François Fillon élu Homme de l’Année 2009 !
Comme nous vous le révélions dans notre précédente édition, le premier tour de délibérations avait permis de faire émerger cinq favoris et les débats du vote final se sont logiquement cristallisés autour de ces personnalités. Sans prétendre à l'exhaustivité, il convient toutefois de signaler que Mong-Koo Chung, pour les excellents résultats commerciaux de Hyundai-Kia et la force de frappe de son outil industriel, fut une nouvelle fois cité, au même titre qu'Olivier François, pour sa prise de pouvoir chez Chrysler, et que Laurent Burelle, au nom des performances de Plastic Omnium dans le paysage dévasté des équipementiers mais aussi de son affabilité. Insuffisant cependant pour emporter l'adhésion d'une plus grande majorité. Au premier chef, sans jeu de mots, Ferdinand Piëch est remis en avant par un membre du jury : "En 2009, le groupe Volkswagen a affronté la crise avec aplomb, poursuivant même son expansion avec une prise de participation stratégique dans Suzuki et concluant l'épisode Porsche en prenant tout simplement le contrôle de ce dernier. De surcroît, quelles que soient les considérations sur l'homme, il s'agit assurément d'un grand monsieur de l'histoire de l'automobile. Quelqu'un qui a notamment su ressusciter des marques et prendre de grandes décisions parfois visionnaires". Et un autre confrère d'étayer : "La tournure prise par le feuilleton Porsche résonne comme le couronnement d'une carrière hors normes et il est par ailleurs intéressant de voir un ingénieur de formation s'imposer au sommet politique d'un groupe industriel de cette envergure". Mais comme chaque année, au moment de faire l'unanimité, avec la force des évidences, la froideur du personnage jette un voile de retenue sur l'assemblée. Première lézarde : "Nous avons déjà récompensé la réussite et les choix stratégiques du groupe l'an passé, en la personne de Martin Winterkorn, son président opérationnel. Cela reviendrait à une redite". L'évidence s'enroue, s'effiloche… Une alternative est brièvement envisagée avec Rupert Stadler. Le patron d'Audi a été promu au Conseil de surveillance du groupe et se précise comme le successeur du professeur Winterkorn. Sa marque continue de progresser, reste le premier contributeur des résultats du groupe et les produits récemment lancés, A5 ou A8 par exemple, ne manquent pas d'attrait. Certes…
Vincent Besson et Ross Brawn trop courts…
FOCUSLes membres du jury • Astagneau Denis, France Inter |
Autre "grand monsieur" de l'automobile, cette fois des circuits et des paddocks, Ross Brawn sait pouvoir compter sur le soutien indéfectible de certains membres du jury vantant à l'envi son "exceptionnel coup d'éclat lors de la saison 2009". Un noyau dur qui peine à s'agrandir, de nombreux membres du jury ressentant bien peu d'empathie pour le grand cirque de la F1, la lexie "cirque" prenant alors tout son sens. Si cela ne saurait en aucune manière être imputé à Ross Brawn, l'objection est de taille. Par ailleurs, comme lors de la première réunion, Vincent Besson reçoit plusieurs suffrages pour son remarquable travail d'ensemble à la direction Produits de Citroën. Après un long et méticuleux processus de remise à niveau et d'homogénéisation des produits, il a su trouver à la marque une forte identité de généraliste, volontiers séducteur. Une fois le cap C5 franchi, la marque s'est totalement décomplexée, parvenant à créer régulièrement l'événement avec des concept-cars affriolants et surtout, l'an passé, par le biais du lancement de la ligne DS qui l'emmène prospecter sur des terres jadis interdites aux chevrons. Les résultats commerciaux sont au rendez-vous et dans le cadre de la vaste réorganisation du groupe PSA, les équipes de Citroën sont invitées à répandre leur souffle chez la "fille préférée", Peugeot. Vincent Besson incarne cette tendance, au même titre que Jean-Pierre Ploué. Et c'est précisément ce qui chiffonne certains membres du jury : il y a deux ans, Jean-Pierre Ploué fut élu Homme de l'Année pour toutes ces raisons. Toutes ces mêmes raisons. Dès lors, récompenser Vincent Besson sonnerait comme une répétition. Quant à la réorganisation du groupe, où l'on devine les silhouettes de Philippe Varin et Jean-Marc Gales, il est encore trop tôt pour savoir si elle se traduira par des résultats commerciaux et financiers positifs. La piste s'amenuise.
L'attraction Dacia, bipolaire et en quête d'identité
En revanche, Dacia reste bel et bien en scène, son succès étant mis en exergue par plusieurs membres du jury. "Nous avions distingué la genèse du concept et sa dimension visionnaire avec l'élection de Georges Douin il y a quelques années et l'heure est désormais venue de saluer une réussite commerciale à l'échelle de la problématique de la mondialisation et une diversification des produits pertinente", avance un confrère immédiatement pris en relais : "En outre, le principal argument qui jouait auparavant en défaveur de Dacia résidait dans le design discutable de ses produits. Argument rendu caduc par le lancement de Sandero et surtout du Duster, un modèle plutôt séduisant et dans l'air du temps". Pour incarner ce succès, le nom de Gérard Detourbet est avancé. Un pilier du groupe, présidant aujourd'hui aux destinées de la gamme Entry, soit l'essentiel des ventes et la priorité stratégique du Board. Incarnation, le mot est lâché. Le premier problème aussi… "Si nous élisions la marque de l'année, le cas Dacia serait plus commode, mais s'agissant de l'Homme de l'Année, la donne est bien différente ! Quel est l'homme de l'année de Dacia ? Quel est l'homme de Dacia tout simplement ? La réponse ne fuse pas et nous devons nous creuser la cervelle pour trouver l'oiseau rare… Cela pose quand même un problème", assène un membre du jury. Un autre avis va même plus loin : "Attribuer la réussite de Dacia à Gérard Detourbet est abusif. Il y a par exemple Louis Schweitzer, Georges Douin, Lux-Alexandre Ménard ou Christian Estève qui ont successivement contribué au succès de cette aventure. Bref, Dacia est assurément un choix valable, mais il nous manque vraisemblablement un nom". D'autres voix se font alors entendre pour soulever de nouvelles objections : "L'avancée commerciale de Dacia est indubitable, mais il se trouve tout de même que cette année, la marque a enregistré un premier revers en Inde. On peut dire que c'est temporaire, mais l'échec est néanmoins manifeste sur l'exercice écoulé". La réplique ne se fait guère attendre : "Ce problème n'est pas vraiment imputable à Dacia et à Renault puisque c'est le gouvernement indien qui a fait des siennes. Cela relève plus de la sphère politique et réglementaire". Ce qui ne convainc pas tout le monde : "C'est précisément un facteur risque qu'une direction générale doit mesurer et anticiper. Sous des modalités différentes, le cas de figure est le même en Chine et en Russie. Donc pour 2009, il s'agit bel et bien d'un échec". Un membre du jury ouvre alors une nouvelle brèche en maniant le paradoxe avec aisance : "Heureusement qu'on conçoit et qu'on fabrique des Renault pour vendre des Dacia… En outre, n'en déplaise à la direction de la communication qui récite par cœur des taux de rentabilité sempiternellement identiques, n'oublions pas que sur les marchés matures, Dacia est un contributeur de la paupérisation des réseaux". Malgré les remarques de ses détracteurs, Gérard Detourbet réunit un nombre suffisant de voix pour le vote final du second tour.
Au nom de la puissance publique, c'est François Fillon qui est plébiscité
Tour décisif où il s'agit de croiser le fer avec… la puissance publique ! Comme lors de la première séance de délibérations, ses représentants ont largement été mis en avant par le jury. Notamment Gilles Michel et Hervé Guyot pour l'action conjuguée du FSI et du FMEA. Mais quand certains louent avec emphase "le caractère direct de leur action et leur grande influence sur le tissu économique de certaines régions", d'autres avancent que "des experts remettent aussi en cause leurs investissements, trop politiques et surtout trop éloignés du périmètre des PME d'avenir". En outre, d'aucuns leur tiennent rigueur d'un "discours trop évasif créant un voile d'opacité autour de certains choix". Mais l'enjeu est ailleurs : il s'agit de récompenser l'action des pouvoirs publics en faveur de l'automobile dans son ensemble. Prêts bonifiés, prime à la casse, mise en place du FSI et du FMEA, fluidification des accès au crédit, intervention dans des arbitrages industriels relatifs à l'emploi, etc… Considérant sa fonction de Chef du Gouvernement, mais aussi son attachement personnel à l'automobile, François Fillon, déjà évoqué avec conviction lors des premières délibérations, se trouve plébiscité. "L'intervention de l'Etat constitue assurément le fait automobile de l'année 2009. Qu'on le veuille ou non, sans les différents dispositifs mis en œuvre, le marché aurait traversé un violent trou d'air et de nombreuses entreprises auraient significativement réduit la voilure, voire baissé pavillon. Bien entendu, cela n'a pas résolu tous les problèmes de fond et des heures difficiles sont encore à venir, bien entendu, des jeux de lobbying étaient à l'œuvre, mais on n'est pas dans le domaine de la magie ou du conte pour enfants, mais dans celui de l'action d'urgence pour soutenir une filière. Or le Gouvernement a agi, et de surcroît très rapidement, plus rapidement que bien d'autres gouvernements. Par conséquent, François Fillon, qui a supervisé les discussions et validé les décisions, mérite d'être l'Homme de l'Année", souligne un membre du jury. Naturellement, les objections sont nombreuses et parfois virulentes : dans la balance automobile, le déficit commercial s'est creusé ; le bonus-malus a favorisé la vente de petits modèles fabriqués hors de l'Hexagone ; la prime à la casse sera vraiment évaluée après la sortie de prime ; le Grand Prix de France a disparu ; le gouvernement soutient la filière automobile, mais multiplie les choix pénalisant les automobilistes (radars, contraventions, confiscations, accessibilité des zones urbaines…) etc.
Un homme politique Homme de l'Année, une première dans l'histoire de l'élection !
A l'issue du vote, le résultat est limpide. François Fillon est élu devant Gérard Detourbet avec une confortable avance. Un vote qui se situe au-delà de toute considération politique, cela va de soi. Mettre à l'honneur un homme politique constitue une première dans l'histoire de l'élection de l'Homme de l'Année. Selon un membre du jury, rien de plus logique : "Une crise exceptionnelle a engendré un contexte exceptionnel. Des mesures exceptionnelles ont été prises et orchestrées par François Fillon. Jury économique et automobile ou non, son élection est légitime". L'homme François Fillon a aussi eu une importance non négligeable dans cette élection, principalement par rapport à sa passion de l'automobile, les compétitions comme les produits. D'autant qu'il ne s'en cache pas, alors qu'une autophobie primaire aurait tendance à servir de confortable viatique à bien des gens sur la scène publique. Par ailleurs, on ne saurait amalgamer la prévention routière et la répression des écarts des automobilistes à une forme quelconque d'autophobie. Les chiffres donnant de surcroît raison à l'action du gouvernement. Sur son blog officiel, le Premier Ministre assume pleinement sa passion de l'automobile. On y trouve des photos de Rétromobile, du Tour Auto, des évocations des 24 Heures du Mans et de l'épreuve Le Mans Classic. A l'onglet blogosphère, on découvre pas moins de quatre liens vers des sites automobiles (ACO, Jean-Louis Moncet, Sébastien Bourdais et Lionel Froissart). Mieux, dans une note où il dément une information parue dans le Canard Enchaîné sur un accident au volant d'une Audi RS4 lors du tour d'honneur des 24 Heures du Mans, alors qu'il s'agissait d'une panne d'embrayage, il dépasse le cadre du rectificatif pour affirmer : "Je pratique le sport automobile depuis vingt ans. Je n'ai pas l'intention de m'en excuser et encore moins d'y renoncer" !
Photo : Malgré les objections de certains membres du jury, François Fillon est élu Homme de l'Année pour le soutien de l'Etat à l'automobile : prêts bonifiés, prime à la casse, mise en place du FSI et du FMEA, fluidification des accès au crédit, intervention dans des arbitrages industriels relatifs à l'emploi, etc. Sa passion pour l'automobile a aussi eu son importance.
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