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Constructeurs

Entretien avec Jean-Yves Rona, directeur de Dicase (Distributeur peinture).

Publié le 10 février 2006

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Figure de la distribution d'Akzo Nobel et de la Gironde, Jean-Yves Rona revient en notre compagnie sur l'enjeu du transfert à la technologie hydrodiluable. Sans faux-fuyant, il évoque les questions de coûts de cette technologie et du glissement qui s'opère par ce biais dans les rapports commerciaux...

...aux clients. Il souligne aussi l'importance du plan de reprise des anciens stocks par Akzo Nobel. Et parle de l'avenir de sa profession.


Journal de l'Automobile. Comment avez-vous géré le transfert aux produits hydrodiluables et quels principaux enseignements en tirez-vous sur votre profession ?
Jean-Yves Rona. L'hydro a représenté, et représente encore, un très gros travail. En effet, il ne s'agit pas d'un simple glissement technologique, mais bel et bien d'un changement de méthodes. Bref, dans un atelier, il faut tout remettre en question et cela prend du temps. Pour nous, un transfert à l'hydro mobilise un technicien entre 3 et 4 jours, autant dire une semaine. Nous n'avons donc plus assez de temps pour prospecter de nouveaux clients. En outre, la donne a changé : nous sommes obligés de considérer notre propre client quasiment comme un prospect. Nous devons donc faire preuve de vigilance en termes de gestion, afin de garantir notre équilibre au niveau des volumes et des comptes. L'un des principaux enseignements que je tire de cet épisode est qu'en fait, les choses se sont accélérées uniquement quand la législation devenait incontournable. Alors que cela fait plus de dix ans qu'on évoque la peinture à l'eau…


JA. N'est-ce pas toujours le cas lors d'un changement technique ?
J-YR. Pas dans ces proportions. L'hydrodiluable constitue vraiment un changement radical. En fait, c'est comme de changer de marque pour un utilisateur ! Cela n'a rien à voir avec les modifications de gamme que nous pouvons connaître au sein de chaque marque. Par exemple, chez Sikkens, lorsque nous avons assuré le passage entre Autobase et AutobasePlus, c'était somme toute commode. Avec l'hydro, c'est différent et il faut appréhender d'une nouvelle manière les méthodes d'application et accepter une trompeuse impression de lenteur, etc.


JA. Vous évoquez une nouvelle donne dans le rapport avec vos clients, peut-on en déduire que l'hydro représente un coût supplémentaire pour vous ?
J-YR. Oui, c'est un coût supplémentaire pour le distributeur. A partir du moment où nos clients sont traités comme s'ils étaient des prospects, c'est une évidence. Car nous faisons des propositions de prospection… Il ne faut pas avoir peur de dire que parfois, nous faisons l'effort de payer pour garder le client. Mais tout le monde est logé à la même enseigne. Par ailleurs, il y a certains dossiers que nous faisons évoluer moins vite que ce que nous souhaiterions, pour des raisons de temps tout simplement. Je pense par exemple aux stages Spot Repair que nous organisons à Bordeaux, en lien avec le GNCR, mais à un rythme moins soutenu que ce que je voudrais.


JA. Contrairement à ce que certains pensent tout haut, l'hydro ne vous a donc pas enrichi ?
J-YR. Honnêtement, non. Mais d'une manière générale, si nous faisons toujours un très beau métier, nous savons aussi, distributeurs comme carrossiers, que la tendance est au resserrement des marges. D'autant que si la peinture est un produit coûteux, d'accord, ce sont bel et bien les distributeurs qui payent les services et le back-office parallèles. Et je suis convaincu que cette tendance lourde va se confirmer.


JA. Au final, le chantier de l'hydro risque-t-il de mettre en péril une partie de la distribution ?
J-YR. Il est encore trop tôt pour savoir si la distribution sera directement déstabilisée par l'hydro. Nous manquons encore de recul… Mais il est clair que tous les distributeurs ne passeront pas la crise et qu'il y aura de la casse en chemin.


JA. Revenons un instant sur les modalités du programme de transferts à l'hydro, comment avez-vous accueilli l'annonce d'Akzo Nobel concernant la reprise des anciens stocks solvantés ?
J-YR. Cela a constitué une très bonne nouvelle ! Le fait qu'Akzo Nobel reprenne une partie de nos produits nous simplifie considérablement la tâche. Nous travaillons l'esprit plus libre, sans inquiétude sur la gestion des stocks de produits solvantés. Et je sais de quoi je parle car lors du passage d'Autobase à AutobasePlus, il n'y avait pas eu de reprise et aujourd'hui, j'ai encore aujourd'hui un stock à assumer et je sais qu'en plus je vais payer pour le faire détruire…


JA. Certains concurrents affirment qu'Akzo a joué sur un effet d'annonce très marketing à propos de ce dispositif de reprise, qu'en pensez-vous en tant que distributeur ?
J-YR. C'est le jeu médiatique classique de la concurrence… Et je puis vous assurer que ce dispositif est très sécurisant pour un distributeur. En fait, nous n'avons plus qu'à prendre garde aux dates de péremption des produits. Par ailleurs, ce n'est pas un simple effet d'annonce, puisque Vincent Vallin nous a adressé un courrier officiel concernant la reprise des stocks solvantés et ses modalités pratiques. Enfin, par ce biais, Sikkens affirme avec force sa volonté de conserver sa distribution. Et c'est une donnée essentielle dans le business, d'autant que les produits de peinture sont très techniques.


JA. Elargissons le propos : on évoque régulièrement la nécessaire évolution du rôle du distributeur. Partagez-vous cette opinion et selon vous, quelles doivent être vos compétences à l'avenir ?
J-YR. Au-delà du maintien de la qualité de nos prestations et de nos performances en matière de livraison, nous devons effectivement évoluer. Nous avons notamment un rôle primordial à jouer sur l'enjeu de la formation ! Ceci est valable d'un point de vue technique, dans l'atelier, mais aussi par rapport aux chefs d'entreprise. Aujourd'hui, tous les produits sont disponibles pour que le carrossier gagne de l'argent sur ses Ingrédients Peinture. Et pourtant, tous n'y parviennent pas… Nous devons intervenir à ce niveau. Nous pouvons aussi venir en appui sur certaines problématiques essentielles, comme la facturation, l'accueil client, ou le hors assurance. Par exemple, pour le Spot Repair, c'est aussi de notre chef de démontrer qu'il serait absurde de se passer de cette manne. Bref, nous devons évoluer vers un rôle de conseil au-delà du strict champ technique.


JA. Toute la profession est-elle prête à franchir ce pas ?
J-YR. Cette évolution, c'est le fait de chaque chef d'entreprise. C'est une décision de son ressort. Mais je ne pense pas que toute la profession suive. Je répète qu'il y aura de la casse dans notre secteur. Une casse qu'il faudra relativiser en faisant le juste tri entre les vraies défaillances et les nombreux départs à la retraite.


JA. Par ailleurs, quel regard portez-vous sur les marques de rang 2 et plus précisément, pensez-vous qu'elles ont les moyens de gagner des PDM alors que le marché s'oriente vers toujours plus de services et de technicité ?
J-YR. Vous savez, d'une certaine manière, on peut dire que nous avons une ligne B avec Lesonal. Même si c'est différent, car la présence d'Akzo Nobel en amont et sa notoriété nous facilitent les choses en termes de soutien et de perception de qualité. D'ailleurs, grâce à l'argument Akzo Nobel, cette marque nous a permis de gagner des clients ces temps derniers. Mais bon, ce n'est pas comparable avec la problématique d'une marque de rang 2 isolée et peu connue dans l'Hexagone. Et je pense qu'il est très difficile d'implanter une nouvelle marque de peinture ou de parvenir à avoir un effet national avec une petite marque. D'autant que la dépendance de la marque vis-à-vis de sa distribution, déjà visible pour les grandes marques installées, devient encore beaucoup plus aiguë pour une petite marque.


JA. Pour conclure, quelle est à vos yeux la marque qui vous fait le plus concurrence actuellement ?
J-YR. Toutes les grandes marques représentent de sérieux concurrents ! Surtout en Gironde, une zone de chalandise qui se caractérise par une présence très forte de distributeurs spécialisés en peinture ! Et puis, il ne faut pas oublier Ixell qui joue de surcroît avec des moyens et des méthodes différents…


Propos recueillis
par Alexandre Guillet






ZOOM

Dicase en bref


Créée en 1978, l'entreprise Dicase est un distributeur spécialiste en peinture automobile. Entrée depuis 2004 dans une stratégie de diversification pour faire face à la baisse du marché, elle distribue aussi la marque NovaColor pour le secteur Industrie. Dans le cadre de son activité automobile, elle distribue exclusivement les marques Sikkens et Lesonal du groupe Akzo Nobel. Ainsi que certains produits d'outillage léger de carrosserie. Depuis 2002, Dicase est dirigée par Jean-Yves Rona qui détient 51 % des actions. Il s'agit d'un spécialiste du secteur : plus de dix ans passés dans la distribution peinture et des expériences chez Europa et SGI (importateur de Sata). L'entreprise Dicase, membre du réseau Centaure, rassemble aujourd'hui 9 salariés et évolue sur la zone de chalandise très concurrentielle de la Gironde. Lors du précédent exercice (bilan clos au 31/03/2005), elle a dégagé un chiffre d'affaires de 1 650 000 euros.

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