et réparation automobiles pour Elf : "J'espère que nous sommes choisies pour nos compétences"

Publié le 3 septembre 2004

Par Tanguy Merrien
9 min de lecture
Françoise Haon sait où elle va. Son caractère entier, sa spontanéité, sa franchise lui permettent de briller dans un milieu essentiellement composé d'hommes. Si elle regrette que le nombre de femmes reste insuffisant, elle garde néanmoins confiance en l'avenir et compte sur une évolution de...
Françoise Haon sait où elle va. Son caractère entier, sa spontanéité, sa franchise lui permettent de briller dans un milieu essentiellement composé d'hommes. Si elle regrette que le nombre de femmes reste insuffisant, elle garde néanmoins confiance en l'avenir et compte sur une évolution de...

...la situation. Françoise Haon privilégie avant tout les compétences et les qualités.


Le Journal de l'Automobile : Comment êtes-vous entrée au sein du groupe Total ? Par passion ou par opportunité ?
Françoise Haon : Je dirais que c'est plutôt le hasard de la vie qui m'a amenée ici. Avant de faire partie du groupe Total, j'étais en charge de la communication au sein de Fina France. Quant au milieu de l'automobile, je l'ai découvert au travers du partenariat de Fina avec BMW. Un monde qui m'a plu tout de suite et qui représentait une nouveauté pour moi. Un milieu où le côté passionnel a sa place.


J.A. : A votre arrivée, y avait-il déjà beaucoup de femmes ou représentiez-vous un cas isolé ?
F.H. : Dans le groupe, certaines femmes occupent quelques postes à responsabilité, mais sans doute trop peu. D'ailleurs, le groupe Total travaille sur ce sujet précisément depuis 3 ou 4 ans au niveau de la DRH. Un groupe de travail pour la féminisation de l'encadrement a été mis en place pour développer le nombre de femmes aux postes à responsabilité, ce qui à mon goût est une bonne chose. J'en ai probablement bénéficié… Désormais, on regarde plus attentivement les candidatures de femmes, ce qui n'était pas forcément le cas auparavant. Il est important, quand on a l'occasion d'occuper un poste comme celui-ci, de pouvoir convaincre les hauts responsables de nous donner des postes à responsabilités… Mais c'est aussi à nous de convaincre. J'espère avant tout que nous sommes choisies pour nos compétences.






  • Votre voiture ? Renault Scénic.
  • L'avantage d'être une femme ? Aucun.
  • L'automobile, milieu macho : cliché ou réalité ? Réalité.
  • La voiture la plus féminine ? Mégane Coupé Cabriolet.
  • La voiture la plus masculine ? BMW Série 7.
  • La voiture de vos rêves ? BMW Z1.
  • Jupe ou pantalon ? Pantalon.
  • Dans quel autre domaine auriez-vous voulu exercer ? L'art.

  • J.A. : Aujourd'hui, avec le recul, diriez-vous que le fait d'être une femme a constitué plutôt un avantage ou un inconvénient ?
    F.H. : Globalement, ni l'un ni l'autre… Je crois en le sérieux de nos dirigeants pour choisir les gens les plus adaptés selon leurs compétences. Est-ce qu'à compétences égales, on prendrait plutôt une femme qu'un homme ? Je ne sais pas, mais cela dépend aussi du profil du poste. Aujourd'hui, être une femme représente plutôt un avantage si on considère que nous sommes moins nombreuses et que la probabilité d'être approchées est donc plus grande. J.A. : Vous souvenez-vous d'une anecdote où l'on vous a fait ressentir que vous étiez une femme ?
    F.H. : A l'époque où j'étais responsable commercial, j'animais des réunions au sein des filiales et un collègue me dit un jour, pensant me faire un compliment : "Il y a une chose qui est bien avec toi, c'est que l'on peut travailler comme avec un homme." Je ne savais pas ce qu'il voulait dire. Aurais-je dû le prendre comme un compliment ? Je l'ignore et, aujourd'hui encore, je me pose la question. Depuis mes débuts professionnels, j'ai toujours occupé des fonctions au sein d'un milieu très masculin. Je suis donc rompue à ce milieu, et rien ne me surprend. De façon générale, je n'ai jamais essuyé de remarques désobligeantes, ni de réflexions déplacées. On peut même penser que, parfois, les hommes ont un langage plus retenu. En revanche, il m'est arrivé d'entendre des phrases du genre : "Je ne prendrai jamais de femmes dans mon équipe…" Preuve qu'il reste encore du chemin à parcourir…


    J.A. : Les hommes ont-ils évolué ?
    F.H. : Oui, beaucoup. Ils ont moins d'a priori sur le positionnement hiérarchique des femmes. Aujourd'hui, quand on recrute des jeunes, le fait d'avoir une femme comme patron ne les dérange plus. Ca devient normal pour la jeune génération, ce qui tranche, reconnaissons-le, avec l'ancienne génération. Celle-ci considérait que le commerce de terrain, notamment, était leur chasse gardée et que les femmes n'avaient rien à y faire. Il faut, hélas, reconnaître, que le monde automobile garde encore l'image d'un milieu exclusivement masculin. Ainsi, dans mon équipe, j'ai encore, malheureusement, très peu de femmes.


    J.A. : C'est-à-dire ?
    F.H. : Seules trois femmes sont présentes au sein d'une équipe composée de quarante commerciaux alors que, dans ma fonction précédente, nous étions plus proches du 50/50. Mais il est vrai que dans la vente de services les femmes sont mieux acceptées que pour d'autres postes commerciaux.


    J.A. : Trouvez-vous une explication à ce phénomène ?
    F.H. : Difficile de trouver une explication rationnelle. Il y a surtout de gros a priori sur l'approche du client. Si l'effet de surprise peut compter, c'est la compétence des personnes qu'il faut prendre en compte. On jugera avant tout les gens sur leurs compétences et non pas sur leurs origines. En outre, je crois que le fait de ne pas s'interdire de recruter des femmes permet d'accroître le mélange des genres. Il serait tout de même embêtant de s'interdire la moitié de la population.





    Nom Haon
    Prénom Françoise
    Age 43 ans, mariée, 2 enfants
    Diplômée d'une maîtrise de Sciences économiques de l'université de Toulouse, Françoise Haon entre en 1982 chez Fina France en tant qu'adjointe du chef de service transport. Elle devient en 1984 chargée de mission auprès de la direction générale de distribution de Petrofina à Bruxelles avant d'être nommée la même année chef du service transport à la direction de la logistique. En 1989, Françoise Haon passe à la tête du département commercial "revendeurs et filiales" où elle restera jusqu'en 1992. Elle occupera successivement les fonctions de chef de département de la communication (jusqu'en 1998) puis chef de département des cartes et logistiques (1998 à 1999) avant d'être finalement nommée directrice du commerce et réparation automobiles pour la marque Elf au sein du groupe Total.

    J.A. : Le côté féminin peut-il être dans certains cas une plus-value ?
    F.H. : C'est la même chose que d'avoir des gens de cultures, de formations et d'horizons différents. Les hommes et les femmes n'ont pas la même démarche ni le même raisonnement intellectuel. Nous n'avons pas la même façon d'aborder les choses, notamment parce que notre soif de pouvoir est moins présente que chez les hommes. Bien évidemment, ce n'est pas une règle absolue.


    J.A. : Quelles sont vos relations avec vos collègues ?
    F.H. : Elles sont des plus normales. On s'enrichit toujours au contact des autres. J'ai, de plus, été élevée dans une famille de garçons. Cela facilite le rapport avec les hommes. J'ai commencé à 22-23 ans dans le monde du transport et de la logistique où la présence de femmes est plutôt rare. Mais, une fois encore, l'effet de surprise compte et il faut savoir se faire remarquer. Je n'ai jamais senti cela comme un handicap. Je ne suis pas non plus porteuse d'un étendard. J.A. : Comment vous définiriez-vous ?
    F.H. : J'ai un certain degré d'exigence dans le travail, autant pour moi que pour mes collaborateurs. Je m'efforce d'être la plus franche possible sans pour autant brutaliser les gens. La spontanéité doit être le trait de caractère qui me caractérise le plus. J'essaie de faire partager mes idées sans les imposer, je défends le management participatif en tentant de faire adhésion autour de moi. Bien sûr, il n'est pas toujours facile d'y arriver, mais le consensus reste mon objectif.


    J.A. : Avec votre poste, est-il facile de concilier votre vie privée, celle de femme, et votre vie professionnelle ?
    F.H. : C'est une question d'organisation. J'estime avant tout que la vie privée est une question d'aménagement dans le couple. De façon générale, je me suis toujours donné les moyens dans mon organisation pour me dégager de mon temps de travail. Il ne s'agit pas seulement d'une question de temps, mais également de qualité. Il faut savoir privilégier la qualité sur la quantité. Tout dépend ensuite des moyens que l'on se donne. Après 22 ans de carrière, je reste persuadée qu'il me serait impossible d'avoir une vie sédentaire !


    J.A. : N'avez-vous jamais eu peur que la vie professionnelle prenne le pas sur votre vie privée ?
    F.H. : Bien sûr. Mais, je le répète, c'est une question d'organisation. Mon métier ne m'a pas empêchée d'avoir des enfants et mère de famille est bel et bien le métier le plus difficile au monde. La vie professionnelle est aussi un moyen pour s'épanouir et se faire plaisir. Mes deux filles me répètent souvent : "Au moins, tu te fais plaisir dans ton métier." C'est aussi un message que je veux leur transmettre. On peut concilier les deux avec un maximum de plaisir. Aujourd'hui, mes filles espèrent avoir une vie professionnelle et familiale chargée. Je pense donc leur avoir donné une bonne image.


    J.A. : N'avez-vous jamais songé à prendre du recul ?
    F.H. : Je crois que cela n'aurait pas été la bonne solution. Dans la vie, ce n'est pas forcément l'un ou l'autre. D'ailleurs, si je m'étais mise à l'écart ou si j'avais pris du recul dans ma vie professionnelle au profit de ma vie privée, aurais-je pu revenir par la suite ? Ce n'est pas sûr.


    J.A. : Quelles sont vos passions ?
    F.H. : Peinture, expositions, cuisine, théâtre et natation. J'essaie, le week-end, de passer le plus de temps possible avec mes enfants dans des expositions. Nous essayons toujours de concilier nos emplois du temps, mais là encore c'est une question de qualité et non pas de quantité.


    J.A. : Si vous deviez changer quelque chose à votre parcours ?
    F.H. : Je referais exactement les mêmes choix. Je me suis fait plaisir partout où je suis passée. J'ai eu l'immense chance de rencontrer des gens qui m'ont énormément apporté. Aujourd'hui encore, j'apprends.


    Propos recueillis par Tanguy Merrien

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