Entretien avec Jean-Michel Boulmier, directeur Pôle Environnement de Geodis : "Une image d'Epinal persiste : celle du camion pollueur"
...chaque jour.
Journal de l'Automobile. Geodis présente durant le Salon son concept de Reverse Logistics. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit ?
Jean-Michel Boulmier. Le département de l'Environnement et de la Reverse Logistics de Geodis a été créé en 2002, afin de répondre à la réglementation européenne qui impose aux entreprises de respecter des normes environnementales de plus en plus draconiennes. En août prochain, une nouvelle directive sur les déchets d'équipements électriques et électroniques doit d'ailleurs être appliquée. Tous les produits fonctionnant à l'électricité devront être collectés par les fabricants eux-mêmes. Ces derniers deviennent responsables de leurs produits et doivent s'organiser pour mettre en place les filières de recyclage adéquates. Fin 2006, chaque Etat de l'Union devra prouver qu'il a bien collecté 4 kg de produits par habitant et qu'il collabore avec des filières reconnues, ayant un taux de valorisation de 65 à 85 % selon la nature des produits. C'est ici que la Reverse Logistics de Geodis intervient, en accompagnant ses clients dans la gestion de leurs produits en fin de vie. Nous nous chargeons de la collecte des produits usagés, du regroupement et du tri sélectif, de l'acheminement vers les unités de traitement régionales, nationales et européennes.
JA. Pouvez-vous nous parler du développement durable ? Quelle en est votre propre définition ?
JMB. Sujet à la mode pour certains et politiquement correct pour d'autres, il faut faire très attention avec le développement durable. Il s'agit de ne pas être égoïste en ne nous préoccupant que de notre vie actuelle, sans penser au futur. Les fondements du concept ne sont pas à remettre en cause, il faut simplement être pragmatique.
Dans le domaine du transport, il y a une image d'Epinal qui persiste, celle du camion pollueur. Alors, recadrons les choses tout de suite : le transport de marchandises pollue nettement moins que celui des passagers. Ensuite, les citadins montrent du doigt les camions qui traversent leurs villes, qui polluent et qui encombrent… En revanche, ils veulent tous acheter leurs produits de consommation en bas de chez eux et tout de suite. Dans ce cas, il faut bien que les points de vente soient livrés régulièrement, ce qui, dans la majeure partie des cas, se passe la nuit. Pour optimiser les transports, il faudrait déjà que les mentalités changent.
JA. Le développement durable est-il alors compatible avec l'activité de Geodis ?
JMB. Oui, tout à fait. Par exemple, nous formons tous nos chauffeurs à la conduite rationnelle, c'est-à-dire à une conduite régulière, sans à-coups. Cela veut dire aussi une consommation de carburant optimisée. Par contre, le développement durable trouve ses limites s'il va à l'encontre des souhaits de nos clients, en terme de délai de livraison par exemple…
JA. N'est-ce pas une forme de pression de leur part, dans ce cas ?
JMB. Eux-mêmes subissent une pression de la part de leur client final. C'est ce que j'évoquais précédemment sur la société actuelle, celle du tout et tout de suite. Nous vivons dans une société de consommation rapide, accentuée par Internet, le téléphone portable… Certains évoquent le chemin de fer comme étant la solution écologique. Jusqu'à preuve du contraire, ce dernier ne va pas dans toutes les villes et à tous les points de vente.
JA. Justement, êtes-vous favorable au ferroutage ?
JMB. Pourquoi pas… mais le camion est plus efficace dans la mesure où il prend un produit à un endroit et le livre à un autre, tout en évitant les ruptures de charges. Bien sûr, l'utilisation d'un autre moyen de transport est possible, mais elle restera marginale. Le ferroutage est une solution dont on parle plus souvent en cas d'accident routier. Une fois le passionnel et l'émotif passés, le pragmatisme reprend ses droits.
JA. Avez-vous changé votre flotte ces dernières années ?
JMB. Oui. Tout en adoptant une politique raisonnable, nous changeons notre flotte régulièrement, c'est-à-dire tous les trois ou quatre ans. Nous suivons ainsi les normes Euro (3 et 4). L'évolution de la flotte est reportée dans un rapport annuel où nous indiquons sa composition.
JA. Bénéficiez-vous de mesures incitatives du gouvernement pour favoriser le développement durable chez Geodis ?
JMB. Absolument pas. Mais je vais vous donner un exemple de ce qu'il pourrait faire. Nous expérimentons actuellement, avec un de nos clients, l'utilisation de camions GNV (gaz naturel de ville). Ces camions livrent des produits frais dans Paris, bien souvent la nuit. Nous avons adapté des moteurs électriques pour que la chaîne du froid soit respectée et que le chauffeur puisse couper son moteur à chaque arrêt. Nous avons également incité les chauffeurs à ne pas claquer les portes et nous avons installé des joints en caoutchouc pour amortir les bruits. Le coût d'achat de camions de ce type est économiquement insupportable pour une entreprise, car ils sont faits pratiquement sur mesure, en petites séries. Si les pouvoirs publics veulent agir, il leur suffit de débloquer la situation en subventionnant le delta entre l'achat d'un camion normal et celui d'un camion adapté GNV. Nous pourrions ainsi passer commande auprès des fabricants, qui eux-mêmes diminueraient leurs tarifs. Seul l'Etat peut agir, en prenant en charge les coûts. Encore faut-il qu'il le fasse.
JA. Avez-vous effectué des mesures d'impacts négatifs de votre activité sur l'environnement ? Quelles solutions avez-vous mises en place pour y remédier ?
JMB. Nous avons en effet réalisé des études sur ce sujet, et avons mis en place certaines pratiques, telles que la formation de nos chauffeurs. Par exemple, nous leur démontrons que les excès de vitesse sont inutiles sur les longues distances compte tenu des péages, des limites de vitesse… De même, nous n'avons pas besoin de moteurs développant 450 ch. Cette course à la puissance est, selon moi, une aberration.
Propos recueillis par Muriel Blancheton
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