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Constructeurs

Faux et usage de faux

Publié le 14 octobre 2005

Par Tanguy Merrien
6 min de lecture
La propriété industrielle est un droit. Pour que ce droit ne soit pas, en France, annihilé par une déferlante de produits contrefaits, la MHP (Association française de la mécanique de haute précision) s'efforce de communiquer activement sur les dangers de la contrefaçon, notamment en matière...

...de roulements.


La contrefaçon des produits de luxe ne constitue que la partie visible de l'iceberg. Désormais, ce fléau touche tous les types de produits, y compris certaines pièces automobiles liées, d'ailleurs, à la sécurité de l'automobiliste et de ses passagers. Ainsi la contrefaçon représente-t-elle au moins 10 % du commerce mondial (tous produits confondus) et près de 25 % de la consommation en Chine. Néanmoins, les statistiques avancées par les douanes révèlent que seules 0,05 % de pièces automobiles contrefaites circulent actuellement en France. "Cependant, souligne Marc-Antoine Jamet, président de l'Union des Fabricants et président du groupe LVMH, il ne faut pas faire d'amalgame. La contrefaçon ne se contente pas de toucher un ou deux pays, c'est au contraire un phénomène mondial." Certes, la France se trouve encore bien loin de ce funeste constat, d'autant que, pour l'heure, aucune contrefaçon massive dans l'Hexagone n'a été constatée. Pourtant, la MHP, Association française de la Mécanique de Haute Précision - à laquelle adhèrent, entre autres, INA/Fag, SNR, SKF ou encore Timken - s'efforce de faire du préventif sur le territoire national de manière à éviter la déferlante que certains autres pays ont le désagrément de connaître. Dans la catégorie des familles de produits contrefaits, le roulement se pose en maître. La MHP estime en effet que sa contrefaçon représente environ 10 % du marché. Pourquoi ? parce que le roulement est un produit de grande diffusion présent sur une multitude d'objets de la vie quotidienne ; parce qu'il a une réelle valeur marchande et également parce qu'il est reconnu comme étant un produit de qualité. Les copies étant rarement réalisées sur des produits qui n'apportent pas cette notion de valeur. Du coup, dans certains, pays, comme l'Inde par exemple, les roulements de contrefaçon représentent environ 30 % du marché de la rechange. Idem en Algérie où 80 % des produits automobiles contrefaits à destination de la rechange saisis proviennent, eux, de l'importation.

Les fraudeurs peuvent être à la fois poursuivis en pénal et en civil

Le danger est donc bien réel, d'autant que les roulements exigent un process de fabrication particulièrement drastique et un contrôle qualité qui l'est encore plus. Et François Gillardeau, directeur des ventes France INA/Fag d'énumérer : "Les risques encourus par la contrefaçon de roulements sont nombreux. D'abord des risques techniques qui mènent bien souvent à une casse prématurée du produit mais également aux pièces adjacentes au roulement. Ensuite des risques humains et financiers : par exemple, la casse d'un roulement de roue ou d'un roulement de colonne de direction dans une voiture peut entraîner une perte de maîtrise du véhicule." Sans compter les risques encourus, certes, par le fabricant qui peut, en France, être poursuivi à la fois en civil et en pénal, mais également par le revendeur qui pourtant n'est pas toujours de mauvaise foi quand il jure avoir été berné à son insu. Car les acheteurs qui utilisent ou distribuent sciemment des produits contrefaits sont considérés par la justice comme responsables d'un délit. En d'autres termes, ils risquent la confiscation des produits, une amende pouvant être 1 à 2 fois supérieure à la valeur totale des produits, et surtout, d'éventuelles poursuites pénales pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement (de 3 à 5 ans) et l'amende additionnelle (de 300 000 à 500 000 euros).
Le meilleur moyen de se prémunir de la contrefaçon est encore de connaître quelques trucs efficaces permettant de distinguer le faux du vrai, à condition d'avoir l'œil aguerri. La boîte, souvent, utilise le même logo et les mêmes couleurs, à peu de choses près, et différencier un vrai étiquetage d'un faux relève du challenge : un détail n'est pas renseigné de la même manière ou bien l'une des étiquettes n'est pas de la même dimension que l'autre. Autre détail délateur : la gravure du roulement. Chez SNR par exemple, la taille et la police de caractère utilisées pour graver les produits sont propres à la marque, les gravures sur les produits contrefaits n'utilisent en général pas les mêmes. Techniquement également, à y regarder de près, le faux est très différent du vrai. Ainsi, le faux roulement comportera deux rangées de 12 billes de petit diamètre tandis que le roulement SNR doit contenir deux rangées de 17 rouleaux coniques.

Le prix n'est pas toujours signe d'un produit contrefait

D'autre part, assez logiquement, c'est sur Internet que ces produits contrefaits sont les plus vendus. D'autant que l'on ne sait pas toujours qui sont réellement les fournisseurs. En témoigne l'exemple de "inachina.com", site Internet asiatique réutilisant sans scrupule la marque INA pour y vendre des produits dont les schémas ont été piqués sur le catalogue INA mais qui ne sont évidemment pas de marque INA… et pourtant sont commercialisés quasiment au même prix ! Le prix justement, que l'on pourrait assimiler à un indice permettrait de distinguer le faux du vrai. Mais cela n'est pas toujours le cas. Là encore, les preuves sont légion hors de nos frontières. En 2001, par exemple, SKF apprend que des roulements portant sa marque sont importés d'Asie pour être vendus sur le marché algérien. L'enquête a finalement révélé que l'importateur algérien avait acheté 152 380 roulements à billes pour un montant total de 70 000 e, la valeur de vente, si les produits avaient été importés directement de France auprès de SKF, se serait élevée à 260 000 e. La différence est énorme et pourtant quasi transparente pour le consommateur qui, lui, rachetait ces produits contrefaits au même prix que les produits d'origine !
Un constat s'impose : pour que ce type d'importation soit finalement possible c'est que les moyens de s'en prémunir sont très perfectibles. Ce qui pousse les équipementiers à trouver nombre de techniques pour que leurs produits ne soient plus contrefaits : améliorer, par exemple, la technicité de leurs produits ou encore perfectionner leurs emballages avec des moyens d'identification évolués tels des cryptogrammes, des bandes iridescente, des hologrammes ou encore des modes d'impression en relief… Mais au-delà de ça, le meilleur moyen de se prémunir est encore de s'adresser à des distributeurs de pièces reconnus et identifiés, voire à exiger une facture. Si, alors, le distributeur n'est pas en mesure de la fournir c'est qu'un problème de contrefaçon se cache, apparemment, quelque part !


Ambre Delage

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